Après l'annonce faite par le gouvernement d'allonger d'une année l'internat des futurs médecins généralistes pour les déployer dans les déserts médicaux, les associations d’internes s’insurgent contre une telle réforme. Un appel à la grève a été lancé pour le mois d’octobre.
Devant la faculté de médecine de Dijon, le sujet est sur toutes les lèvres. Dix ans d'études pour devenir médecin généraliste, contre neuf actuellement. Une réforme qui inquiète ces futurs médecins, comme Maxence Roulliot, étudiant en cinquième année.
Pourquoi devrait-on attendre une année de plus pour s'occuper des patients en tant que docteur en médecine ?
Maxence Roulliot
"Les études de médecine sont très longues et pas faciles du tout", nous explique l'étudiant de 25 ans. "Pourquoi devrait-on attendre une année de plus pour s'occuper des patients à part entière en tant que docteur en médecine ? Comment, où, pourquoi, sous quelles mesures ?..." Devant tant d'incertitude, beaucoup d'étudiants en médecine sont en plein doute, à son image : Ne devraient-il pas quitter l'enseignement de la médecine générale pour prendre une autre spécialité et éviter cette année supplémentaire?... "C'est très dommage pour la médecine générale, qui est une spécialité qui, pendant très longtemps a été un peu dénigrée, remarque le futur médecin, mais on ne veut pas d'un tel format d'obligation ! ".
Les étudiants en médecine ont besoin d'un cadre sécurisant
Côté internes en médecine, la pilule a du mal à passer. A l'absence de concertation avec leur ministère de tutelle, s'ajoute un besoin pressant de clarification. "Les étudiants en médecine ont besoin d'évoluer dans un environnement sécuritaire", nous explique Sylvain Vereycken--Lazou, vice-président de l'association Jeunes Médecins Généralistes de Bourgogne. "Si année supplémentaire il y a, il faudra que ce soit une année de formation qui vaille la peine, avec un encadrement de qualité dispensé par un maître de stage". Le problème, c'est que ces derniers manquent cruellement en Bourgogne. L'augmentation du numerus clausus ces dernières années a engendré des promotions d'étudiants en médecine plus nombreuses qui peinent déjà à trouver suffisamment de maîtres de stage. Une année supplémentaire entamera d'autant ce vivier déjà bien peu fourni.
Les étudiants en médecine n'ont aucun problème avec les déserts médicaux, souligne le jeune interne. "La médecine rurale fait parti de notre cursus de formation et nous sommes ravis de l'apprendre. Seulement 20% des internes sont présent dans les villes de Bourgogne, les 80% restant vont sur l'ensemble du territoire. Ce qu'il nous faut, c'est plus de maîtres de stage, plus de lieux d'hébergement et plus de transports. En somme, il faut que les territoires puissent nous accueillir dans de bonnes conditions."
"Côté rémunération, il y a aussi des choses à améliorer", nous explique Maxence. "Avec moins de 2.000 euros net par mois, les étudiants en 2ème et 3ème année d'internat tirent un peu la langue avec leur 48 heures d'activité professionnelle hebdomadaire. Prolonger d'un an sur un même barème de revenus ne les motive guère."
Les étudiants en médecine ne sont pas des bouche-trous.
Docteur Bonis, déléguée régionale de MG-France
Pour le docteur Bonis, une 4ème année pour les internes en médecine a tout son sens dès l'instant où c'est une année d'apprentissage et d'approfondissement effectuée dans des conditions optimales. Mais pour elle, il ne doit pas y avoir l'ombre d'une contrainte. "Il ne faut pas "envoyer" les étudiants en désert médical, il faut qu'ils y aillent sans contrainte ni obligation. C'est complètement contre-productif, se désole-t-elle. Pour bien faire, il faudrait rendre l'exercice attractif."
L'équipement du territoire en infrastructures adéquates pour accueillir l'étudiant en médecine et sa famille fait partie de l'équation. Réseau de transport, crèches, services publiques de proximité sont autant d'éléments qui peuvent participer à l'épanouissement du candidat en zone rurale.
Parmi les améliorations à apporter à l'exercice de la profession en zone rurale, le docteur Bonis avance la nécessité de renforcer les conditions d'exercice du médecin traitant. "Il faut développer la possibilité aux médecins de s'entourer sans contrepartie d'une assistante médicale ou d'une infirmière asalée pour les décharger, entre autres, de la paperasse, des dossiers informatiques et de l'hygiène du cabinet qui leur font perdre un temps médical considérable", insiste-t-elle.
En attendant de telles améliorations d'exercice, les jeunes ne sont pas là pour "servir de rustine et pour boucher les trous", considère le médecin généraliste.
Pour contester la réforme de leur formation, les internes ont lancé un appel à la grève dès le mois d'octobre.