C'est la plus longue et éprouvante expérience de leur vie. Nous les avions suivis en pleine préparation en février dernier, les trois hommes qui ont entrepris de traverser, "pour le défi", le Groënland à ski dans les traces de Paul-Émile Victor, sont rentrés au pays.
Jean-François Fillod, qui tient un gîte auberge aux Molunes, dans le Haut-Jura, a proposé il y a plus d'un an déjà, à ses deux amis Jacques Champagne et François Deroubaix de réaliser un raid polaire hors norme. Ensemble, ils avaient déjà affronté les Spitzberg. Pourquoi pas traverser à ski la calotte glaciaire du Groënland dans les traces de Paul-Émile Victor tel qu'en 1936 ?
Ils ont monté un gros dossier technique et administratif. Démarché sponsors, amis, connaissances. Préparé le parcours au kilomètre prêt. Et se sont entraînés physiquement bien sûr.
Puis le jour du départ pour Copenhague puis le Groënland est arrivé à la mi-avril. Ce qui est arrivé après ce jour dépassait de loin ce que les trois compères, pourtant aguerris, s'étaient imaginé.
La montée sur la calotte, un glacier de plus de 2000 mètres d'altitude est difficile. Elle dure deux jours. Puis arrive le plat. Un plat sans fin. Les trois amis skient pendant des jours dans un paysage d'une grande monotonie. Et ils souffrent. Les pulkas sont lourdes. Le terrain est un faux-plat montant. Jean-François Fillod, chef d'expédition, est cette fois "dans le rouge" tout le temps. Il ferme la marche, ce qui alourdit son moral. Il nous confie être tellement concentré sur l'effort, à compter chaque pas, qu'il ne parvient pas à s'évader, penser à autre chose, rêver qu'il est ailleurs...
Et puis, il y a les vents catabatiques qui soufflent jusqu'à 200 kilomètres heures, froids et bourdonnants. Ils obligent l'équipe à "garder la tente" durant plusieurs journées.
Les trois aventuriers prennent du retard. Ils ne tiennent pas leurs 25 kilomètres quotidiens. Ils envisagent de faire demi-tour puis finalement décident avec leur "routier météo" Jacques Carrandié, resté en France, qu'ils se feront récupérer un peu plus tôt. 60 kilomètres exactement. Jacques Carrandié est leur plus grand allié. Il est le lien avec les familles, donne précisément les données météo, annonce les fins de tempête...
Malgré la souffrance, l'introspection qui fait jaillir les larmes les jours les plus difficiles sur la glace, ce questionnement permanent auquel ils n'ont pas de réponse "que fait-on là ???!!!"...Malgré tout cela, les trois mais ne regrettent rien. C'est la plus grande, la plus forte, la plus dure, la plus folle expérience de leur vie. Ils ont défié le Groënland. Et ils en sont revenus.