Pour amorcer le déconfinement annoncé par le président de la République à partir du 11 mai, la France a besoin de masques. D'énormément de masques. Ils seront fournis notamment par quatre entreprises labellisées en Bourgogne-Franche-Comté.
Lors de son allocution télévisée du 13 avril, qui a rassemblé 36,7 millions de Français, soit 94,4% de parts d'audience (un record absolu), le président de la République Emmanuel Macron l'a dit:
"L'Etat, à partir du 11 mai, en lien avec les maires, devra permettre à chaque Français de se procurer un masque grand public. Pour les professions les plus exposées, et pour certaines situations comme dans les transports en commun, son usage pourra devenir systématique. Ce sera possible grâce à nos importations et grâce à la formidable mobilisation d'entrepreneurs et de salariés, partout sur le territoire, pour produire massivement ce type de masques".
L'exécutif a déjà identifié plusieurs dizaines d'entreprises qui ont proposé et fait valider leurs prototypes de masques.
En fin de semaine dernière, le ministère de l'Economie a publié la liste de "76 entreprises dont les prototypes de masques alternatifs ont été testés et qualifiés pour leurs propriétés filtrantes".
"Je salue la mobilisation dont fait preuve notre industrie textile et tous ceux qui y travaillent, réagissait Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances. Nos industriels ont réussi à développer en quelques semaines à peine une production quotidienne de plus de 500.000 masques alternatifs à destination des professionnels. En faisant encore progresser leurs capacités de production ces prochains jours, notre industrie textile et les femmes et les hommes qui la composent relèvent un défi sans précédent dans notre histoire récente et démontrent leur capacité à s’adapter rapidement afin de servir toute la nation."Un défi sans précédent dans notre histoire récente
Parmi ces entreprises habilitées par l'Etat, quatre sont installées en Bourgogne-Franche-Comté. Il s'agit de Géochanvre, à Lézinnes dans l'Yonne, d'Epau-Nova à Mathay dans le Doubs, de l'Adapei 70 à Vesoul et de RKF à Luxeuil-les-Bains en Haute-Saône.La demande est infinie
Nous vous avions déjà parlé de ces deux dernières structures il y a quelques jours ici même.
Avant le confinement, elles fabriquaient de la literie, du linge de maison de luxe, des épaulettes ou des toiles de paillages. Toutes ont modifié leur outil de production pour produire des masques en grande quantité.
"On en produit quelques milliers par jour, nous explique au téléphone Gilles Curtit, le patron d'Epau-Nova, débordé depuis quelques jours. Avec le référencement national, on a des coups de fil de toute la France. La demande est infinie".
Sur le site du ministère, l'usine de Mathay, dans le Pays de Montbéliard, promet 10.000 masques par semaine pour commencer, jusqu'à 20.000 d'ici la fin du mois d'avril.
Ses masques ont été validées par la DGA, la direction générale de l'armement, qui analyse les capacités de filtration de chaque prototype. Ils obtiennent l'agrément comme "masque individuel à usage des professionnels en contact avec le public", et même "masques chirurgicaux" d'après la Région Bourgogne-Franche-Comté.On a ressorti nos vieilles machines, on fait avec ce que l'on a
Les masques sont vendus 3 euros TTC. "Quand je vois l'énergie qu'on y met, on fait avec ce que l'on a, assure le patron, mari d'une ancienne infirmière, qui a embauché six personnes en plus de ses 34 salariés habituels... On a ressorti nos vieilles machines, tout le personnel est mobilisé. On ne s'improvise pas fabricant de masques, ce n'est pas notre métier, mais on ne peut pas envoyer en première ligne des gens sans matériel".
A l'autre bout de la région, ce ne sont pas des épaulettes ou des coques de soutien-gorge que Géochanvre fabrique, mais des géotextiles en fibres naturelles pour les maraichers et les vignerons.Nous avons investi dans une machine de découpe qui multiplie notre capacité de production par 4
A la place de ces toiles de paillage qui évitent de désherber, la start-up installée dans une ancienne cimenterie Lafarge a bouleversé son process de fabrication et mis au point un "masque de protection alternatif", destiné aux "individus ayant des contacts occasionnels avec d’autres personnes, dans le cadre professionnel".
"C'est un masque 100% végétal, nous explique Sandrine Boudier, commerciale et chargée de la communication. Il est composé d'un feutre extérieur en chanvre, dont la majorité est cultivée en Bourgogne-Franche-Comté, et d'un voile intérieur en amidon de maïs".
Le masque est vendu 80 centimes d'euros l'unité, et livré en kit, à assembler soi-même. "On a fait le choix d'un système simple et d'une production rapide, poursuit Sandrine Boudier. Compte-tenu des besoins, nous avons investi dans une machine de découpe qui multiplie notre capacité de production par 4".
L'entreprise, qui emploie une dizaine de salariés, a embauché trois personnes supplémentaires pour la découpe et le conditionnement. "On a commencé à 15.000 masques par semaine, on monte progressivement à 150.000, peut-être même au-delà", détaille Sandrine Boudier. On s'y retrouve, mais ça bouleverse nos organisations. On souhaite avant tout pouvoir aider, le temps qu'il faudra".