"Plus belle la vie" tire sa révérence le 18 novembre prochain, mais jeudi soir, c'était déjà la fin du tournage à Marseille. L'acteur bourguignon Jérôme Bertin, alias le commissaire Nebout, nous raconte l'émotion de ses dernières scènes.
La série culte de France 3 ne donnera bientôt plus rendez-vous aux Français. Après 18 saisons et plus de 4 500 épisodes, les ultimes scènes de "Plus belle la vie" ont été filmées jeudi 29 septembre à Marseille. Jérôme Bertin, l'acteur derrière le commissaire Patrick Nebout, que nous avions rencontré en mai dernier dans sa propriété de la Nièvre, a entendu "moteur" pour la dernière fois sur le plateau de tournage historique de la Belle-de-Mai, où se trouve le bar culte du Mistral. Nous avons recueilli sa réaction, au lendemain de la "der des der" du feuilleton.
Comment s'est passée la fin du tournage ?
Jérôme Bertin : Il y avait énormément de tristesse pour chacun de nous. Hier, ce n'était plus la place du Mistral, c'était la plage du Mistral : on a tous chialé. J'y ai tourné le matin pour la dernière scène de Laurie Bordesoules, celle qui joue ma fille, Émilie, avec qui j'ai eu beaucoup de choses à jouer depuis qu'elle est arrivée dans la série. Donc il y a eu des larmes. J'ai dit un mot avant de partir tourner en extérieur pour les dernières scènes. Ça a été fort ! Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai même embrassé le sol du Mistral, j'ai dû me prendre pour le Pape...
La dernière intrigue va encore mettre à rude épreuve Nebout, parce que la chose la plus précieuse qu'il a dans sa vie, c'est sa famille, et elle est particulièrement menacée… Enfin, sans spoiler, c'est une intrigue qui mêle à la fois le policier, le familial, et le Mistral.
D'ailleurs, pour le moment, le décor du Mistral est maintenu, ainsi que le commissariat, mais tout le reste est en train d'être démonté. C'est horrible. Hier soir, on a quand même fait la fête sur le plateau du Mistral. C'était extraordinaire : on a dansé jusqu'à pas d'heure, sur le bar de Roland... C'était noir de monde, et il n'y avait pas que les acteurs. C'est la force de "Plus belle la vie" : machino, électro, cadreur… Tout le monde était là.
En fait, ce que j'ai vécu à "Plus belle la vie", et je parle aussi pour mes collègues, on ne l'a jamais vécu sur aucun autre plateau avant. Le tournage a commencé il y a 18 ans, il s'est terminé hier, et chaque semaine on a tourné. J'ai plus vu les gens de "Plus belle la vie" que ma fille pendant 10 ans, on a créé des liens très forts. Moi à chaque fois que je pense à l'appartement de Nebout, je suis saisi d'émotion, parce que ça a été ma maison, j'y ai vécu un certain nombre de choses très très fortes là-bas, même si c'est du jeu. C'est notre maison, on est une famille, donc on va organiser des cousinades.
Quel bilan tirez-vous de ces 9 ans de "Plus belle la vie" ?
J.B : Je crois qu'on est tous très fiers d'avoir fait ce qu'on a fait. Avec toute la prétention du monde, on pense qu'on a changé des choses. Dans la télévision, mais aussi dans la vie des gens, du moins ce sont les retours qu'on a eus. Sur l'homophobie, s'il y a un programme qui a fait changer le regard des Français, c'est clairement "Plus belle la vie", plus que n'importe quel autre film ou programme gouvernemental. Je sais que quand j'ai fait l'intrigue où je me faisais violer, j'ai reçu des messages de femmes qui s'étaient identifiées à ce personnage masculin (ce qui est formidable) et qui ont ensuite porté plainte. J'ai encore reçu il y a cinq jours le témoignage d'un homme qui a été violé, qui n'en avait jamais parlé de sa vie, et qui a décidé d'en parler à sa femme. Les gens sont tristes parce qu'ils nous disent qu'ils regardent "Plus belle la vie" avec leurs enfants, et ça leur permet de parler de tous les sujets de société avec eux : le harcèlement, la mort, Alzheimer… On a fait bouger les lignes. Avant "Plus belle la vie", il n'y avait pas de feuilleton quotidien en France, et depuis il y en a quatre. Enfin, plus que trois.
Qu'est-ce qui vous attend désormais ?
C'est le grand saut dans le vide, même si j'ai un tournage en novembre-décembre. Je garde toujours un petit espoir que ça reparte. Vous savez, l'image de "Plus belle la vie" a beaucoup changé, il suffit de voir l'intérêt médiatique qu'il y a autour de la fin de la série. Télérama a écrit un article plutôt favorable, Society a fait sa Une dessus en disait que c'était une série culte, le Washington Post en a parlé, donc il y a une espèce de retournement d'image. On verra bien si ça nous est profitable.
Avant, on entendait surtout les extrêmes : ceux qui détestent, ou ceux qui aiment trop. Là, on a toute la majorité silencieuse qui parle. On est assaillis, chacun de nous, de centaines de messages chaque jour de gens qui nous disent à quel point on a été important pour eux. Je me dis que quand vous avez un tel public, comment un diffuseur, ou une plateforme peut passer à côté de ça ? Parce que ça pourrait tout à fait être Amazon, ou Netflix par exemple. Ils n'ont pas ce type de produit en plus, qui est très fidélisant. Ça pourrait être une première française.
Moi, si "Plus belle la vie" repart, bien sûr que je repars ! Bon, en attendant, chez moi dans la Nièvre, j'ai encore 4 000 arbres à planter. Je suis très impliqué dans la préservation de l'environnement, j'en ai déjà planté plus de 300. Heureusement que j'ai ça d'ailleurs.
Comment appréhendez-vous la diffusion du dernier épisode, qui aura lieu le 18 novembre ?
Pour nous, l'aventure s'est terminée hier. Je suis curieux quand même d'avoir les retours sur le dernier épisode. On va entretenir jusqu'au bout cette relation, avec Stéphane Henon (qui joue le policier Jean-Paul Boher, ndlr.) on est en train de se demander si on ne va pas faire quelque chose en direct tous les soirs sur Instagram.
Si vous regardez nos réseaux sociaux, on partage déjà en ce moment beaucoup de choses en direct, beaucoup de coulisses, parce que les fans nous l'ont demandé. Jusque-là on était un peu tenus par un secret de fabrication, mais là il n'y en a plus. On doit tout aux fans, on n'existe pas sans le public, et il est toujours là. Donc c'est normal de faire ça pour eux.
France Télévisions a décidé en mai dernier d'arrêter l'émission diffusée depuis 2004 sur France 3. Vendredi 30 septembre, sa directrice Delphine Ernotte Cunci a rendu hommage aux équipes de la série, "les piliers d’une des plus grandes et des plus belles aventures de la télévision française".