Trois ans après le décès d'Alban Millot d'une chute mortelle au travail, la cour d'appel de Rennes a condamné le 22 mai son employeur à un an de prison ferme et deux avec sursis.
Trois ans. Trois ans sans Alban. Ce jeune homme originaire du Jura est mort le 10 mars 2021. Ce jour-là, celui de son vingt-cinquième anniversaire, il travaille sur un chantier et pose des panneaux solaires sur le toit d’un hangar à Lieuron en Ille-et-Vilaine. Il fait une chute mortelle sur un chantier où aucun équipement de sécurité n’était présent.
Ce mercredi 22 mai, la cour d'appel de Rennes a condamné cet employeur à 36 mois de prison, dont 24 avec sursis, 10 000 euros d'amende et à 85 000 euros de dommages et intérêts. "Il est condamné à de la prison ferme, c'est quelqu chose qui n'arrive pas souvent" a réagi, la mère d'Alban, Véronique Millot.
La procédure a démontré que des employés avaient alerté l'employeur de la sécurité sur des chantiers. Il y avait déjà eu d'autres chutes. Il y avait une mise en danger systématique des employés.
Marjorie Weiermann, avocate de la famille (juin 2023)
La fin du combat judiciaire
Après le drame, Véronique et Laurent, les parents d’Alban ont trouvé la force d’entamer un combat judiciaire pour faire reconnaitre la faute et la responsabilité de l’employeur. Le 6 juin 2023, le tribunal correctionnel de Rennes avait prononcé une peine de 36 mois de prison, dont 18 avec sursis, mais en raison d’un vice de procédure, l’homme avait échappé à la détention et fait appel.
"Il ne reconnaît pas la dangerosité de la situation où il a mis Alban" s'agace Véronique. "Pour lui, c'était à Alban de faire attention à où il a mis les pieds". Sur le toit où travaillait Alban, aucun équippement de sécurité n'avait été installé.
Les faits reprochés, sont d'une toute particulière gravité, puisqu'il ressort de l'enquête et des débats, que l'accident mortel a été causé par une succession de manquements délibérés aux règles essentielles de sécurité
Arrêt de la cour d'appel de Rennes, 22 mai 2024
La cour d'appel a donc partiellement infirmé la décision de première instance, en raison de la situation familiale du prévenu. "Il a quatre enfants et il n'y a que lui qui ramène un salaire" explique Véronique Millot. De même, l'employeur condamné n'effectuera pas sa peine en prison, mais à son domicile, sous le contrôle d'un bracelet électronique.
"Ça ne nous ramène pas Alban" soupire Véronique Millot. Mais la mère de famille se dit "soulagée". "C'est fini, on a plus à attendre des délais, des dates... C'est jugé". La peine de prison, l'amende et les dommages et intérêts ont été assortis d'une interdiction d'exercer une activité de vente en lien avec le domaine photovoltaïque.
Le Collectif familles "stop à la mort au travail"
Depuis le décès d'Alban, ses parents ont quitté la Franche-Comté. "Je ne supportais plus de voir certaines rues, l'école..." confie sa mère. Pour "avancer", Véronique se concentre sur ses autres enfants, et sur le collectif familles "stop à la mort au travail".
Fondé en 2023, le collectif œuvre à faire bouger les lignes. Il soutient également les familles, et essaye de faire évoluer la loi pour mieux protéger les salariés en matière de sécurité."On voudrait qu'à l'image de l'homicide routier, il y ait des précisions dans le Code pénal sur le travail" explique Véronique. "La justice est complaisante avec les entreprises, qui certes créent de l'emploi, mais à quel prix ?".
"Il y a beaucoup d'affaires qui sont encore en cours d'enquête, comme Flavien, Alexandre, Raphaël...". Le collectif compte une centaine d'adhérents, concernés par une trentaine de victimes, tous morts alors qu'ils exerçaient leur travail.