Décès de Paulette Guinchard, ancienne députée du Doubs et secrétaire d'Etat aux personnes âgées

On lui doit l'Allocation Personnalisée Autonomie (APA). Paulette Guinchard est morte ce jeudi 4 mars à l'âge de 71 ans. Ancienne députée, c'est une figure attachante de la politique du Doubs qui s'en va. Retour sur son parcours.

 

 

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Fille d'agriculteurs du Doubs, infirmière, la socialiste Paulette Guinchard, a été adjointe à Besançon, conseillère régionale, députée et secrétaire d'Etat aux personnes âgées dans le gouvernement de Lionel Jospin. En 2007, elle avait abandonné la politique pour des raisons de santé. Très diminuée par la maladie, Paulette Guinchard a décidé de sa mort, en pratiquant le suicide assisté en Suisse.

Un engagement en politique dès l'âge de 20 ans

Paulette Guinchard est née le 3 octobre 1949 à Reugney, un petit village près d’Ornans, dans une famille nombreuse. Ses parents, agriculteurs, sont à gauche et s’intéressent à la vie politique.

Paulette Guinchard adhère au PSU (Parti socialiste Unifié) de Michel Rocard, en 1969, elle a 20 ans. Elle milite aussi à la CFDT quand, pour payer ses études, elle travaille dans une librairie de Besançon. Elle participe aux manifestations pour soutenir les ouvriers de l'horloger Lip, au début des années 70.

Elle devient infirmière psychiatrique car « ce sont les seules études supérieures qui sont payées ». Puis, devient responsable de formation en soins pour les personnes âgées.

Une vie politique locale dense

En 1983, Robert Schwint, maire PS de Besançon depuis 1977, constitue une liste d’ouverture à gauche. Paulette Guinchard entre au conseil municipal et devient adjointe à l’environnement, l’un des thèmes de prédilection du PSU.

Elle siège au conseil municipal durant 25 ans. En 1995, elle est toujours adjointe de Robert Schwint mais celui-ci lui confie une tâche difficile : les relations avec les communes environnantes pour bâtir la future structure intercommunale. Elle est à l’origine de la création de l’agglomération bisontine. Une mission délicate mais qui s’avérera décisive pour la suite de sa carrière politique.

Autre mandat : conseillère régionale, où elle a toujours siégé dans l’opposition. En 1986, elle est élue au conseil régional de Franche-Comté sur la liste de gauche, au nom du PSU et… prend sa carte au Parti socialiste. Elle siège au conseil régional jusqu’en 1997, date de son élection à l’Assemblée nationale.

De l’Assemblée au gouvernement

En 1997, le destin va lui sourire : le Parti socialiste veut donner de la place aux femmes. La loi sur la parité n’existe pas encore, la gauche plurielle la votera en 2000. Mais les socialistes veulent montrer l’exemple et ne pas payer les pénalités déjà prévues par la loi. Le PS réserve donc une circonscription du Doubs, la deuxième, à une femme, ce sera Paulette Guinchard. Le député sortant, Michel Jacquemin, UDF, est très bien implanté dans ce fief de droite et semble imbattable. Et pourtant, l’adjointe bisontine l’emporte. A la surprise générale, déjouant tous les pronostics. Surtout dans son propre parti.

L’une des explications de sa victoire, c’est son poste d’adjointe à l’intercommunalité. Elle a rencontré inlassablement les maires des environs, se faisant un réseau et arrivant à convaincre même hors de son camp politique.

Un contact simple et direct avec les citoyens

De plus, une autre raison peut être avancée : elle a un contact simple et direct avec les citoyens. Un don naturel, pas feint, pas calculé, qui lui permet d’être en empathie avec son interlocuteur, quel qu’il soit. Notable ou quidam, jeune ou vieux. 

« Les vieux » : Paulette Ginchard désigne ainsi les personnes âgées, un terme qui n’est absolument pas péjoratif pour elle. Elle connait l’univers de la vieillesse, même de la vieillesse dégradée, du corps qui souffre et de la mémoire qui s’effiloche. Elle a été formatrice en soins pour personnes âgées.

De plus, dans sa vie familiale, elle a vu sa grand-mère paternelle atteinte d’une maladie génétique s’éteindre au domicile familial. Elle a vu son père atteint lui aussi par la même pathologie. L'homme est resté cinq ans, grabataire, dans son lit. Elle s’en est beaucoup occupée.

Paulette Guinchard est l’auteur de la loi qui donne naissance à l’APA

En 1999, Lionel Jospin, Premier Ministre socialiste, confie un rapport à la députée du Doubs qu’il sait sensible à la question de la vieillesse. Ce sera « Vieillir en France », un rapport dans lequel elle pointe les manques et fait des propositions pour mieux prendre en charge les personnes âgées dans notre pays.

Entre autres, elle préconise l’APA, Allocation Personnalisée d’autonomie, qui permet d’aider financièrement les personnes âgées à rester à domicile ou en établissement.

Puis, Paulette Guinchard est l’auteur de la loi qui donne naissance à l’APA. Reconnue pour son travail par Lionel Jospin et les professionnels de la vieillesse, elle est même chargée de la mettre en œuvre : elle entre au gouvernement en devenant secrétaire d’Etat aux personnes âgées. Un rapport, une loi, un poste ministériel : un trajet extrêmement rar. Michel Bourgeois, son suppléant, militant socialiste de longue date, la remplace alors l’Assemblée nationale.

Reconnue par tous dans le domaine de la vieillesse

Paulette Ginchard ne reste que 14 mois au gouvernement.

14 mois seulement mais 14 mois denses. Elle met en place l’APA et se rend compte immédiatement que cette mesure répond à un véritable besoin de la population. Les dossiers sont beaucoup plus nombreux que prévus, le financement doit être revu à la hausse. Preuve de son succès.

L’élection présidentielle de 2002 est un échec cuisant pour la gauche divisée. Lionel Jospin, socialiste, n’est pas qualifié pour le second tour qui oppose Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen. Il abandonne la politique.

Les législatives suivantes sont un désastre pour les candidats socialistes, tous battus en Franche-Comté (Jean-Louis Fousseret, Pierre Moscovici dans le Doubs, André Vauchez dans le Jura, Jean-Pierre Michel en Haute-Saône, Raymond Forni et Jean-Pierre Chevènement dans le Territoire de Belfort. Tous sont battus, sauf Paulette Guinchard qui est réélue dans la deuxième circonscription du Doubs.

A la fin de ce second mandat, qu’elle a passé dans l’opposition, elle décide de ne pas se représenter et d’abandonner la politique, fatiguée par plus de 20 d’engagement dans la vie publique, et déjà malade.

Une personnalité hors normes, très attachante

Femme dans un milieu très sexiste, elle ne revendiquait pas de manière exacerbée une place pour les femmes, elle ne se déclarait pas féministe militante mais elle savait que, par son exemple, elle pouvait aider d’autres femmes à s’engager. Elle vouait une grande admiration à sa mère, prénommée Paulette également. Sa mère avait eu de nombreux enfants, avait été agricultrice, s’était occupé de son mari malade durant des années. Et elle avait une retraite très active, très épanouie.

Paulette Guinchard admirait également Marguerite Vieille-Marchiset, une adjointe aux affaires sociales très active de Robert Schwint à Besançon. Et son modèle féminin en politique, c’était Martine Aubry, députée socialiste, maire de Lille et plusieurs fois ministre.

Selon elle, le principal obstacle des femmes pour accéder à des postes à responsabilités, professionnellement ou politiquement, c’est la prise de parole en public. C’est ce qu’elle trouvait le plus difficile, au début de sa carrière. D’ailleurs, à l’Assemblée nationale, quand elle devait répondre aux questions des députés en tant que membre du gouvernement, elle avouait une peur énorme.  « Heureusement », son ministre de tutelle, Bernard Kouchner, à la Santé, ne lui en laissait que peu l’occasion.

Faire de la vieillesse un « temps à vivre"

Si elle a été sensible aux questions de la vieillesse, par histoire familiale douloureuse, elle est devenue compétente et reconnue dans ce domaine par l’ensemble des professionnels.

L’APA, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie est considérée comme une avancée sociale comparable à la création du RMI, le Revenu Minimum d’Insertion.

Elle s’est battue pour que ce secteur soit reconnu créateurs d’emplois et surtout d’emplois qualifiés. Ancienne formatrice en soins à la personne âgée, elle voulait que les aides à domicile soient reconnues dans leurs compétences et donc mieux rémunérées. Autre point sur lequel elle insistait beaucoup : les aidants familiaux, qui prennent en charge, tout ou en partie, un parent âgé et dépendant.

Son combat politique : mieux accompagner les personnes âgées en perte d’autonomie et faire de la vieillesse un « temps à vivre » : « Le temps de la vieillesse peut être un temps de la vie très beau, très différent mais très beau. »

Paulette Guinchard a occupé plusieurs mandats, d’adjointe à conseillère régionale, députée et même secrétaire d’Etat. En restant la même, en empathie avec les autres, elle disait : « Si on n’aime pas les gens, on ne doit pas faire de politique… ».

Dans une émission sur notre antenne, pour illustrer sa façon de faire de la politique, elle a choisi cette citation de Marivaux : "Bien écouter, c'est presque répondre."

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