Connaissez-vous le métier de nivoculteur ? C'est lui qui permet aux stations de ski de produire de la neige de culture. Nous sommes allés découvrir comment était produite la neige cultivée aux Rousses, dans le Jura.
Alors que la neige peine un peu à pointer le bout de ses flocons sur les stations de ski alpin de la région, nous nous sommes rendus aux Rousses pour découvrir comment était produite la neige de culture. "On peut bannir le terme neige artificielle, car on cultive de la neige. Elle n'est pas artificielle, elle est juste produite différemment que par mère nature" rappelle d'emblée Frédéric Zanardi qui fait partie des quatre nivoculteurs de la station des Rousses.
Il est notre guide du jour. Ce véritable passionné d'or blanc et de montagne nous a ouvert les portes des usines à neige de la station jurassienne et nous a détaillé son travail, d'une importance capitale dans la sauvegarde de l'économie touristique du massif jurassien. Aux Rousses, 3 bassins ont été creusés pour stocker l'eau issue de la fonte des neiges. Ce sont ces petites étendues d'eau turquoise que vous pouvez notamment observer en bord de piste, lorsque vous êtes sur les télésièges. Ils sont souvent entourés d'une bâche de plastique vert et sont alimentés en continu par des canalisations. Ces bassins, reliés à des usines installées aux abords, alimentent directement les 80 enneigeurs disséminés aux quatre coins de la station, située en plein coeur du parc naturel du Haut-Jura.
En moyenne, 30% de la surface des domaines français est pourvue en neige de culture. Aux Rousses, c'est 28%. "Ce qui est paradoxal c'est qu'en Autriche, ils enneigent 80 à 90% de leurs domaines. Ils ont pas mal de subventions donc ils enneigent leurs pistes un peu trop à mon goût. En tout cas on fait vraiment de notre mieux et mieux d'année en année, ça c'est sûr" nous explique Frédéric Zanardi, fervent défenseur d'une culture de neige raisonnée.
Alors que la production de neige de culture est régulièrement pointée du doigt par les écologistes, aux Rousses, on s'efforce d'améliorer sans cesse les techniques pour consommer moins et produire de la "neige éco-responsable". Est-ce que c’est écolo de produire de la neige de culture ? Frédéric Zanardi précise : "Alors écolo, je ne sais pas, c'est un bien grand mot. La production de neige en France c'est 4% du volume d'eau utilisé pour les piscines privées, par exemple".
Un Label Flocon Vert et sans additif
La station des Rousses fait d'ailleurs office de bon élève puisqu'elle s'est vue attribuer le Label Flocon Vert le 25 avril 2013, renouvellé en 2017. "Le développement de la station est lié à la mise en œuvre d’une politique commune, au sein de la Communauté de Communes de la Station des Rousses, en accord avec les préconisations du Parc Naturel. Des actions pionnières ont ainsi pu émerger comme par exemple la mise en œuvre d’un Plan Climat Energie Territorial ou l’engagement dans le contrat de station avec la Communauté de Communes de la Station des Rousses" détaille le label sur son site internet. Seules six stations en France ont été recompensées. Ce label est décerné selon différents critères notamment la gestion de l'eau potable et neige de culture, la qualité du réseau et l'éco-consommation.
L'un des sujets régulièrement mis sur la table par les protecteurs de l'environnement est l'utilisation par certaines stations de ski de l'additif Snowmax. Ce produit permet d'augmenter la mise en glace de l'eau et de la cristalliser en neige à une température plus élevée."Nous dans le Jura, on a du froid donc on ne met pas d'additif" se félicite le nivoculteur.
Les canons à neige, ça marche comment ?
La production de neige est le résultat de la pulvérisation d'eau en fines gouttelettes dans un air suffisamment froid. Sa fabrication nécessite de l'air, de l'eau et de l'énergie. En début de saison, la neige produite se veut un peu plus humide afin de consolider une bonne sous couche. Par la suite, les nivoculteurs saupoudrent les pistes pour assurer des conditions de glisse plaisantes.
Le canon à neige (équipé d'un ventilateur) sépare les gouttes d'eau pour les ramener à de petite taille et faciliter ainsi leur transformation en glace, en les refroidissant par détente de la pression (air comprimé). Il faut 1m3 d'eau pour produire 2 à 2,5 m3 de neige.
Quatre étapes sont nécessaires pour la fabrication de la neige de culture :
- l'atomisation (production de fines gouttelettes)
- la nucléation (formation de micro-cristaux de glace)
- l'insémination (rencontre entre les micro-cristaux et les gouttelettes pour former des grains congelés)
- la dispersion (les gouttelettes d'eau congelées sont dispersées dans de l'air froid, la détente de l'air sous pression favorise les échanges thermiques par convection entre la partie extérieure de la gouttelette et l'air ambiant permettant leur transfomation en glace avant la retombée au sol)(source ANPNC).
Aux Rousses, les anciens canons à neige (perches et ventilateurs ancienne génération) sont petit à petit remplacés par des ventilateurs plus performants et plus modernes, bien moins gourmands en énergie et plus efficaces lorsque les températures sont plus élevées. Selon Frédéric Zanardi, en poste depuis une vingtaine d'année à la station des Rousses, les avancées technologiques ont considérablement fait évoluer son métier. Grâce à l'informatique tout est désormais calculé. Les circuits d'approvisionnement, les perches et le ventilateurs, les bassins, l'hygrométrie et les températures sont consultables en direct.
Le travail du nivoculteur a lieu la plupart du temps la nuit et au petit matin, lorsque les températures sont les plus fraîches. Il peut enchaîner les allers-retours aux usines à dos de moto neige. "Il faut être super dispo. On travaille en binôme les nuits et on se sépare en fonction du froid et des priorités" détaille le cultivateur de neige, qui n'hésite pas à nous montrer le logiciel et les relevés détaillés qui lui permettent de veiller au bon fonctionnement des installations.
Alors qu'on s'interroge sur la pérenité des stations de ski de moyenne montagne à l'heure du réchauffement climatique, Frédéric Zanardi garde le sourire. "La neige est un peu difficile à faire avec ces températures mais on s’aperçoit que même en température positive on arrive à le faire. Le froid va arriver quand même. L’hiver pour nous s’est décalé. On est plus sur l'hiver en février. La neige doit arriver ce week-end" positive-t-il.