La sportive du Pays de Montbéliard, accusée de dopage à l'EPO, a été suspendue deux ans supplémentaires par le Conseil d'État. Elle affiche néanmoins un visage déterminé et rêve toujours des Jeux Olympiques 2024. Interview.
Testée positive à l’EPO en 2019, l’athlète de Montbéliard Ophélie Claude-Boxberger avait initialement été suspendue de toute compétition sportive pour une durée de deux ans par la commission indépendante de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) en charge des sanctions. Le Conseil d'Etat vient d'alourdir la sanction. Selon son compagnon Jean-Michel Serra, ancien médecin de l’équipe de France d’athlétisme, joint plus tôt dans la journée par nos journalistes, Ophélie Claude-Boxberger était "complètement effondrée, dans un état psychologique détruit".
L'athlète, actuellement à l'étranger, a accepté de répondre à nos questions et affiche finalement un visage déterminé et continue à s'entraîner dans le but de participer aux Jeux Olympiques 2024.
Rémy Poirot : Ophélie, comment avez-vous pris cette décision de deux ans de suspension supplémentaires ?
Forcément c'est dur à digérer, sachant que quand j'ai pu lire le compte rendu qui m'a été adressé je me suis rendue compte qu'ils s'appuyaient sur des éléments un peu fallacieux donnés par l'AFLD. C'est d'autant plus dur à accepter qu'ils ne se basent pas sur de véritables faits. L'Agence française de lutte contre le dopage a fait appel auprès du Conseil d'État, sachant que la directrice de l'AFLD, qui fait appel, est elle même membre du Conseil d'État. Il y a un gros conflit d'intérêt.
L'athlète annonce sa grossesse
À 5 mois de grossesse j'arrive toujours à faire des chronos au top niveau français.
Ophélie Claude-Boxberger, athlète franc-comtoise
Dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Quand j'ai su qu'il y avait cet appel, forcément la décision on s'y attendait un petit peu. C'était complètement biaisé. Je pense qu'il y a encore des choses à faire contre l'AFLD, par rapport à cette décision injuste qui me semble complètement disproportionnée. Cela donne envie de continuer justement à m'entraîner et voir ce qu'il y a à faire contre l'AFLD et ses décisions injustes. Ils cherchent à me décourager. Je suis revenue, et à 5 mois de grossesse j'arrive toujours à faire des chronos au top niveau français, donc non, ils n'arriveront pas à me décourager et notamment au sujet de mes rêves de Jeux Olympiques.
Pour vous, c'est une décision injuste ?
Complètement oui. La commission des sanctions avait statué en avril dernier. Elle avait pris en compte tous les éléments. Il y avait 15 personnes, des médecins, des pharmaciens, des membres du Conseil d'État. Donc, la décision avait été réfléchie.
Vous visiez les JO 2024. Est-ce que ces deux ans vont impacter ce projet ?
C'est toujours plus compliqué car cela prive de compétitions officielles. Mais cela n'empêche pas de s'entraîner dur et de préparer les Jeux Olympiques sachant que la suspension s'arrêtera fin avril 2024 et que le marathon des JO a lieu en août 2024. C'est sûr que c'est plus compliqué de trouver des courses, mais rien pour le moment n'est joué. Cela ne m'empêche pas de me préparer.
L'AFDL réagit à la décision du Conseil d'État
"L’AFLD accueille avec satisfaction la décision du Conseil d’Etat qui applique une suspension de quatre ans. Il s’agissait de la sanction demandée par le collège de l’AFLD au titre de la présence d’EPO, ce qui correspond à la sanction de principe pour l’usage intentionnel de cette substance. Le Conseil d’Etat a jugé qu’aucune circonstance particulière ne permettait de réduire cette durée. Mme Claude-Boxberger sera donc suspendue jusqu’en avril 2024" précise L'Agence française de lutte contre le dopage dans un communiqué diffusé à notre rédaction.
"La décision du Conseil d’Etat est en outre particulièrement éclairante concernant les comportements qui peuvent constituer une « falsification », c’est-à-dire le fait d’échapper ou d’entraver volontairement les procédures antidopage. Elle confirme, comme le collège de l’AFLD le soutenait, que le fait d’inciter un témoin à mentir sur l’origine d’une substance interdite est susceptible de caractériser une infraction de falsification, de même que, selon les circonstances, le fait de manquer à ses obligations de localisation. Mais si le Conseil d’Etat a relevé certains faits, il a estimé, dans le cas présent, que le niveau de preuves n’était pas suffisant" conclut-elle.
Le Conseil d'État a quant à lui justifié sa décision en expliquant : "Après avoir entendu la sportive, la commission des sanctions a jugé que l’interdiction de compétition d’Ophélie Claude-Boxberger devait s’élever à deux ans. Estimant à l’inverse que l’athlète était coupable de falsification, la présidente de l’agence a saisi le Conseil d'État pour contester la décision de la commission et a demandé que la sanction soit portée à huit ans d'interdiction. Ophélie Claude-Boxberger a quant à elle demandé l'annulation de la sanction, affirmant que les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas démontrés. Pour ce litige similaire à celui opposant la présidente de l’AFLD à la cycliste Marion Sicot et jugé en mars dernier, le Conseil d'État estime que ni la durée réduite à deux ans retenue par la commission des sanctions, ni la durée portée à huit ans demandée par la présidente de l’agence, ne sont justifiées au regard des éléments avancés par les parties. C’est pourquoi le Conseil d’État porte aujourd’hui à quatre ans la durée d'interdiction pour Ophélie Claude-Boxberger et modifie la décision de la commission des sanctions de l’AFLD."