Les 800 salariés de France Loisirs seront fixés demain. Lundi 13 décembre, le tribunal de commerce de Paris décidera de la liquidation totale ou de la reprise partielle du club de livres. En Bourgogne, seules deux librairies pourraient être reprises. Les autres sans espoir, profitent des derniers instants.
Chaque jour, depuis quinze ans, Simone Laffay va travailler avec le sourire. La responsable de la boutique France Loisirs à Mâcon (Saône-et-Loire) affectionne particulièrement sa librairie.
Pourtant ce samedi 11 décembre, son sourire cache bien des regrets. Elle le sait : sa boutique, son "bébé", va fermer.
Un concept obsolète
"C'est très dur, souffle-t-elle. "J'aimais cette boîte, quelque part je le vis comme un échec."
Le 25 octobre, Actissia, la maison-mère de France Loisirs, a annoncé la mise en liquidation judiciaire du magasin culturel.
Ce n'est pas vraiment une surprise pour Simone Laffay. "On sentait que la fréquentation baissait. Il y a eu les gilets jaunes, la crise du Covid et notre système de vente était désuet."
Le plus difficile est de voir les clients venir nous dire au revoir. Et regarder les étagères se vider
Simone LaffayFrance Loisirs Mâcon
Lancé en 1970, ce concept de club de livres proposait à ses abonnés une sélection d'ouvrages à prix réduits, avec obligation d'achat tous les trois mois.
À son apogée dans les années 80, le club a connu jusqu'à 2 millions d'adhérents. Aujourd'hui, ils ne seraient plus que 800 000.
"Le plus difficile est de voir les clients venir nous dire au revoir. Et regarder les étagères se vider", conclut Simone Laffay avec amertume.
122 boutiques en sursis
Lundi 13 décembre, le tribunal de commerce de Paris rendra sa décision quant à l'avenir de France Loisirs.
Soit la liquidation totale de l'entreprise sera prononcée et les 122 boutiques fermeront. Soit le tribunal tranchera en faveur de l'un des deux repreneurs.
Dans les deux cas, Thierry Grizard ne se fait pas d'illusions. À l'instar de Simone Laffay à Mâcon, son commerce à Auxerre (Yonne) ne sera pas repris.
"L'aventure pour moi s'arrête là, et pour mon équipe", accepte Thierry Grizard. Une aventure qui a débuté pour lui en 1984 ; un job étudiant alors qu'il se destinait à une carrière de la Droit.
On est une grande famille. On se connaît pour certains depuis très longtemps et on a créé des liens indéfectibles.
Thierry GrizardFrance Loisirs Auxerre
Ce très probable dernier week-end d'ouverture, il l'a vécu de façon intense "sur le plan physique et surtout sentimental."
"On est une grande famille. On se connaît pour certains depuis très longtemps et on a créé des liens indéfectibles", raconte avec tendresse le responsable à Auxerre, passé par de multiples régions chez France Loisirs.
"Avec nos clients aussi. Certes, on n'a pas plu à tout le monde. Mais on avait un vrai lien avec nos clients, ça allait au-delà du simple chiffre d'affaires."
Deux boutiques bourguignonnes sauvées ?
En Bourgogne, les boutiques sont toutefois relativement épargnées. Si les librairies de Nevers (Nièvre) et du Creusot (Saône-et-Loire) devraient elles aussi être contraintes à la fermeture, celles de Dijon (Côte-d'Or) et de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) pourraient être maintenues.
Elles sont en effet sur les listes des deux potentiels repreneurs. Le premier offre la reprise de 32 points de vente, soit 84 emplois.
Le second, que les salariés privilégient, proposent de reprendre 14 points de vente, soit 37 emplois.
On en parle tous les jours. Il y a beaucoup d'interrogations, de stress, de fatigue. C'est une épreuve.
Un salariéFrance Loisirs
Moins généreux en apparence, mais "plus dans l'esprit France Loisirs", confie un salarié, préférant conserver l'anonymat. "Malgré tout, on ne sait pas quelles sont les intentions du repreneur par la suite. On en parle tous les jours. Il y a beaucoup d'interrogations, de stress, de fatigue. C'est une épreuve."
Une situation stressante que beaucoup de salariés ont déjà subi en 2018. Quatre ans plus tôt, France Loisirs traversait alors de grosses difficultés. Près de 40 boutiques avaient déjà fermé, dont celle de Sens (Yonne).
Le dernier jour ?
Le tribunal se prononcera donc demain, les salariés pourraient être informés de la décision mardi 14 décembre lors d'une réunion avec le comité social et économique.
La fermeture pourra être imminente voire reportée d'une semaine à la demande des administrateurs judiciaires.
Sur cette seule inconnue, Simone Laffay, Thierry Grizard et bien d'autres s'apprêtent donc à baisser le rideau, le cœur lourd, sur "des années de bons souvenirs".