"On se voit mourir à petit feu" : dans la Nièvre, Varzy n'a plus de médecin généraliste

C'est un phénomène connu, mais qui laisse habitants et élu dans un désarroi profond : le manque de médecins dans les campagnes. A Varzy, la médecin généraliste est en arrêt maladie jusqu'à fin août.

Nous avons reçu le témoignage d'un habitant de Champlemy (Nièvre). C'est un retraité de 73 ans, qui nous a alerté sur le fait qu'il n'y avait plus de médecin-généraliste sur Champlemy-Varzy.

Je suis arrivé à 15h, je suis sorti à 22h30, pour une consultation, tellement il y avait de monde !

Serge

retraité à Champlemy

Serge (*)  nous a contacté pour nous faire part de la situation : "on n'a plus rien, j'habite à Champlemy, c'est un village de 250 habitants environ. La pharmacienne, elle essaie de nous dépanner, mais à un moment, il faut pouvoir consulter. J'ai été malade, je suis allé à l'hôpital à Clamecy, ils n'ont rien pu faire. J'ai appelé le 15 qui m'ont orienté vers la maison de santé à Nevers à 35 km, je suis arrivé à 15h, je suis sorti à 22h30, pour une consultation, tellement il y avait de monde !" 

Le fait de ne plus avoir de médecin-généraliste sur Champlemy-Varzy laisse dans les habitants dans la peur de ne plus avoir d'accès aux soins. Le retraité de Champlemy nuance : "moi, je peux me déplacer, j'ai ma voiture. Mais je suis plus qu'inquiet pour la suite ! Je suis allé demander à l'hôpital à Nevers comment on pouvait faire, on m'a dit on ne peut rien faire !"

Consulter ailleurs, mais où ?

Dans son voisinage, d'autres habitants sont aussi inquiets, pour pouvoir renouveler des ordonnances, ou simplement consulter. Serge est prêt à dépanner ses voisins : "Ah, s'il faut rendre service, c'est pas un problème, moi je peux aider ! Mais c'est pour aller où ? Avec un voisin, on s'est dit qu'on pouvait aller à Auxerre et essayer de trouver un médecin ! Partout ailleurs, on nous dit qu'ils ne prennent pas de patients supplémentaires."

Les consultations sont saturées par ailleurs, comme l'évoque Serge : "On avait à Clamecy une possibilité de consultation sans rendez-vous le samedi matin. Mais il faut partir d'ici à 5-6 heures du matin pour arriver le premier, car à midi c'est fermé !"

De façon similaire, les soins infirmiers commencent à être dans le rouge : "J'ai un voisin qui se fait soigner à domicile tous les jours, c'est une infirmière de Varzy qui vient. Elle l'a prévenu que bientôt elle ne pourra plus venir car elle a trop de patients."

Je me demande si je n'ai pas fait une bêtise de m'installer dans la Nièvre.

Serge

retraité à Champlemy

Au-delà du problème immédiat du manque de médecin, Serge réfléchit à plus long terme : "Je m'inquiète beaucoup. Depuis 2017 avec ma femme, on est sur la Nièvre, avant on était en région parisienne. Je commence à me poser la question si je n'ai pas fait une bêtise de m'installer ici. J'étais tellement heureux quand j'étais arrivé, la tranquillité, la qualité de vie, mais franchement depuis cette année, je me suis dit que j'ai peut-être fait une bêtise. Là on n'a plus rien. On avait une infirmière à Champlemy, elle est partie. Je me pose la question du déménagement, on a des bons amis, si je m'en vais c'est avec des grands regrets, mais c'est uniquement à cause de ce désert médical."

Serge reconnaît les efforts fournis par les communes, et les facilités mises en place : "Honnêtement, les maires de Varzy et Champlemy, ils font ce qu'ils peuvent. Mais c'est pas normal que des choses comme ça se produisent, nous, on se voit mourir à petit feu !"

En arrêt maladie jusqu'à fin août

Le seul praticien présent encore sur la commune de Varzy est une médecin-généraliste, qui est en arrêt maladie jusqu'à fin août. Gilles Noël, le maire (DVG) de Varzy décrit "une situation très inconfortable".

Dans ce contexte, le maire dépeint un tableau très sombre : "on a perdu 3 médecins sur 30 kilomètres alentour depuis novembre dernier : un départ en retraite à Tannay, une médecin à Corbigny qui est partie dans un salariat, et le médecin-généraliste de Varzy qui a divorcé et quitté la commune. "

Néanmoins, une forme de solidarité s'est créée entre les praticiens du secteur : "Heureusement que les collègues autour assurent une période de transition, on ne sait pas jusqu'à quand, heureusement qu'ils assurent cette solidarité entre eux : Châteauneuf-Val-de-Bargis, Entrains, Clamecy, et on espère que Prémery, qui va bientôt récupérer un médecin étranger, nous aidera aussi par rapport à ça, mais ça ne suffit pas. On a un accord avec le centre hospitalier de Clamecy et les urgences de monter avec l'Agence Régionale de Santé un dispositif temporaire avec une infirmière en pratique avancée et avec un médecin de Clamecy, et qui accepte de venir une demi-journée et d'être en supervision avec les autres."

Dans un avenir immédiat, le maire de Varzy s'inquiète de la résistance que va pouvoir offrir l'hôpital de Clamecy, établissement de soins d'urgences le plus proche : "Vous voyez avec l'été, et les urgences à Clamecy qui sont comme les autres, sur lesquelles on risque d'avoir des fermetures, soit des heures de fermeture, soit des jours de fermeture, on est dans une situation plus qu'inconfortable. Sachant que nous sommes l'antépénultième département de France et d'Outre-Mer où l'espérance de vie est la plus faible : la moyenne d'espérance de vie d'un Nivernais est de 4 ans inférieure à l'espérance de vie d'un urbain."

Gilles Noël est aussi président de la commission 'Santé' de l'Association des maires ruraux de France. Il va intervenir au congrès de l'association MG France (syndicat de Médecins généralistes) qui se tient à Dijon les jours prochains. Il compte bien faire état de son désarroi et "faire bouger les lignes, sur l'installation, les conditions d'accompagnement des nouveaux qui deviennent les futurs médecins, c'est un cri d'alarme."

Le seul levier activable dans l'immédiat, selon le maire de Varzy, serait le recours aux maisons de santé, et au salariat des médecins : "Le salariat des médecins-généralistes, cela reste la seule ressource que les conseils départementaux peuvent mettre en œuvre. "

La collectivité est assaillie par un sentiment d'abandon, un sentiment d'inégalité car on habite ici.

Gilles Noël

Maire de Varzy

Malgré le contexte difficile, le maire détaille l'ensemble des équipements dont il dispose sur sa commune : "Il nous reste un kiné, un cabinet d'infirmiers, un ostéopathe, des rendez-vous spécialisés (sage-femme...) , un CMP (centre-médico-psychologique), une pharmacie, une caserne de sapeurs-pompiers, et une VSL ambulance sur place, et à 15 kilomètres un centre hospitalier de proximité avec un service d'urgence et un SMUR. Et à Varzy, on a un héliport permanent, le terrain de foot permet d'accueillir un hélicoptère !"

Mais dans l'immédiat, le maire est dans une impasse : "c'est intenable ! On est dans une situation qui est étranglante pour les concitoyens, pour les professionnels de santé, l'infirmière ne peut pas travailler sans ordonnance, la pharmacie non plus, une situation étranglante pour la collectivité."

Envisager des solutions pérennes

Gilles Noël se démène pour la suite, si aucune solution n'apparaît maintenant, le maire tente de regarder dans un avenir plus lointain : "J'ai fait venir un représentant du syndicat ANEMF (Association Nationale des Etudiants en Médecine de France) pour qu'on voit ensemble ce qu'on peut faire pour contribuer à l'accueil de futurs professionnels de santé, en réunissant les conditions de la réussite : on accompagne, le logement, le déplacement, l'attractivité du territoire, la dynamique sportive et culturelle, écoles, crèches, afin de faire venir quelqu'un pour faire un stage, d'y faire des rencontres, et de trouver une vie sociale qui fasse qu'ils décident de s'installer dans ce milieu social nivernais."

Pour l'instant le maire est dans l'échec : "je n'arrive pas à court terme à trouver de solution. J'ai insisté pour que la pharmacienne puisse disposer d'une cabine de téléconsultation, ce qui permettrait de renouveler les ordonnances. Mais en faisant des consultations avec un médecin qui soit dans la proximité."

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