Selon une circulaire émise le 12 février par le Ministère de la santé, tous les hôpitaux doivent passer en organisation de crise pour limiter la circulation des variants Covid-19. En Bourgogne Franche-Comté, c'est déjà en partie le cas. Mais certaines mesures inquiètent les professionnels.
"Organisation de l'offre de soins en prévision d'une nouvelle vague épidémique". Voici le titre de la circulaire, révélée par Le Journal du dimanche, signée par la direction générale de la santé (DGS) et par celle de l'offre de soins (DGOS). Elle place en état d'alerte les Agences régionales de santé (ARS) et les hôpitaux et cliniques pour faire face à une éventuelle nouvelle vague de Covid-19.
Elle pourrait aussi compliquer sensiblement l'activité des hôpitaux de régions comme la Bourgogne Franche-Comté dans les prochaines semaines.
"Il s'agit d'une démarche d'anticipation, précise le service presse de la direction générale de la santé à France Télévisions. Son objectif est de mobiliser tous les acteurs de santé d'un territoire dans l'éventualité d'une reprise épidémique qui, alors que les variantes du virus circulent, peut se produire."
Cette circulaire s'organise en trois axes : une "organisation de crise robuste et résiliente", l'augmentation de la capacité du nombre de lits, notamment dans les services de réanimation et de soins intensifs, ainsi qu'une optimisation du "parcours de soin des patients Covid et non-Covid".
Selon Pierre Pribile, directeur générale de l'Agence Régionale de santé en Bourgogne Franche-Comté, cette circulaire apporte peu d'éléments nouveaux dans la région. "En réalité, chez nous, ce travail est engagé depuis très longtemps pour faire face à une troisième vague. En réalité, la tension n’a jamais cessé dans la région."
Obligation pour le personnel soignant positif de s'isoler
Cette circulaire prévoit cependant une nouveauté qui pourrait peser sur l'offre de soins en cas de résurgence épidémique. Désormais, les personnels soignant atteints du Covid-19, même légèrement ou asymptomatiques, ne pourront plus continuer à travailler. Ils auront obligation de s'isoler sept jours en cas de contamination par le virus "originel" ou le variant anglais et dix jours s'il s'agit des variants sud-africain ou brésilien.
"Une contrainte supplémentaire forte qui va peser sur les hôpitaux"
Car jusqu'à présent, ce n'était pas le cas. "En dernier recours, entre isoler un personnel soignant asymptomatique positif et fermer un service ou un certain nombre de lits, les hôpitaux faisaient le choix de maintenir l’offre de soins avec des précautions supplémentaires" témoigne le directeur régional de l'ARS.
"Cela peut être un bonne chose sauf que les services ne tourneront pas dans ce cas là", témoigne Yolande Kéruzoré, délégué CGT au centre hospitalier de Sens, situé dans le nord de l'Yonne. Car selon elle, "le personnel était vivement encouragé à travailler même s'il était positif au covid".
Mais pour Pascal Gouin, directeur général du centre hospitalier d'Auxerre, "c'est une précaution indispensable pour éviter tout risque d'expansion de la pandémie." Cette circulaire s'appuie sur un avis du Haut conseil de la santé publique dicté par la menace constituée par les variants. "Le Haut conseil juge que le rapport entre les bénéfices qu’on tire à maintenir le personnel et le risque que l’on prend à la contamination, est maintenant inversé avec ces variants," précise Pierre Pribile.
Un personnel déjà à flux tendu
Cependant, dans certains hôpitaux, comme celui de Sens, certains personnels travaillent déjà "à flux tendu. Il y a des lits fermés dans l’hôpital pour pouvoir libérer du personnel. Il faut le savoir," témoigne Yolande Kéruzoré.
On a déjà des tensions fortes qui nous ont obligé à fermer des services.
Une information confirmée par la direction. "On a déjà des tensions fortes qui nous ont obligé à fermer des services pour pouvoir mobiliser des personnels soignants afin de prendre en charge des patients souffrants du Covid", témoigne Jean-Dominique Marquier, directeur du centre hospitalier de Sens. "Si on a une large majorité du personnel atteint par le covid, ce sera autant de bras manquants dans la prise en charge des patients."
Pour Pierre Pribile, face à une situation de ce type, "on sera obligé de réduire le nombre de lits disponibles faute de personnels pour travailler alors qu’on devra faire face à une résurgence de l’épidémie."
Déprogrammation des interventions non urgentes
Autre point qui inquiète, la circulaire souligne que les transferts de patients entre régions, sollicités lors des deux premières vagues, pourraient "s'avérer plus difficilement réalisables". "Il y a la demande faite à chaque région d’absorber le maximum de patients s'il y a une troisième vague", confirme Pierre Pribile.
Pour augmenter la capacité de lits de réanimation, il est donc demandé aux hôpitaux publics comme privés de privilégier l'hospitalisation à domicile et les opérations ambulatoires et de déprogrammer de façon "graduée et adaptée" les interventions qui ne sont pas urgentes. L'objectif étant de "fluidifier la sortie des patients", précise le courrier dévoilé par le JDD.
En Bourgogne Franche-Comté, "la déprogrammation n’a jamais cessé" souligne Pierre Pribile. Même si selon lui, "la déprogrammation est de moins en moins possible. Car plus le temps passe, plus des soins déprogrammés il y a des mois doivent être absolument reprogrammés."
Au centre hospitalier d'Auxerre, Pascal Gouin explique que l'établissement a déjà anticipé son organisation en cas de rebond épidémique. "A ce stade, des actes programmés sont décalés dans le temps puisque nous avons six salles de bloc opératoire au lieu de huit fonctionnelles", précise le directeur de l'hôpital.
La réserve sanitaire devrait être mobilisée
Selon la circulaire, toutes les ressources humaines, comme la réserve sanitaire, devraient être cependant mobilisées et les dispositifs facilitant l'augmentation du temps de travail des soignants reconduits. Jean-Dominique Marquier l'espère car selon lui, dans l'Yonne, "on souffre de la rareté de la ressource médicale. La ressource n’est vraiment pas infinie. Elle est comptée très précieusement et on subit de plein fouet cette crise épidémique."
Il a attend donc de savoir quelles seront les ressources dont il pourra disposer. Pierre Pribile rappelle que l'ARS "a fait appel régulièrement à la réserve sanitaire qui intervient dans de nombreux endroits de la région."
Selon les dernières données publiées par Santé publique France, la Bourgogne Franche-Comté comptait vendredi 1 723 personnes hospitalisées pour une infection Covid, dont 155 patients en réanimation.