VIDÉO. Protection du lynx boréal : ces excréments précieux pour les chercheurs

Le lynx boréal, majoritairement présent dans le massif du Jura, fait l'objet d'une étude qui consiste à analyser ses excréments, une mine d'or pour en apprendre plus sur son régime alimentaire et son patrimoine génétique. Autant de connaissances nécessaires pour le futur de cette espèce classée "En danger" et dont la protection mobilise de nombreux acteurs, des naturalistes aux scientifiques, en passant par des élèves.

Une fourrure épaisse tachetée de noir et des pinceaux de poils à la pointe de ses oreilles, signes distinctifs du lynx boréal, animal mystérieux. Avec environ 160 individus dans toute la France, l’espèce est classée “En danger” sur la liste rouge nationale de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Une présence rare, mais également discrète qui n’est pas pour faciliter les recherches à son sujet, pourtant essentielles, notamment dans le cadre du Plan National d’Action Lynx, lancé par le gouvernement sur la période 2022-2026. 

Pour pallier cette difficulté, l’un des moyens de pouvoir étudier le plus grand mammifère d’Europe est à partir des restes qu’il laisse. Les recherches s’intéressent donc à ses excréments, méthode non invasive qui permet d’obtenir de précieuses informations.

Dans le massif jurassien, où se trouve 80% des lynx, Rebecca Burlaud tente d’en trouver. Elle avance avec attention aux côtés de son chien, scrute l’environnement qui l’entoure ou se penche sur une imposante souche d’arbre à la recherche d’indices et de marquages de l’animal. “On a trouvé des poils, c’est une pièce de puzzle en plus qui peut nous dire qu’on est sur la bonne piste”, commente la chargée de mission Lynx à la Société française pour l'étude et la protection des mammifères

À la recherche d'échantillons

Lorsqu’elle n’est pas elle-même en forêt, Rebecca Burlaud coordonne pour le projet ŒIL de Lynx un réseau de 180 bénévoles composé d’agents de parcs, de réserves, de services de l’État, randonneurs, agents, naturalistes, chasseurs. Ils sont chargés de trouver des échantillons dans le Doubs, le Vercors, la Haute-Savoie et plus récemment en Côte-d’Or, dans le Beaujolais ou le Morvan. “C’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin, précise Rebecca au micro de la journaliste Marine Candel. On mise sur les découvertes fortuites, donc plus on a de sentinelles formées et avisées, plus on va pouvoir acquérir des échantillons”. 

À ce jour, 300 échantillons ont été récoltés, qui ont ensuite été transmis par Rebecca au laboratoire Chrono-environnement, afin de les analyser. “Ces crottes sont une mine d’informations sur son régime alimentaire et sa génétique via l’ADN qu’on peut retrouver”, explique Laurie Bedouet, doctorante en 1ʳᵉ année en écologie et en biologie des populations. L’enjeu de ces recherches ? Montrer que le lynx “a aussi un rôle en tant qu'espèce au sommet de la chaîne alimentaire pour des écosystèmes sains et fonctionnels, en contribuant à l’équilibre”, défend Rebecca. 

Pour ce faire, le premier volet de l’étude tend à préciser et affiner le régime alimentaire du grand prédateur, principalement composé de chevreuils et de chamois. Les scientifiques cherchent à savoir vers quelles proies le lynx se tourne lorsque les populations de chevreuils et de chamois diminuent, possiblement des petits rongeurs, des insectes et des oiseaux. L’analyse de l’ADN permettra ainsi d’avoir des informations sur ces proies alternatives. “Cela permet d’objectiver la prédation du félin et son impact sur les populations de proies, pour apaiser les conflits qu’il peut y avoir avec les milieux de la chasse et de l'élevage”, analyse la doctorante Laurie Bedouet.

Toutefois, seules quelques crottes ont été analysées, ne permettant pas pour le moment d’en faire ressortir des résultats. Reste que la fine connaissance de son alimentation pourrait permettre, selon Rebecca Burlaud, d’avoir des “billes en plus pour l’acceptation sociale”. 

La question des ancêtres

L’autre pan de cette étude s’intéresse à la génétique du lynx boréal. Dans le laboratoire qu’elle a rejoint en octobre, Laurie Bedouet cherche à obtenir des séquences ADN et à les comparer à des séquences dont l’origine est déjà connue, pour en savoir plus sur les différentes lignées dont sont issus les lynx. “Notre rôle est d’apporter des informations sur son état de santé pour mettre en évidence la faible diversité génétique que l’on soupçonne”, indique-t-elle en précisant qu’il s’agit d’une menace sur la pérennité de l’espèce. 

Pour comprendre cet enjeu, il faut remonter au 19ᵉ siècle, période où le lynx a totalement disparu d’Europe de l’Est. Dans les années 70 et 80, une trentaine d’individus sont réintroduits en Suisse. Les félins présents aujourd’hui dans les Alpes du Nord et le Jura sont tous des descendants de cette lignée. “30 individus, ce n’est pas beaucoup”, regrette Laurie Bedouet : “Des études en Suisse ont montré une importante proportion de malformations cardiaques du fait de la consanguinité, donc le but, c'est d’objectiver cette faible diversité génétique pour mettre en place des solutions”. Une fois ces informations collectées, des gènes nouveaux pourraient être apportés via des réintroductions. 

Mobilisation générale

Une étude à laquelle participent aussi des élèves du lycée Xavier Marmier à Pontarlier (Haut-Doubs), membre du dispositif “Génome à l'École”. Les participants à l’atelier génome, qui existe depuis sept ans, collaborent depuis deux ans en analysant les échantillons pour connaître le sexe des lynx. “On a du matériel de génétique et on sait faire des manipulations, donc on a demandé à participer”, explique Nicolas Esseiva, l’enseignant en SVT qui encadre ce projet. “Quand on a extrait l’ADN, qu’on a manipulé, observé les résultats, ça donne encore plus envie de le refaire. C’est une chance”, témoigne Suada Tafaj, elle qui souhaite devenir médecin.

Cet atelier, outre le fait qu’il pourrait éveiller de nouvelles vocations via la découverte de vraies techniques de laboratoire, permet également de donner du concret aux élèves pour leurs études post-bac. Nicolas Esseiva conclut ensuite : “Le lynx est un animal caractéristique de notre région, si on peut essayer de le comprendre pour mieux le préserver c’est intéressant.”

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