Implantées depuis des siècles sur le massif jurassien, les tourneries et tabletteries de bois seront bientôt labellisées. Une indication géographique "tournerie et tabletterie du Jura" est en cours d'élaboration. Que cela change-t-il pour les artisans, et pour les consommateurs ? Explications.
Il s'est autoproclamé le "roi du cochonnet". Dans sa tournerie de Jeurre, dans le Jura, Jean-Yves Monneret et ses cinq salariés confectionnent ces petites boules destinées à la pétanque. Leur spécificité ? "Elles sont en bois de buis, affiche fièrement le chef d'entreprise. C'est notre savoir-faire, le travail du buis". Une matière première présente en quantité dans le Haut-Jura, raison pour laquelle l'atelier s'y est implanté en 1951.
Protéger les savoir-faire
Comme lui, environ 80 tourneries et tabletteries transforment le bois en de petits objets dans le Jura, l'Ain et le Doubs. Des savoir-faire uniques, désormais menacés par la concurrence internationale.
Pour se protéger, les fabricants jurassiens cherchaient une solution. "De manière individuelle, chaque entreprise sait mettre en avant son savoir-faire. Mais pour le valoriser de manière générale, il n'y avait qu'une solution : l'indication géographique", retrace le président du syndicat des tourneurs tabletiers, Dominique Retord.
"La tournerie et la tabletterie, de plus, sont essentielles économiquement. Elles participent, par exemple, à l'essor de l'horlogerie dans le Doubs"
Tony Bonnard, chargé de mission à l'interprofession FIBOIS
Depuis un an, le syndicat et l'interprofession du bois travaillent donc sur le projet. "Pour faire valider l'indication géographique par l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), il faut remplir un cahier des charges. Dedans, il y a la zone géographique, le procédé de fabrication et le lien entre les produits et le territoire. La tournerie et tabletterie correspondent parfaitement à ce dernier critère, car il y a un héritage culturel séculaire", détaille Tony Bonnard.
Gage de qualité
Apposer un label comme gage de qualité à ses cochonnets, l'idée enchante Jean-Yves Monneret : "Le buis, c'est de la matière première qui est vraiment ici, dans le Jura, donc ça me paraît logique. Et puis ça permet de mettre en avant un savoir-faire qui se transmet ici depuis deux ou trois générations."
Au-delà de garantir l'origine et la méthode artisanale de fabrication au consommateur, ce label permettrait d'apporter "un appui juridique à l'entreprise si elle subit un méfait de copie, par exemple", ajoute le président du syndicat. Dans le cas d'une contrefaçon, qui présenterait de manière abusive une dénomination géographique, il serait ainsi plus facile pour l'entreprise lésée d'obtenir une protection.
Lutter contre la contrefaçon
Un argument qui rassure Sébastien Richard, gérant d'une tabletterie à Cogna (Jura). Son entreprise fournit régulièrement des enseignes de luxe. "Si une marque décidait de se fournir dans une entreprise dans l'est par exemple, ça pourrait rester un objet en bois avec à peu près les mêmes caractéristiques, mais ça ne serait pas un objet fabriqué dans le Jura, localement, avec nos savoir-faire. Le label atteste cette information."
Mais le chemin reste long avant la mise en place du label. L'interprofession du bois espère une adoption d'ici à 2027. Si arborer le marquage "indication géographique" sera payant pour les entreprises, une dizaine d'entre elles ont déjà manifesté leur intérêt pour adhérer au label.