RÉCIT. Le tichodrome échelette, "de la poésie cet oiseau" : nous avons eu la chance de croiser son chemin

Olivier Trible est un photographe naturaliste de Franche-Comté. C’est avec lui que nous avons rendez-vous ce jour de février. Ou pour être exact, c’est avec le tichodrome que nous avons rendez-vous. Mais sans Olivier Trible, impossible de savoir où trouver le volatile. Il sera notre guide.

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On l’appelle le tichodrome des murailles, le tichodrome échelette ou l’oiseau papillon. À chacun son appellation. Et quand on a la chance de croiser son chemin ; c’est un honneur, tant l’animal, entouré d'une aura, se fait discret. Olivier Trible a beaucoup de respect pour cet oiseau peu ordinaire, original. Il nous a demandé de ne pas dévoiler notre lieu d’observation.

Il ne faut pas créer de dérangement sur un oiseau aussi précieux que ça. 

Olivier Trible, photographe naturaliste

Aujourd'hui, Olivier Trible est accompagné de Didier Bodot, photographe animalier amateur, en stage quelques jours en Franche-Comté. C’est son troisième stage. Et il découvre à chaque fois des particularités du tichodrome. 

Le matin, c’est l’hermine, puis l’après-midi, c’est le tichodrome. Cette année, le tichodrome a pris plus de place. On y va tous les jours. Ce qui m’impressionne, c’est la beauté des animaux.

Didier Bodot, photographe amateur

Repérages, lecture et interprétation du terrain, recherche d’indices, approches respectueuses et réalisation d’affûts, voilà ce qu'Olivier Trible lui transmet. Pour lui, la photo n’a aucun mérite si on a dérangé l’animal. Les photographes peu scrupuleux qui appâtent les animaux pour les approcher, il les exècre et les évite. Il y a de la noblesse dans son approche.

L’oiseau rare

Il est inestimable de pouvoir l’observer ce petit oiseau habillé de rouge. Il n’est pas menacé, mais il est peu abondant et très discret. C’est une espèce protégée. L’été, il vit et niche en altitude, dans les grandes parois et les grandes falaises des massifs montagneux des Alpes, ou des Pyrénées. C'est un montagnard endurci qui peut nicher dans les Alpes jusqu'à une altitude de 3450 mètres. L’hiver, le froid le ramène dans notre région à la recherche de nourriture. Cette année, il s’est fait désirer. Olivier Trible est passé plusieurs fois là où il l’avait observé les années précédentes et puis un jour, fin décembre, enfin le voilà ! Avec trois mois de retard tout de même.

Ce matin-là, à peine arrivés sur les lieux, dans un coin reculé du Haut-Doubs, il était là. Si petit sur la falaise, que s’il n’était pas toujours en mouvement, nous aurions pu passer à côté tant son plumage à dominance grise se confond avec les parois. Mais en mouvement, il déploie ses grandes ailes rouges légèrement arrondies. Il tape à l’œil bien qu’il soit de petite taille. Il n’est pas plus gros qu’une sittelle, et pèse entre 15 et 20 grammes. Nous savourons notre chance qu'il se soit montré à nous. La chance du débutant, nous assure Olivier Trible.

On a moins de 10 couples à l’année dans la région. Mais la population de l’espèce varie en hiver. A ce moment-là on compte plusieurs centaines d’individus en Franche-Comté. Tous concentrés dans le Doubs et le Jura. On n’en voit pas en Haute-Saône et dans le Territoire de Belfort.

Samuel Mass, ornithologue à la Ligue de protection des oiseaux (LPO)

De quoi vit le tichodrome ?

Il se nourrit d’insectes, d’arthropodes qu'il trouve sur ou dans les interstices des parois. Différents facteurs favorisent la présence du tichodrome dans notre région. Une roche riche en anfractuosités, des petites espaces de végétation dans la paroi et la présence d’un cours d’eau à proximité.

Beaucoup d’oiseaux se raréfient, car leurs ressources alimentaires sont menacées par l’homme. Ce n’est pas le cas pour le tichodrome qui passe sa vie contre le rocher, à l’abri de l’homme. Son milieu vertical est hors de portée de nos aménagements, et ses proies loin de nos pesticides.

On peut cependant l'observer aussi dans nos milieux citadins. L'ornithologue Samuel Maas nous apprend qu'il a été vu sur les parois de la Citadelle, en ville, place Leclerc à Besançon, le long des grands immeubles, et aussi aux abords de l'église de la place Saint-Pierre dans la boucle du Doubs. S'il y a des vieilles pierres non nettoyées, il y a potentiellement de la nourriture pour le tichodrome.

Un oiseau de l'économie

On l’aura compris, le tichodrome, c’est lui qui décide quand il se montre ! Et comme c’est un lève-tard et un couche tôt, il faut viser juste. Il cherche la lumière pour chasser. Quand il fait chaud, il se déplace à l’ombre. Ses parties de chasse sont ponctuées par de longues pauses où l’oiseau s’abrite. La nuit, ce grand solitaire, la passe seul, dans un trou abrité des intempéries. Olivier Trible ne l’a jamais photographié pendant son sommeil. Toujours par respect, pour ne pas le déranger. Son seul lieu de nidification en Franche-Comté, ce sont les falaises du Mont d’Or à la frontière suisse.

Prendre son temps pour apprécier sa beauté

Quand Olivier Trible partage ses connaissances sur le tichodrome, c’est l’enfant en lui qui parle. Ses yeux pétillent, son verbe est éloquent. Ses mots doux et bien choisis.

Ce qui me plait chez lui, c’est sa grâce, il suspend le temps, c’est de la poésie cet oiseau-là. 

Olivier Trible, photographe naturaliste

Très vite, il mentionne le poème de Jacques Prévert  "Page d’écriture". L’oiseau le renvoie à ce poème, à sa part d’enfance. Dans cette poésie, un écolier s’évade grâce à un oiseau quand un maitre d'école tente de lui apprendre à compter.

Samuel Maas, ornithologue à la LPO est aussi sensible à la beauté du tichodrome. "C’est un oiseau magnifique, par ses couleurs déjà. Ce gris assez tendre qui lui donne un aspect duveteux, tout doux, contraste avec le milieu de ses ailes rouge vif et le noir de l’extrémité de sa queue et de ses ailes. Ce n’est pas commun" nous dit-il.

Ses pattes lui permettent d’accrocher la falaise, son bec fin, long et arqué est adapté à la quête des insectes dans les anfractuosités de la pierre, ses grandes ailes en forme de papillon lui permettent de virevolter devant la paroi. Il monte les falaises. Il papillonne. C’est l’oiseau-papillon.

On a la chance d’avoir un oiseau qui nous fait encore rêver… alors rêvons ! 

Olivier Trible, photographe naturaliste

Si dans la famille des mésanges, il existe plusieurs branches avec par exemple la mésange à tête bleue, la mésange huppée ou la mésange charbonnière, le tichodrome lui, est le seul représentant de son espèce. Encore un aspect atypique de ce volatile magnifique. Un oiseau singulier dans l'avifaune de la région. Un joyau de la nature qui s'apprécie à chaque rencontre.

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