En l'espace de cinq ans, le lynx boréal a gagné du territoire en Bourgogne. Entre 4 et 6 individus, au minimum, se trouveraient actuellement dans la région. Le 28 avril dernier, l'Office Français de la Biodiversité a confirmé sa présence dans le sud du Morvan. Faut-il s'inquiéter ou se réjouir de cette colonisation ?
Le 28 avril 2023, la préfecture de la Nièvre confirme la présence du lynx dans le département. L'Office Français de la Biodiversité a expertisé plusieurs vidéos qui attestent de la présence d'un lynx boréal à proximité de Glux-en-Glenne dans le Morvan. Cette nouvelle ne surprend personne : cela fait en effet cinq ans que de nombreux indices sont récoltés à travers la région.
La première donnée remonte à septembre 2018, où un cadavre de lynx est retrouvé sur l’autoroute A38 à proximité de Sombernon en Côte-d'Or. En décembre 2019, un cliché permet d’identifier un lynx dans le département voisin de la Haute-Marne. En juin 2020, une autre image fait état de la présence de l’espèce en Saône-et-Loire. Par la suite, il y aura plusieurs indices récurrents en Côte-d’Or, et une confirmation de reproduction à partir de 2022 dans ce même département (voir vidéo ci-dessus). A l’automne 2022, la femelle qui se reproduit en Côte-d’Or est identifiée en Saône-et-Loire.
Les caractéristiques du lynx boréal
Les signes distinctifs du lynx boréal sont : des oreilles pointues, une queue courte, une couleur du pelage variant du gris-jaune au roux, avec des petites taches (spots) ou de grandes taches sombres (ocelles).
Un retour par le massif jurassien?
Actuellement, 80% des lynx boréal français se trouvent dans le Massif Jurassien. Il faut rappeler que les lynx du Massif Jurassien sont issus, à l’origine, d’un relâcher du côté suisse dans les années 1970 . Par la suite, une vingtaine d’individus a été relâchée dans les Vosges entre 1983 et 1993. En 2015, la population de lynx avait quasiment disparu de France, jusqu’à ce que les allemands en réintroduisent dans le Massif Vosgien entre 2016 et 2021. Les populations ont ensuite migré jusqu’au Massif Jurassien, puis jusqu’au Massif Alpin.
5 QUESTIONS A DELPHINE CHENESSEAU
(Office Français de la Biodiversité - Animatrice du réseau loup-lynx)
- Le lynx était-il déjà présent dans la région à une certaine époque de notre Histoire ?
DELPHINE CHENESSEAU - On sait que le lynx fait partie historiquement de la biodiversité de notre pays. En revanche, il avait complètement disparu de Côte-d’Or au 18ème siècle. - Comment expliquez-vous cette disparition ?
D.C - Au Moyen-Âge, l’autre nom du lynx était le "loup cervier", d’où peut-être un amalgame avec le loup qui a conduit la population à vouloir le chasser. L’autre raison est l’importante déforestation du territoire qui s’est produite à la période médiévale. Cette déforestation a conduit à une raréfaction des proies (N.D.L.R : chevreuils et les chamois). Il a probablement été chassé également pour sa peau. Au fur et à mesure, les lynx ont été repoussés vers les massifs montagneux. Mais au début du 20ème siècle, il n’y avait plus de lynx en France.
- Combien d’individus ont été recensés jusqu’à présent ?
D.C - Il faut savoir qu’en France, seuls 180 individus ont été recensés. En Bourgogne, aucune certitude quant aux chiffres, mais probablement entre 4 et 6 individus. - Le lynx va-t-il s’installer durablement en Bourgogne ?
D.C - On assiste à une colonisation de la région. Il faut savoir que le lynx est inféodé à de grands massifs boisés et a besoin de coloniser plusieurs territoires pour se reproduire. Les individus colonisent généralement un territoire qui se situe à proximité d’un autre territoire de lynx. - Ce retour du lynx en Bourgogne est-il une bonne nouvelle ? Faut-il s’en inquiéter ?
D.C - Le lynx est une espèce protégée, qui avait disparu, et qui fait partie de notre biodiversité historique. Le fait qu’il revienne parmi nous est une bonne chose. Il ne faut pas l'assimiler au loup. Contrairement au loup, le lynx est une espèce économe qui va revenir manger plusieurs jours d'affilée sur la proie qu'il aura tuée. En revanche, même si le lynx s’attaque principalement aux chevreuils et aux chamois, il peut aussi occasionner des dommages aux troupeaux domestiques. Les attaques de moutons existent mais restent plutôt rares comparées à celles occasionnées par le loup.