Le tribunal de commerce de Dijon n’a pas entériné le 31 mars l’unique offre de reprise déposée par l’actionnaire italien de l’usine du Haut-Jura. Un ultimatum est fixé au 27 avril. Les salariés inquiets se sont mis en grève pour faire pression sur les constructeurs.
Le feuilleton de la fonderie du Haut-Jura, va-t-il se terminer par une immense casse sociale ? Placée en redressement judiciaire le 4 novembre 2020, MBF n’a depuis trouvé aucun repreneur. Le groupe Secko, fonds d’investissement américain intéressé à un moment, n'a finalement pas déposé d’offre de reprise. MBF produit des carters hybrides pour l’automobile et dépend du carnet de commandes des constructeurs français PSA et Renault.
“Les leviers de la pérennité de MBF ne sont plus du ressort des salariés, mais dépendent directement de PSA et Renault qui n’ont pas respecté les engagements de volumes initialement prévus. Mais malheureusement, il s’avère qu’aujourd’hui, ce désengagement de la part des deux constructeurs est un obstacle à la finalisation d’éventuelle offres de reprise ou du plan de continuation de l’actionnaire actuel qui potentiellement pourrait pérenniser MBF et sauvegarder ses emplois” s’inquiète l’intersyndicale CGT-Sud-CFDT du site. La production, les livraisons sont à l'arrêt.
Un plan de continuité jugé non convaincaint par le tribunal
L’actionnaire italien a déposé une offre qui prévoit de reprendre 202 salariés. Une offre jugée pas suffisament convaincainte par le tribunal sur le plan industriel, social, économique. En clair, l’actionnaire italien n’aurait pas une garantie suffisante de commandes des constructeurs, le volume de salariés conservés ne serait pas en adéquation avec l’offre déposée. L'avenir proche de l'entreprise serait dépendant de l'argent public. Les syndicats veulent donc par leur grève interpeller les constructeurs. Ils réclament que “nos marchés affectés initialement nous soient rendus pour garantir un avenir pour tous et un avenir économique pour le bassin d’emploi Sanclaudien déjà fortement touché par la désindustrialisation et la perte d’emploi.”
Le tribunal a fixé une nouvelle échéance au 27 avril. Soit une offre de reprise extérieure voit le jour, soit l’actionnaire italien revoit son projet. Soit c’est la liquidation judiciaire et 280 licenciements. À l’heure, où la crise du covid a soulevé la nécessité de produire made in france, la clé sous la porte de l’usine MBF deviendrait une "bombe" politique, où les constructeurs français auraient une part de responsabilité.
La direction de MBF ne veut pas y croire. Et est tombée de haut après la décision du tribunal. "Aujourd'hui, le plan qu'on propose, c'est déjà de sauver MBF et le maximum d'emplois et après dans un second temps d'aller chercher de nouveaux marchés avec d'autres constructeurs. On a bien compris qu'avec Peugeot et Renault, c'est fini" explique Adeline Munarolo, directrice de MBF. La fin de l'usine, elle ne veut pas y croire. "Parceque MBF c'est plus de 70 ans d'histoire, se dire que tout s'arrête parceque c'est une histoire de volonté des constructeurs, et c'est pas parceque les salariés ou la direction n'ont pas fait leur travail, c'est juste parcequ'on a décidé que la France n'est pas un pays industriel" ajoute-t-elle agacée.
Entre MBF et les constructeurs français, le dialogue s’est tendu ces derniers mois
La fonderie MBF a été fragilisée par la baisse du carnet de commandes de Renault. Entre 2017 et 2019, elle avait investi 14 millions d’euros pour moderniser l’outil de production et produire les carters d’embrayage des véhicules hybrides de Renault. Le diesel gate, la baisse des ventes de véhicules neufs, la crise du covid sont passés par là. Le constructeur français Renault, qui devait commander 350.000 pièces par an, a revu ses commandes à la baisse avec 130.000 pièces seulement par an. La direction de MBF avait poursuivi en justice Renault pour non respect de ses engagements. Certaines pièces affectées à MBF ont été attribuées à des fonderies en Espagne ou chez d'autres concurrents, selon madame Munarolo.
Un rapport rendu en juin 2020 menaçait déjà l’avenir de la fonderie
Ce rapport pointait la possibilité de sauver l’entreprise, mais en réduisant ses effectifs de moitié à 150 salariés. Cette étude de la fonderie automobile en France, avait été diligentée par la Direction générale des entreprises (DGE), au service du ministère de l’Économie et des Finances.
L'étude réalisée par le cabinet allemand Roland Berger, était destinée à analyser le potentiel du secteur de la fonderie française, qui représente en Europe un marché d'environ 50 milliards d'euros. “La restructuration de la filière fonderie orchestrée par les donneurs d’ordres et l’état est d’ores et déjà lancée, l’étude fataliste réalisée par le cabinet Roland Berger sur la filière fonderie prétextant une surcapacité de production en France met à mal de nombreuses fonderies. Cette étude illustre pleinement les conséquences des stratégies menées ces dernières décennies par les choix de délocaliser les activités dans les pays low-cost dans le but d’augmenter les profits” dénonce une nouvelle fois l’intersyndicale.