Soupçons de détournement de fonds publics à l'hôpital de Dole : les urgences, un service "en grande détresse"

L'hôpital de Dole dans le Jura est au centre d'une enquête judiciaire. La justice cherche à savoir si des détournements de fonds ont eu lieu ces dernières années. L'ambiance dans cet établissement et plus particulièrement aux urgences est pesante. Explications.

Que se passe-t-il à l'hôpital de Dole et plus particulièrement au service des urgences ? Une enquête judiciaire concernant des soupçons de détournement de fonds est en cours et des départs en cascade d'urgentistes sont à prévoir. D'ici quelques mois, une dizaine pourrait avoir changé de service ou quitté l'établissement. Le service est "en grande détresse", selon nos informations. Pourtant, contrairement à d'autres établissements de santé en France, la crise sanitaire n'en est pas le principal déclencheur. C'est en tout cas ce que nous expliquent plusieurs sources internes, dont la version est confirmée par le syndicat CGT. 

Un cumul de fonctions qui dérange

"Les médecins ne sont pas écoutés par la direction. Ils sont en souffrance. Quand on sait qu’une personne cumule tous les mandats possibles et inimaginables ce n’est pas possible, surtout pour des postes à responsabilité comme cela. Les départs d’urgentistes ont un lien avec cette histoire et avec la fermeture de la chirurgie d’hospitalisation et d’urgence" nous explique Philippe Zante, délégué CGT à l'hôpital de Dole.

La personne pointée du doigt est Sylvain Gibey, qui est urgentiste et chef de service des urgences mais aussi chef de pôle, président de la Commission médicale d'établissement (CME) et depuis le début d'année 2022, vice-président du Groupement hospitalier de territoire (GHT) et d'une commission médicale de groupement (CMG). Ce dernier doit être entendu par les enquêteurs mais n'est pas visé directement par l'enquête, selon les déclarations du procureur de la République du Jura Lionel Laurent, auprès de nos confrères du Progrès (article réservé aux abonnés). Toujours dans les colonnes de nos confrères, Sylvain Gibey confirme toucher des "sommes importantes", "comme son investissement". "Personne n'a voulu prendre en charge [ces fonctions] et mes heures ont toujours été validées par les trois directions que j'ai connues" détaille le médecin en poste à Dole depuis 1998.

"Il y a des choses qu’on ne peut plus laisser faire à Dole"

Néanmoins, en interne, le cumul des mandats et les multiples casquettes du médecin semblent réellement poser problème, comme nous l'explique l'un des médecins urgentistes de Dole souhaitant rester anonyme par peur des représailles administratives. Ce dernier dénonce un système induit par la direction de l'établissement. "Certains d'entre-nous ont proposé d'être chef de service pour soulager la charge de travail, mais cela a été refusé" explique-t-il.

Il poursuit : "L'enquête suit son cours et la justice va faire son travail. Même si derrière il n’y avait pas de sanctions, il y a des choses qu’on ne peut plus laisser faire à Dole". Le médecin donne un exemple concret. "À titre d’exemple, si un jour mon chef de service n’est pas content de moi et veut se séparer de moi il doit avoir l’avis du chef de pôle... Quand cette personne est la même personne, je vous laisse en tirer les conclusions" insiste-t-il, dénonçant également les incongruités administratives concernant la gestion des plannings des personnels.

L'enquête judiciaire en cours pourrait faire suite à un rapport de la Chambre régionale des comptes rendu en 2019. Entre 2012 et 2018 cette instance de contrôle a évalué la situation financière et administrative de l'établissement public et a mis en lumière plusieurs dysfonctionnements, notamment des rémunérations excessives de médecins. L'ancien directeur Emmanuel Luigi avait alors expliqué que ces rémunérations étaient nécessaires pour pouvoir attirer les médecins remplaçants et ainsi faire fonctionner les services, alors que les recrutements sont de plus en plus difficiles. 

"Dans certains cas assez rare, il arrive que l’ampleur de ces dépassements soit particulièrement marquée" nous précise Valérie Renet, présidente de la Chambre régionale des comptes. Dans ce cas, le parquet est averti pour mener des investigations judiciaires. Dans son rapport, la Chambre régionale des comptes avait notamment fait plusieurs recommandations à la direction de l'hôpital dolois. La numéro 5 indiquait par exemple : "Respecter la réglementation relative au non-cumul des fonctions de président de la CME et de chef de pôle". Cette recommandation n'a visiblement pas été suivie. 

"Respect de la présomption d'innocence"

Joint par nos soins, la direction de l'hôpital confirme qu'une enquête judiciaire est en cours. "Tant qu’on n'a pas les conclusions de l’enquête on est bien sur le respect de la présomption d’innocence. Il n’y a pas de changement dans notre organisation. Nous continuons a travailler comme d’habitude" explique le directeur Gilles Chaffange.

Concernant les fonctions attribuées au chef de service Sylvain Gibey, le directeur atteste que "sa reconduction est tout a fait légale" tout comme "le cumul des fonctions" en cours. "Un mandat supplémentaire pouvait être envisagé dans des circonstances exceptionnelles avec l’avis de l'Agence Régionale de Santé. Cela a été le cas".

Plusieurs sources internes sont également inquiètes de voir les urgences fermées cet été, en raison du manque de personnel. "Il n'en est pas question" conclut Gilles Chaffange. 

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