En avril, Maxime Renahy, originaire de Besançon, a sorti un livre intitulé "Là où est l'argent". Dans cet ouvrage, l'ancien espion de la DGSE nous explique comment les grandes entreprises défiscalisent dans les paradis fiscaux pour échapper à l'impôt en France... Mais pas que. Rencontre.
Maxime Renahy est Bisontin d'origine et séjourne régulièrement dans la capitale franc-comtoise. Pourtant, malgré la publication d'un livre intitulé "Là où est l'argent" aux éditions Arènes, dans lequel il dénonce les dérives extrêmes du système capitaliste, son histoire hors du commun n'avait pas encore trouvé d'écho dans la presse locale.
L'homme est grand, vif, souriant mais discret. Des atouts indéniables lorsque l'on connait son CV. L'ancien administrateur de fonds sur l'île de Jersey, pour la fiduciaire Mourant, l'un des plus gros cabinets d'avocats de l'île, tient en sa possession une mine d'informations compromettantes qui expliquent par quels procédés les plus grandes fortunes de France, certains politiques, des hauts fonctionnaires et des multinationales réussissent à s'extraire de l'impôt, mais pas que...
"La partie optimisation et fraude fiscale n'est qu'une partie de ce qu'il se passe. Il y a du délit d'initié, du blanchiment d'argent ou encore des actions pour organiser des liquidations frauduleuses de sites industriels pourtant excédentaires. Le paradis fiscal est une plateforme utilisée pour faire 10 000 coups, par les plus puissants de ce monde" nous a expliqué Maxime Renahy, sans jamais hésiter.
Son entrée dans le grand bain de la finance s'est faite un peu par hasard, au détour d'une rencontre. Après avoir rejoint Bristol pour apprendre l'Anglais, une connaissance lui propose d'entrer dans un cabinet d'avocats à Jersey, petite île située au nord de Saint-Malo, dépendance autonome du Royaume-Uni. En 2007, la folle aventure commence.
Écoutez Maxime Renahy, au micro de Sarah Rebouh :
"J'étais préprogrammé pour espionner"
"Je fonctionne à l'intuition, j'ai toujours été comme ça. À l'époque, nous disposions de très peu d'informations concernant la finance internationale. Il n'y avait pas d'enquête, pas de livre... Je voulais savoir ce qu'il se cachait derrière le mot paradis fiscal. De par mon histoire familiale, j'étais préprogrammé pour espionner" nous a confié le jeune quadragénaire, sans une once de prétention.
En posant ses valises sur l'île mystérieuse, l'homme sait qu'il va disposer d'un nombre incalculable d'informations compromettantes. Il décide d'entrer en contact avec la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) pour livrer ses secrets. "J'ai mis deux jours à réussir à les contacter. Je voulais oeuvrer pour l'intérêt général, mais à la DGSE, cela ne se passe pas comme ça" sourit-il.
"Ces gens-là sont des zombies, des machines"
En effet, Maxime Renahy finit par prendre conscience que ses dossiers et les précieuses informations livrées n'ont pas vocation à servir l'intérêt commun, mais à défendre celui des entreprises françaises du CAC 40. "Les informations que je collectais pour la DGSE n'allait pas pour les concitoyens mais étaient ensuite délivrées à d'autres multinationales françaises pour qu'elles soient plus compétitives ou à des milliardaires français. Donc cela permettait aux riches d'être plus riche, et cela je ne pouvais pas l'accepter" détaille-t-il. "À chaque fois je suis surpris, par la corruption des politiques, des hauts fonctionnaires. Je n'arrive pas à m'habituer. Ces gens-là sont des zombies, des sortes de machines" explique le Franc-Comtois.
Fin 2011, début 2012, il arrête de travailler avec la DGSE pour venir réellement en aide aux citoyens, aux salariés, aux ONG. Désormais, l'espion s'organise et façonne son réseau en s'entourant d'économistes tels que Sébastien Laffitte et Samuel Delpeuch, d'investigateurs et d'avocats.
"J'aurais pu finir dans un ravin à Jersey"
Des risques, Maxime Renahy en a pris, jusqu'à ce qu'il quitte Jersey, île sur laquelle il n'est évidemment plus le bienvenu. "En mettant en lumière mes informations, évidemment que je prenais des risques. J'aurais pu finir dans un ravin à Jersey" concède-t-il. Après la publication de son livre, le Bisontin a fait la Une des journaux sur la petite île d'un peu plus de 100 000 habitants. Là-bas, dans les hautes sphères, nombreux sont ceux qui souhaitent le voir en prison.
Loin d'être une tête brûlée, le financier repenti sait qu'il risque d'avoir des ennuis mais se dit confiant quant à sa sécurité : "Je fais attention, je suis vigilant. Plus je suis dans la lumière et plus je travaille dans la lumière, notamment avec les médias, moins il y a de risques. Il y a des risques de procès, oui c'est sûr, mais je verrai le moment venu. Pour l'instant je n'ai rien reçu. Mais je suis prêt."
BFM TV, une chaîne née de la fraude fiscale ?
Le dernier coup médiatique du lanceur d'alerte concerne la société NextRadio TV, dont dépendent plusieurs médias français dont BFM TV, RMC ou le site internet 01net.com. Cette dernière est possédée par le milliardaire franco-israëlien Patrick Drahi, établi en Suisse. Maxime Renahy disposait du portefeuil financier rattaché à cette société lorsqu'il travaillait dans la finance au Luxembourg, juste après Jersey. En collaboration avec le journaliste d'investigation Denis Robert et LeMediaTV, l'homme explique : "Je voulais prouver que BFM TV et d'autres médias font remonter leur argent offshore, vers le Luxembourg. Je voulais aussi montrer comme ces médias ont été financés grâce à la finance offshore. Ces médias n'auraient jamais existé sans ces procédés."
Maxime Renahy, qui s'engage auprès de différents médias nationaux dans le but de faire connaître au plus grand nombre les agissements d'une petite frange privilégiée de la population, ajoute : "Je ne suis pas là pour interpréter, je suis juste là pour exposer les faits et les documents qui sont en ma possession".
"Une pluie d'attaques juridiques en septembre"
L'homme prévient que la rentrée 2019-2020 sera riche en révélations. "J'ai une trentaine de dossiers à mettre en lumière. Une pluie d'attaques juridiques va tomber en septembre en France" prévient le créateur de la plateforme lanceuralerte.org, permettant au grand public de révéler des informations sensibles sur des personnes, des entreprises ou des institutions portant atteinte aux intérêts de la société ou de l’environnement. Certains risquent de grincer des dents.