Il y a 30 ans, on ne parlait pas encore de catastrophe écologique et pourtant... Des odeurs insupportables, des symptômes physiques et beaucoup d'inquiétude : en Haute-Saône, la population de Ronchamp et de Champagney se battait contre un terril qui avait pris feu.
En juin 1993, les habitants de Ronchamp et des environs sont incommodés par des odeurs nauséabondes émanant d'un terril, ou étaient entassés des résidus de l'exploitation d'anciennes mines. Ils les décrivent comme « ça sent l’œuf pourri », ou encore « comme du plastique brûlé ». Benoît Cornu, le maire actuel de la commune, tout jeune à l’époque, se souvient d’une « odeur de bakélite brûlée ».
Ces odeurs sont tellement incommodantes que, dans l’un des reportages de France 3 Franche-Comté, une jeune femme raconte qu’elle vit les fenêtres fermées, même en plein été.
En dehors des odeurs, les habitants se disent aussi incommodés physiquement. Et la liste des symptômes est longue : maux de tête, gastro-entérite, toux, vomissements, conjonctivite, nausée, saignement de nez, symptômes aggravés quand il y a du brouillard.
Les consultations chez le médecin augmentent considérablement. Et les instituteurs constatent même un taux d'absentéisme en classe qui est en nette hausse.
Une forte mobilisation dans ces deux communes
La raison de tous ces maux : l’un des terrils de Ronchamp brûle. Les mines de ce secteur du Nord de la Haute-Saône, au plus fort de leur activité, ont employé jusqu’à 2 000 personnes. Plusieurs terrils, dispersés sur la commune, témoignent de ce passé minier.
« Tous les terrils sont encore vivants, c’est-à-dire que la matière connaît des zones d’échauffement » explique Benoît Cornu. Et, dans ce cas, en 1993, un terril a pris feu, peut-être à la suite à un barbecue installé à proximité.
Devant l’inertie ou jugée telle des pouvoirs publics, les habitants se mobilisent. Ronchamp est déclarée « ville morte » le 12 novembre 1993, avec commerces fermés et manifestations dans les rues de la ville. Benoît Cornu se souvient d’avoir défilé dans Ronchamp : « Je venais de finir mon Capes de physique. J’ai manifesté avec le collectif qui s’était créé à l’époque. Je me revois encore au carrefour de l'école à Ronchamp. La situation m’inquiétait beaucoup. Je ne me souviens pas forcément très bien, mais les gens étaient vraiment inquiets. »
On se mobilise aussi dans la commune voisine, Champagney, dont les habitants sont, eux aussi, très gênés par ces fumées et ils sont très inquiets pour leur santé. Une manifestation est organisée devant la préfecture de Haute-Saône, à Vesoul, le 25 février 1994. Le terril brûle alors depuis neuf mois.
Plusieurs solutions testées, sans aucun résultat
Tout est tenté pour éteindre ce feu : du sable, puis de l’azote sont utilisés. Sans résultat. L’eau n’est pas envisagée : elle pourrait provoquer une explosion…
La préfecture de Haute-Saône prend conscience de la situation. Le problème, c’est que Maglum l’entreprise qui a pris possession des lieux, après l’arrêt des mines, a fermé à son tour une douzaine d’années plus tôt. Donc plus personne n’est vraiment responsable du terrain où le terril se consume à petit feu.
La préfecture est formelle : elle a analysé le site, les fumées, les résidus. Rien n’est dangereux même si elle reconnaît que les habitants souffrent des émanations.
Le préfet reconnaît avoir minimisé les risques
Dans les analyses, des métaux lourds sont bien détectés, comme lors de précédents incendies de terrils en Lorraine, comme du chrome ou du zinc, mais les pouvoirs publics se veulent rassurants.
Et puis, de nouvelles analyses, plus poussées, sont effectuées et, là, c’est une autre histoire. Magnum a enfoui, en même temps que des résidus de charbon, ses déchets industriels, comme de la mousse plastique, des liquides toxiques et d’autres métaux lourds, nocifs.
Le préfet de Haute-Saône fait son mea-culpa. Il reconnaît son erreur : « Si on avait su dès le départ qu’il ne s’agissait pas d’un terril ordinaire, on aurait été plus vigilant. »
La dernière solution est la bonne : l’étalement du terril pour le refroidir.
Et même mieux : on décide d'utiliser les résidus du terril comme …. matériaux pour la déviation de Lure à ce moment-là en travaux. Benoît Cornu se souvient : « Les résidus brûlaient encore, ils ont été utilisés fumants. »
Du charbon au solaire
Benoît Cornu estime que le terril a pollué la vie des gens environ "une année, peut-être 18 mois." Et il a compté : il reste encore trois gros terrils sur Ronchamp. Mais il affirme qu’il n’y a plus de danger, d’ailleurs le Plan Local d’Urbanisme tient compte de ces emplacements pour ne rien y construire. Les leçons du passé ont été tirées.
Et le maire de la commune se veut même très confiant pour l’avenir : « À la fin de cette année, sur l’emplacement d'un des terrils, on attaque des travaux pour un parc photovoltaïque. Ils vont durer un an. On remplace le charbon par de l’énergie renouvelable. C’est un beau symbole, non ? ».