Pourquoi de plus en plus de festivals de musique sont en difficulté

Pas facile pour les festivals de musique de ne pas finir endettés à la fin de leur saison. Alors que les contraintes se multiplient, certains sont contraints d'annuler, d'autres se serrent la ceinture.

Comme beaucoup d'autres festivals, ils font face à une conjoncture économique de plus en plus complexe : près de deux décennies après sa naissance, en 2024, "La Via musica" à Besançon et Montfaucon (Doubs) a été contraint de réduire la voilure.

“La musique du monde et la musique ancienne, c’est rare dans le paysage”, regrette Arthur Schoonderwoerd, directeur artistique et créateur du festival. Pour sa 19ᵉ édition, ce festival de musique s'est vu obligé d’annuler son deuxième volet. En cause : une baisse de subvention de 15 000 euros en 2024 et de 10 000 euros en 2023 : “Ça devient vraiment difficile et nous aimerions fêter nos 20 ans l’année prochaine, c’est pour cela que nous n’avons pas voulu nous mettre en difficulté avec des dettes”.

Arthur Schoonderwoerd a peur. “Si les collectivités continuent à baisser leur participation à un moment, ce ne sera plus vivable”, souligne-t-il. Les charges que doivent payer les festivals “sont extrêmement élevées” et les musiciens sont “très chers”. “Pour un festival, ce n’est pas évident”, commente-t-il.

L’inflation en cause

Le directeur est conscient que le problème est général. “Si la région a donné il y a 20 ans une subvention qui n’a pas évolué, ça correspond à une baisse avec l’inflation”. Le problème s’aggrave lorsque certains acteurs baissent leur subvention. Ces évolutions sont d’autant plus difficiles pour le festival que celui-ci prévoit un programme deux ou trois ans à l’avance. “Quand les subventions baissent, le programme ne peut pas être changé”. Pour autant, Arthur comprend que les collectivités doivent faire face à un manque d’argent.

Le festival La Via Musica est bien installé. Mais il demeure un petit événement de niche. Pour une saison, il réalise environ 3 000 entrées et les places sont vendues entre 5 et 35 euros. Le festival cherche à rester accessible “car on aimerait qu’il y ait le plus de monde” et il ne peut s’agrandir en raison du manque de grandes salles à Besançon.

“S’il n’y a pas une base solide, c’est dur d’y arriver”

Cette année, la Via Musica a seulement annulé son deuxième volet. Le premier volet a eu lieu avec 1 500 entrées. Mais d’autres, comme le festival jurassien Black Mount, n’ont pas eu cette chance. Ce jeune festival a été obligé d’annuler sa deuxième édition.

“Black Mount a fait une première édition qui n’a pas marché à cause de la pluie. Après, ils ont eu une petite ardoise, mais ils ont réussi à remonter la pente au bout de deux ans”, raconte Florent Sanseigne, directeur du festival No Logo et de la société Regis regis. Cette entreprise accompagne les jeunes créateurs de festival et notamment Black Mount.

Ce dernier a voulu se relancer en 2024. “Mais ils sont arrivés au constat qu’il n’y avait pas assez de préventes”, indique-t-il. Pour Florent Sanseigne, cela s’explique par une communication de leur événement tardive. Mais le chef d'entreprise admet. S’en sortir est un véritable défi pour les jeunes qui se lancent : “S'il n’y a pas une base solide, c'est dur d’y arriver”. Il complète : “Depuis le covid, les gens achètent au dernier moment à cause de la météo. L'impulsion d’achat a changé donc ils ont manqué de trésorerie”.

Les événements politiques n’ont pas donné envie de rentrer dans le côté festif de l’été et l’Euro de foot et les JO prennent beaucoup de place médiatique. Du coup, nous, on n'a pas été médiatisé.

Florent Sanseigne, directeur du festival No Logo et de la société Regis regis

Dernière cause de l’annulation : le manque de subvention, en particulier dans les campagnes. “Il n’y a pas de politique culturelle en milieu rural, on a des subventions ridicules”, regrette-t-il.

Florent a un état d’esprit pro-actif. Pour lui, c’est aux organisateurs de festival de travailler pour que cette dynamique d’achat change. Si un festival ne marche pas, c’est qu’il n’y a pas eu assez de travail. Et il faut se donner d’autant plus lorsqu’on se lance. Un festival met au moins cinq ans à se faire connaître, explique-t-il.

Mais comment faire lorsque l’on doit aussi travailler à côté parce que le festival ne rapporte pas encore d’argent ? C’est le défi auquel sont confrontés ceux qui débutent. Cet amoureux de la musique regrette le manque d’aide de la part des collectivités pour les petits festivals : “On ne laisse pas la place aux petits et derrière de grosses machines creusent les subventions”

“Là, je ne dors pas, je travaille comme un fou”

Florent Sanseigne a créé en 2013 le seul festival de reggae de France : le festival No Logo. Son modèle économique construit sans subvention, sans sponsoring, sans mécénat et sans publicité lui permet d’être complètement indépendant. Le festival essaye aussi d'être le moins cher possible.

On veut des jeunes, des étudiants. Quand la journée coûte 60 à 80 euros, ça devient un festival pour CSP+.

Florent Sanseigne, directeur du festival No Logo et de la société Regis regis

Tous ceux qui travaillent sur son festival sont rémunérés entre 1 500 et 1 800 euros net. Son budget de deux millions et demi d’euros est couvert par la billetterie à 60 %, par les bars et la restauration de 30 à 40 % et le reste par la vente de souvenirs (tee-shirt etc…). Le succès de ce festival repose sur sa spécificité : “on a une fan base” mais aussi sur un immense travail : “là, je ne dors pas, je travaille comme un fou”.

87 % de taux de remplissage pour ne pas être endetté

Même le légendaire festival des Eurockéennes de Belfort rencontre des difficultés financières. “Notre équilibre financier est très haut. Il faut qu’on fasse 87 % de taux de remplissage pour équilibrer nos comptes”, livre Jean-Paul Roland, directeur des Eurockéennes. En cause : la hausse de l’enveloppe artistique et technique. Il y a 10 ans, si le festival avait un taux de remplissage entre 65 et 70 %, il s’en sortait.

Pour faire venir du monde, le festival a renouvelé son offre en proposant un maximum de choix. “On a fait une dispo à la carte, je choisis deux jours comme je veux et cette option a beaucoup de succès”. Au lieu de payer trois jours d’affilée, les festivaliers peuvent choisir les jours de la semaine où les artistes qu’ils veulent voir sont présents. 

On le vit bien parce qu’on est des optimistes professionnels, le métier de producteur est un métier à risque.

Jean-Paul Roland, directeur des Eurockéennes

Les Eurockéennes sont aussi aidées par les mécènes et le sponsoring : “On a eu un record de mécènes, 154 entreprises”. Jean-Paul Roland est conscient que tous les festivals ne peuvent pas en dire autant. 

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