Olivier Dussopt, ministre du Travail, l'assure : les chiffres concernant les morts au travail sont stables en France. Pour les parents d'Alban, qui a fait une chute mortelle sur son lieu de travail, il est temps que les choses changent. Ce 28 avril est la journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail.
"Voilà, ça, c'est Alban", lâche Véronique Millot, la maman, très touchée en regardant une photo de son fils. "J’adore cette photo. Il serait là aujourd’hui, je pense qu’il participerait au combat", dit-elle, la gorge nouée et la voix tremblante. Alban avait 25 ans quand, le 10 mars 2021, alors qu’il posait des panneaux solaires sur le toit d’une maison, il a chuté. Une chute mortelle sur un chantier en Ile-et-Vilaine. "On est restés abattus pendant deux ans, pour vous dire la vérité. C’est difficile, vous avez un vide devant vous qui s’ouvre", poursuit-elle, toujours avec une vive émotion.
3,5 morts pour 100 000 travailleurs, la France en tête
Le cas d’Alban est loin d’être un fait isolé. En 2019, la France est le pays où le nombre de morts d’accidents du travail est le plus élevé, avec 3,5 morts pour 100 000 travailleurs. Selon les chiffres de la Dares, en 2005, il y a eu 460 accidents du travail mortels, 560 en 2009 et enfin 790 en 2019. En l’espace de 15 ans, il y a eu 300 accidents du travail mortels en plus. Une évolution pas très en accord avec les propos tenus par Olivier Dussopt, ministre du Travail, qui affirme que les chiffres sont stables en France.
Selon Matthieu Lépine, auteur de L'Hécatombe invisible, Enquête sur les morts au travail (paru le 10 mars au Seuil), et qui recense depuis plusieurs années sur Twitter les accidents du travail mortels, il y aurait déjà 83 morts pour 2023.
Faire changer la réglementation
C’est justement parce qu’Alban n’est pas le seul, qu’en février, ses parents décident de rejoindre le collectif Stop à la mort au travail. Une structure qui leur a donné la force de se battre. "On s’est posés beaucoup de questions pendant deux ans, notamment au niveau de la justice, de la procédure. Le temps et le coût qu’il fallait y consacrer, l’issue de cette affaire… Au contact de ces familles, on s’est aperçus que toutes, vivaient la même chose", raconte Laurent Millot, le père d’Alban.
À ce moment-là, leur volonté est alors de faire changer la réglementation. Le collectif demande notamment plus de moyens pour l’inspection du travail, une meilleure prise en charge des familles, mais aussi l’aggravation des peines. "La peine infligée aux employeurs est toujours dérisoire. En tout cas, on ne peut jamais compenser un décès au travail", explique le papa. "Nous, ce que l’on voudrait, c’est qu’il n’y ait plus d’autres Alban. Et c’est le but du collectif, qu’il n’y ait plus ce genre d’accident", enchérit la mère.
"Un accident du travail, c’est dû à quelque chose de plus grave derrière"
Ce combat, c’est aussi un moyen d’honorer la mémoire de leur fils. Ensemble, ils espèrent faire évoluer les mentalités. "Jusqu’à maintenant, un accident du travail mortel, c’est un fait-divers dans la presse régionale. Mais ce n’est pas que ça, un accident du travail. C’est dû à quelque chose de plus grave derrière. On se dit que ça ne s’arrêtera pas tant qu’une loi ne portera pas, soit le nom du collectif, ou d’un de nos enfants. On ne s’arrêtera pas", dit-elle, le cœur encore rempli de colère.
Après les ministères du Travail et de la Justice, une délégation du collectif se rendra au Parlement européen début mai, toujours dans l’espoir de faire bouger les choses.