L’association franc-comtoise "Lanceur d’alerte" a décidé, avec d'autres acteurs, d’assigner en justice le groupe Charal-Bigard pour lever l'opacité financière concernant ses comptes. La société a finalement plié en publiant ses chiffres, juste avant de passer devant les tribunaux.
En juillet dernier, nous vous donnions à lire sur France 3 Franche-Comté le portrait de Maxime Renahy, bisontin d'origine, auteur d'un livre intitulé "Là où est l'argent". Dans cet ouvrage, l'ancien financier de Jersey et Luxembourg décrit les rouages du système international de fraude fiscale et explique comment il a collaboré avec la DGSE en tant qu'espion (découvrir son portrait).
Le lanceur d'alerte et co-créateur de la plateforme lanceuralerte.org nous avait à l'époque prévenu qu'il avait en sa possession une trentaine de dossiers à mettre en lumière. "Une pluie d'attaques juridiques va tomber en septembre en France" avait-il prédit, fort de son expérience dans le monde de la finance.
Il semblerait que ses menaces soient en cours d'éxecution. En effet, l’association "Lanceur d’alerte", représentée par Maxime Renahy et son frère Alexandre, ainsi que l'association de défense des animaux L214, Inès Léraud documentariste et autrice de « Algues vertes, l’histoire interdite » et le lanceur d’alerte Pierre Hinard, auteur du livre « Omerta sur la viande », ont décidé d’assigner en justice le groupe alimentaire Charal, numéro 1 de la viande française pour lever leur opacité financière.
"Où part l'argent ?"
Malgré une législation précise en la matière, la société Bigard, propriétaire des marques Bigard, Socopa et Charal, refusait depuis 5 ans de se soumettre à l’obligation légale de publication de ses comptes. Face aux pressions, le groupe a finalement publié, l'intégralité de ses comptes pour éviter le procès.
"On aura été plus efficace que l'Etat qui n'avait pas réussi à obtenir les comptes de Lactalis et Charal" se félicite Maxime Renahy. En effet, l'état avait promis de forcer cette société à publier ses comptes, sans succès.
"L'objectif c'est de voir ce qu'il y a dans ses comptes. Où part l'argent ? Quelle est la répartition de l'argent, notamment pour les éleveurs ?" nous a expliqué le Bisontin, tout en précisant qu'un rapport sera publié une fois les chiffres du géant de la viande décortiqués.
"Ni les éleveurs, auxquels l’industriel ne garantit aucun prix, ni aucun citoyen, ne peut savoir quelles sont ses marges et comment est utilisé l’argent public dont il bénéficie. D’après Force ouvrière, Bigard aurait perçu 32 millions d’euros d’aides de l’État en Crédit impôt compétitivité emploi (CICE) et en allègements sur les bas salaires pour la seule année 2014, et 26 millions d’euros en 2015" explique l'association L214.
Groupe Bigard a donc fini, le 4 septembre, par dévoiler un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euros (+2,9%) en 2017. Du côté de ses deux principales filiales, Socopa (fournisseur de produits carnés à la grande distribution, aux CHR et aux bouchers) a généré 1,8 milliard d'euros (stable), tandis que Charal (la marque de viande de boeuf vendue au détail) affichait des ventes de 866 millions d'euros (stable). Cela représente un total de 4,17 milliards d'euros de ventes.
En termes de résultats, le bénéfice net du numéro un français de la viande ressort à 51,9 millions d'euros (+24% par rapport à 2016) pour Bigard, 25,5 millions (+17%) pour Socopa et 20,1 millions pour Charal (stable sur un an), selon l'AFP.
Une perquisition chez Lactalis
Maxime Renahy a également réalisé une enquête pour le compte de la Confédération paysanne. Dans leur ligne de mire, la société Lactalis, numéro un mondial des produits laitiers. Le syndicat, dans un rapport publié en janvier, soupçonne Lactalis d'avoir soustrait plus de de 2 milliards d'euros aux fisc français et belge entre 2015 et 2016 "grâce à un jeu de créances, dettes et achat d'actions". Début août, la Direction nationale des enquêtes financières (DNEF) avait réalisé une perquisition fiscale chez le géant de l’agroalimentaire français.