Capitaine d'industrie, patron star ou grand visionnaire, les adjectifs pour décrire Jacques Calvet fleurissent depuis l'annonce ce vendredi de son décès. Pour les franc-comtois qui l'ont côtoyé dans les années 80, c'est avant tout le souvenir d'une époque et d'un patron "à l'ancienne".
Avant d’être député de la République en Marche, Denis Sommer a été leader syndical.... à la tête de la CGT à Sochaux pendant plusieurs années. Il garde le souvenir d’une présidence hautaine avec le monde ouvrier et brutale avec les syndicats.
Jacques Calvet, peu malléable, était « un dirigeant de son époque. Le dialogue social n’existait pas par nature. La grande grève de 1989, qui dura 7 semaines, n’arrivait pas de nulle part. »
Joint par téléphone, Denis Sommer réagit à la disparition de l’ancien Pdg de Peugeot. « C’est une autre époque. A Sochaux et Mulhouse, dans les années 80, on comptait encore largement plus de 20 000 salariés. La répression anti-syndicale était forte. Les syndicats considérés comme des ennemis. Jacques Calvet aux commandes, c’est la continuité de cet état de fait. Ça peut faire sourire mais ma voiture a souvent eu les pneus crevés, du sucre et du goudron dans le réservoir, j’ai connu ça… Plus largement, la période Calvet c’est le passage d’une logique industrielle à une logique financière. C’est Tapie, Yves Montand, la Mitterrandie. Un moment de notre histoire où on entend plein de discours sur l’avenir des services qui vont supplanter l’industrie. C’est le début du déclin de notre industrie. Le personnage de Jacques Calvet est assez anecdotique pour moi. Il fait juste partie de ce discours là.»
"les patrons comme lui étaient des princes"
La grève de 1989 marquera les esprits. Elle durera 7 semaines. Le jeune Denis Sommer anime les débats à Sochaux. Jacques Calvet se montre intraitable. "Pas un centime de plus !", déclare le patron de Peugeot sur Antenne 2. La direction vient d’annoncer 1,5% d'augmentation générale, un coup de pouce “ridicule” pour les salariés. Le Canard Enchainé publie la feuille d'imposition de Jacques Calvet : 180 000 francs par mois et 46% d'augmentation sur deux ans. L’article est titré: "Calvet met un turbo sur son salaire". Denis Sommer se souvient que les négociations à la fin se sont faites sans Jacques Calvet. « Le PDG ne discutait pas avec les organisations syndicales. On a du mal à imaginer ça aujourd’hui. A l’époque les patrons comme lui c’étaient des princes. Au-dessus de tout le monde. Pour ma part j’ai beaucoup appris dans ce contexte. Je n’en garde aucune amertume. On était nombreux et solidaires. »
Ni le lieu, ni le moment ...
Bruno Lemerle était lui aussi à la CGT sous l’ère Calvet. A la retraite mais toujours engagé avec la CGT. Au nom du syndicat, il a décidé de ne pas réagir. « Ni réaction, ni commentaire. Ce n’est pas le lieu ni le moment. Nous l’avons combattu. Ceux qui veulent savoir ce qui s’est passé en 1989 peuvent aller voir notre film réalisé l’an dernier pour les 30 ans. Notre parole est là. »