Le Centre Hospitalier de Château-Chinon va bénéficier d'un programme de rénovation au titre du Ségur de la Santé, mais les moyens humains sont manquants. Les médecins intérimaires en poste ne souhaitent pas voir leur rémunération baisser par l'application de "loi Rist", qui doit entrer en vigueur le 27 octobre.
La loi "Rist" vise à plafonner la rémunération des praticiens intérimaires. Elle doit entrer en vigueur le 27 octobre, et risque de paralyser certains établissements. Cela pourrait être le cas du Centre Hospitalier de Château-Chinon.
Deux tiers de salaire en moins, selon une généraliste
L'hôpital de Château-Chinon emploie actuellement 3 médecins intérimaires, dont Camille* (prénom d'emprunt), qui y assure régulièrement des remplacements, en tant que généraliste. Actuellement, elle est payée 50 euros nets de l'heure par l'établissement. Mais quand la nouvelle loi Rist entrera en application, son salaire pourrait être amputé des deux tiers, selon elle, à... 16 euros de l'heure ! Une baisse de rémunération drastique, pour le même travail, qu'elle refuse : "Pour moi, ce n'est pas acceptable en termes de responsabilité." Elle a décidé de ne plus accepter aucune vacation à l'hôpital de Château-Chinon, qui a pourtant bien besoin d'elle.
Il existerait bien une deuxième option, qui consisterait pour elle à passer désormais par une agence d'intérim, au lieu de postuler directement auprès de l'hôpital. Dans ce cas, le manque à gagner financier imposé par la loi Rist sur sa feuille de paye est moins important : seulement 30% de baisse, selon elle. Le recours à une agence d'intérim lui permettrait de conserver un salaire de 36 euros nets de l'heure, soit "seulement " 30% de baisse. Camille serait prête à accepter cette seconde option, moins défavorable, mais cette fois c'est l'hôpital qui bloque. En ayant recours à une agence d'intérim, l'hôpital doit payer des charges, qui renchérissent le coût global de la vacation.
L'objectif de la nouvelle loi Rist était de mettre un terme à l'inflation des salaires des intérimaires dans l'hôpital public. Dans certaines filières en tension, les rémunérations ont explosé, ces dernières années. Un anesthésiste-réanimateur, par exemple, peut négocier plusieurs milliers d'euros pour une seule journée d'intérim, tant la demande est importante. Le gouvernement veut donc mettre un terme à cette surenchère, mais le plafonnement tarifaire pourrait avoir de lourdes conséquences pour les hôpitaux situés dans des zones peu attractives : actuellement l'incitation financière est souvent le seul moyen d'attirer les praticiens dans les déserts médicaux.
Plusieurs services de l'hôpital menacés
À Château Chinon, le directeur de l'hôpital, Arnaud Bernard, se retrouve en première ligne : "On n'a plus de médecins fixes, on n'a que des intérimaires. À compter du 27 septembre, ces intérimaires nous ont signifié qu'ils ne viendraient plus, aux nouvelles conditions tarifaires. On a un ensemble de services qui ne peut plus fonctionner : le service de médecine, de soins de suite et de réhabilitation, les petites urgences et le long séjour. On essaie de réorienter vers d'autres établissements certains patients, mais pour les petites urgences, il faudra que les gens aillent vers leur médecin traitant ou sinon vers le 15."
La situation est particulièrement sensible, dans cette commune de moins de deux-mille habitants qui ne dispose plus d'aucun médecin généraliste en ville.
Chantal-Marie Malus, la mairesse (SE) de Château-Chinon, s'alarme également de la situation : "Notre centre hospitalier ne fonctionne qu'avec des intérimaires. Nous les payons aujourd'hui entre 590 et 650 euros pour une vacation de huit heures. Avec la loi Rist, nous devrons plafonner cette rémunération à 390 euros (une baisse de 66% minimum, NDLR). Les intérimaires que nous avons contactés ne reconduisent pas leur contrat [...] ils ont trouvé des postes dans le privé."
Devant l'urgence de la situation, la Maire de Château-Chinon a pris les devants : "Le danger, c'est de se retrouver avec un Centre Hospitalier où on est obligés de fermer certaines structures, faute de soignants."
Le premier ministre sensibilisé au problème
Mardi dernier, le premier Ministre Jean Castex en personne était en Bourgogne, pour présenter son plan d'investissement dans la région, dans le cadre du Ségur de la Santé.
A cette occasion, il a annoncé une enveloppe de 1,35 millions d'euros pour l'hôpital de Château-Chinon, afin de remettre aux normes le service des soins de suite et l'accueil en consultation. Mais Mme Malus a tenu à l'interpeler sur la question problématique des intérimaires.
Elle lui a réclamé : "Un accompagnement de sortie de cette loi, pour nous permettre d'avoir des médecins remplaçants et faire en sorte que notre hôpital tourne !" La réponse du premier Ministre aurait été plutôt rassurante : "Il m'a assuré que dans les jours qui viennent, il serait annoncé que la mise en œuvre de la loi Rist serait repoussée et que des mesures allaient être prises pour qu'il y ait des compensations pour les intérimaires."
Ludovic Debuire, secrétaire général du syndicat CFDT Santé-Sociaux de la Nièvre, craint que le mal ne soit fait et qu'il soit difficile de revenir en arrière : "Olivier Véran devrait faire une annonce sur l'application du décret. Malgré cela, les médecins ayant déjà quitté les établissements ne voudront sans doute pas les réintégrer. Il faut donc stopper en urgence cette fuite."
Camille, elle, attend de voir ce qu'on lui propose, pour décider si elle reviendra ou pas assurer des vacations de généraliste à l’hôpital de Château-Chinon.
Pour sa part, le Ministre Olivier Véran a annoncé jeudi 21 octobre que la réforme de l’intérim médicale se ferait plus progressivement. Dès le 27 octobre, des concertations vont être lancées dans les territoires afin d’identifier les zones fragiles qui utilisent ce dispositif et les accompagner dans la mise en place de cette réforme, l'analyse sera effectuée localement par les agences régionales de santé.
Rappel du cadre réglementaire
Premièrement, le décret N°2017-1605 du 24/11/2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé a été pris en application de l'article de la "loi Rist" et a imposé aux agences de travail temporaire de renseigner les établissements publics de santé sur les qualifications, l’autorisation d’exercice, l’aptitude, ainsi que le non-cumul d’activité des praticiens qu’elles mettent à leur disposition.
Deuxièmement, ce décret a plafonné depuis le 1er janvier 2018 le montant journalier des dépenses susceptibles d’être engagées par un praticien par un établissement public de santé au titre d’une mission de travail temporaire.
L'arrêté du 24/11/2017 fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire fixe à 1 170,04 euros le montant plafond pour une journée de 24 heures de travail effectif. Pour permettre une entrée en vigueur progressive de ce plafond, il a été majoré de 20 % pour l’année 2018 et de 10 % pour l’année 2019. Néanmoins, ce cadre réglementaire fixé reste très insuffisamment respecté et appliqué.
La Loi Rist remet en application le plafond strict de rémunération.