Frédéric Dole, chef d'entreprise de Levier, doit payer une amende de 9538 euros à l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration, l'OFII, pour avoir embauché un homme sans titre de séjour. Une pétition "Indignez-vous" a été mise en ligne pour soutenir le chef d'entreprise.
Cette histoire ne s'est pas écrite en un jour. Tout a commencé en 2014 quand la famille Hysni est arrivée au CADA de Levier, elle est arrivée en France en 2013. Le CADA est un centre d'accueil de demandeurs d'asile. Il les héberge durant le temps d’examen de leur demande. Mais si leur demande est rejetée, les exilés doivent partir. Les mois passent et la famille Hysni reste à Levier.La famille Hysni est originaire du Kosovo. Dès son arrivée à Levier, Ahmed, le père s'est présenté en mairie, pour trouver un travail. Le maire, Guy Magnin-Feysot le présente alors à Frédéric Dole, chef d'une entreprise de travaux paysagers. Une aubaine pour le patron qui a du mal à recruter dans cette zone trop proche de la Suisse.
Un salarié modèle
Le travail d'Ahmed donne tellement satisfaction qu'il est embauché en CDI en février 2016. Son fils, est scolarisé à l'école maternelle du village et son épouse donne un coup de main aux associations locales. La famille ne vit plus au CADA mais dans un logement loué à un propriétaire privé. L'intégration est réelle.
Pour embaucher le salarié, le chef d'entreprise n'avait besoin que de son numéro de sécurité sociale et de son permis de conduire. L'employeur a déclaré son salarié aux organismes sociaux comme la MSA, il paie ses cotisations. Au total, Frédéric Dole a versé plus de 12 000 euros aux différents organismes sociaux.
En mars 2018, la police de l'air et des frontières vient à l'entreprise avec la MSA pour contrôler la situation administrative de Ahmed Hysni. Le salarié n'a pas obtenu son autorisation de travail de la part des services de la préfecture. Il passe une journée dans les bureaux de la PAF et c'est le maire de Levier qui vient le chercher.
L'élu souligne que plusieurs demandes d'autorisation de travail ont été envoyées aux services de la préfecture du Doubs. D'après le site service public, il est possible de solliciter une autorisation de travail en tant que titulaire d'une attestation de demande d'asile si cette demande est en cours d'examen depuis plus de 9 mois par l'Ofpra. Mais dès 2015, la famille s'est vue refuser un titre de séjour. Malgré différents recours, "rien n'y fait" déplore Yves Magnin-Faysot.
En plein coeur de l'été dernier, les espoirs de la famille Hysni s'écroulent. Des gendarmes frappent à leur porte pour les reconduire à la frontière. Deux fois, les gendarmes viendront, deux fois des habitants de Levier se mobiliseront et empêcheront le départ de la famille. Aujourd'hui, les trois membres de la famille sont hébergés quelque part.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. L'employeur de Ahmed est condamné à payer une amende de 9538 euros à l'OFII. L'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration est chargé de l'accueil et de l'intégration des migrants. En mars 2018, l'OFII avait déjà reproché à cet employeur d'embaucher un salarié démuni d'un titre de séjour autorisant l'exercice d'une activité salariée en France et Frédéric Dole avait payé une première amende.
"C'est l'acharnement de la préfecture du Doubs que je ne comprends pas" explique le patron qui ne souhaite pas en dire plus. Après le contrôle de la PAF, l'employeur a du licencier Ahmed Hysni. Il a mis six mois pour retrouver un salarié. Le maire de Levier Yves Magnin-Faysot, lui aussi, ne comprend pas l'attitude de l'OFII. Il a écrit au service national de l'OFII pour demander l'annulation de cette amende. Sur les 9538 euros demandés, 2398 euros servent aux "frais de réacheminement" de la famille. Le maire aussi s'étonne que dans d'autres départements, des personnes puissent obtenir une autorisation de travailler lorsqu'il y a une promesse d'embauche. "Et les 12 862,57 € de cotisations patronales versées, serait-ce "à fond perdu ?" s'interroge l'élu.
"La préfecture ne fait qu'appliquer la loi"
Le secrétaire général de la préfecture du Doubs, Jean-Philippe Setbon, estime que la préfecture ne fait qu'appliquer la loi. "Ahmed Hysni a été embauché après le rejet de sa demande d'asile début 2015. Après trois années de procédure pour faire valoir les droits, la famille Hysni n'a pas obtenu le statut de réfugiés. Il y a eu le refus de l'OFPRA et le tribunal administratif a confirmé la décision du préfet. Ce n'est pas le maire de Levier qui décide qui peut rester en France ou pas" explique M. Setbon.Entre pragmatisme et légalisme, deux visions s'affrontent : le maire de Levier et tous ceux qui soutiennent la famille Hysni disent avoir tranché avec une bonne dose d'humanisme. Une pétition est en ligne, elle est adressée au directeur Général de l'OFII (Office Français de l'Immigration et de l'Intégration) pour demander l'annulation de cette amende.