44 soldats africains enrôlés dans l’armée française ont été massacrés par l’armée allemande à Clamecy, dans la Nièvre, le 18 juin 1940. Un acte raciste pour les résistants qui n’avaient pas attendu la fin de la Seconde Guerre mondiale pour rendre hommage aux victimes.

Juin 1940. La France a perdu la guerre en quelques semaines, avec des centaines de milliers d’hommes faits prisonniers, c’est un fait connu. Ce que l’on sait moins, ce sont les massacres racistes perpétrés en France par les nazis durant cette période. "L’armée allemande a fait un tri ethnique en mettant les blancs d’un côté et les personnes de couleur de l’autre", nous explique Jean Vigreux, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Bourgogne. En mai-juin 1940, il y aurait eu entre 1 500 et 3 000 victimes de ces crimes selon l’historien Raffael Scheck.

Un massacre raciste

Plusieurs de ces massacres ont ainsi eu lieu dans la région, vers Châtillon-sur-Seine (Yonne) et le plus important à Clamecy. Les premiers Allemands entrent dans cette commune de la Nièvre le 16 juin 1940. Ils capturent et répartissent alors les prisonniers de guerre français dans trois camps de la commune et entraînent 44 soldats nord-africains vers le petit bois de la Pépinière où ils sont abbatus.

À l'époque, les soldats allemands prétentend qu'un des tirrailleurs auraient mordu un des leurs pour justifier leur acte. Une version largement démentie. Pour Aurore Callewaert, directrice du Musée de la Résistance en Morvan, "les Allemands trouvent un prétexte alors que c’est juste du racisme"

 

43 ou 44 tirailleurs ?

43 corps sont laissés sur place, sans inhumation, et ne sont enterrés dans une fosse que le 23 juin 1940 à la demande du maire.

Pendant longtemps, on a dit qu'un 44e tirailleur s’était échappé. À quelques kilomètres de là, dans la cour d'une ferme, il serait tombé sur des gendarmes allemands qui l'aurait aussitôt tué. Selon Michaël Boudard, il a en vérité été repéré par une fermière qui l'aurait dénoncée aux Allemands. Ceux-ci sont allés chercher ce prisonnier de guerre évadé sur la commune d'Oisy (Nièvre), où il y a été enterré. Son nom reste à ce jour inconnu. D'ailleurs, on parle aujourd'hui de "rue des 43 Tirailleurs" et de "monument des 43 Tirailleurs de Clamecy", sans tenir compte de ce 44e soldat.

On les appelle tirailleurs "sénégalais" mais, en réalité, parmi ceux identifiés, seulement deux étaient originaires du Sénégal. On compte aussi onze Algériens, six Guinéens, cinq Ivoiriens, quatre Marocains, deux Soudanais (actuel Mali) et deux Voltaïques (Burkina Faso). Onze individus restent ainsi inconnus.

Du massacre à la Résistance

Pour l’historien Jean Vigreux, "à Clamecy, ce massacre révolte certaines personnes qui en garderont une douleur, une cicatrice. Cela leur permettra plus tard de rentrer dans la Résistance. C’est le cas du coiffeur Moreau [futur chef du maquis du Loup] et de Jeannette Colas. Celle-ci était aux transmissions donc elle avait accès au téléphone. Elle se servait de la ligne chez elle pour espionner ce que disaient les Allemands."

Fait surprenant, la commémoration du massacre n’attendra pas la fin de la guerre. Le 11 novembre 1943, les Résistants de Clamecy confectionnent et déposent des drapeaux à l’effigie des alliés (France, Grande-Bretagne, États-Unis, URSS) sur le lieu du massacre. Jean Vigreux explique : "En novembre 1943, la Résistance était unifiée dans le CNR [Conseil national de la Résistance] et ayant reconnue l’autorité de de Gaulle, on fleurit la fosse commune dans laquelle sont morts ces tirailleurs alors que la guerre n’est pas finie, loin s’en faut."

 

 

Un monument en l’honneur de ces soldats a été inauguré le 20 juin 1948 sur le lieu de leur exécution. Le sculpteur Robert Pouyaud a représenté un soldat d’origine africaine portant la main gauche à sa poitrine et la main droite posée sur un totem. En 2012, les noms des soldats qui ont pu être identifiés ont été ajoutés sur une plaque devant le monument du souvenir.

 

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