Au 15 septembre, les personnels des établissements de santé doivent avoir reçu au moins une dose de vaccin covid-19 ou détenir un pass sanitaire. La non vaccination des soignants va compliquer la tâche des hôpitaux.
7200 agents travaillent au CHU de Besançon dans le Doubs. Combien d’entre eux auront le 15 septembre le pass sanitaire à présenter à leur direction ? À cette question, les syndicats sont encore dans l’inconnu. “Au 9 septembre, la direction nous a annoncé que 29% des agents du CHU n’avaient pas présenté de pass sanitaire” explique Marc Paulin, délégué SUD. Soit 1600 personnes. Le syndicaliste s’attend à des suspensions de personnels qui n’auront pas adhéré à la vaccination.
Les conséquences seront graves pour les collègues qui ne se font pas vacciner. Non vacciné, ça veut dire avoir à changer de travail. Nous, ça nous désole, car ces personnels ont fait leur travail pendant des années
Marc Paulin, délégué Sud CHU Besançon
Suspension des soignants, sans aucun salaire pour vivre
Marc Paulin redoute le couperet qui tombera pour les personnels non vaccinés. “Pas de salaire, pas de possibilité d’exercer le métier ailleurs, on ne peut plus être soignant” déplore le militant syndical. Il redoute les conséquences pour le CHU toujours sous tension du fait de la crise sanitaire. “On est en train de battre des records d’absentéisme, on était à 10% en 2020, là ça s’est amplifié. Il y a eu des départs en nombre important et des recrutements pas à la hauteur en nombre. Au CHU, on tourne au minimum des effectifs comme dans toutes les structures de santé. Chaque salarié qui sera suspendu, cela va compliquer la tâche, alors on demande un report” lance Marc Paulin à quelques heures de l’échéance du 15 septembre.
Le plan blanc à nouveau déclenché pour faire face ?
Comment remplacer les soignants qui seront suspendus ? Marc Paulin redoute que le CHU de Besançon n’enclenche à nouveau un plan blanc pour rappeler les salariés en RTT ou en congés afin d’assurer la continuité des soins. Un comble alors que la situation sanitaire s’est grandement amélioré dans le Doubs.
Dans le Doubs, Valérie* ne se fera pas vacciner, sa décision est prise
Aide-soignante dans une maison d'accueil spécialisée du Doubs, cette mère de famille fait partie de ceux qui ne souhaite pas se faire vacciner. “Le vaccin, on ne le connaît pas assez. J’ai peur pour ma santé. Les autres vaccins, je les ai tous faits" confie-t-elle. Pour l’instant, Valérie* dispose d’un pass sanitaire, protégée par l’immunité acquise après avoir contracté le covid.
Je ne sais pas combien de temps cela va me permettre de travailler. Ma décision est prise, la vaccination si on me la demande, je ne la ferai pas. C’est une décision mûrement réfléchie. Quitte à perdre mon travail
Valérie*, aide-soignante
Opposée à cette vaccination contrainte, cette mère de deux grands enfants s’interroge sur la suite. Elle espère encore pouvoir toucher un minimum de salaire, quitte à être transférée sur un autre poste dans l’établissement. “Si je suis suspendue, j’ai deux jeunes, au lycée et à l’université. Je ne sais pas comment je ferai pour vivre. Ça me réveille toutes les nuits”. Ce métier de soignant, elle l’exerce depuis près de 30 ans.
Soignants non vaccinés, “la chasse aux sorcières” dénonce un syndicaliste du Jura
À Saint-Claude dans le Jura, Farid Lagha est élu CGT. Dans son établissement, 97% des agents ont le pass sanitaire. Un chiffre qui sera sans doute envié par d’autres établissements de santé. Mais pour l’élu, ce fort taux de vaccination résulte d’une pression exercée depuis des semaines sur les salariés. “Tous les jours, ils venaient voir qui avait le pass sanitaire. C’est la chasse aux sorcières, et au bout d’un moment ça fonctionne” déplore l’élu. “Ils nous tiennent à la gorge, ils nous disent qu’ils vont suspendre les gens, sans les licencier. Alors certains vont se faire mettre en arrêt maladie” lance Farid Lagha. "Le refus de se vacciner ne donnera lieu à aucun arrêt maladie", a averti le ministre de la Santé, Olivier Véran, promettant "des contrôles systématiques" pour "toute prescription jugée suspecte".
Comment seront remplacés les soignants suspendus ?
Dans cet hôpital du Haut-Jura, l’élu CGT s’interroge sur l’appel à l’intérim auquel la direction souhaite selon lui faire appel pour remplacer les absents. “Il y a un manque de professionnels de santé sur notre territoire, alors on va se retrouver avec un manque sur la qualité des soins, et ce sont les patients qui vont trinquer” estime le syndicaliste.
À deux pas de la Suisse, qui attire les soignants frontaliers, comment vont faire hôpitaux et Ehpad ? “Parmi les personnels qui refusent de se faire vacciner, j’ai rencontré des infirmiers qui me disent aimer leur métier, mais qui me disent qu’en raison du vaccin, ils sont prêts à l’abandonner. Ce métier manque déjà de personnel, et on ne nous aide pas” affirme Farid Lagha.
À l’hôpital de Trévenans près de Belfort, une centaine d’agents ne sont pas vaccinés
À deux jours de l’obligation vaccinale, l’HNFC n’a pas un effectif complètement vacciné. 12 soignants dont 6 infirmières et 6 aides-soignantes ne sont pas encore vaccinées. L’hôpital espère encore pouvoir les convaincre. À défaut, il sera contraint de prononcer des suspensions. Pour celles qui sont sur le point de se faire vacciner, mais qui n’ont pas un schéma vaccinal encore complet, la direction de l’hôpital annonce qu’elle fera preuve de souplesse.
"Nous ne reculerons pas", a prévenu le Premier ministre, Jean Castex
Le gouvernement, deux mois après avoir imposé cette obligation pour les soignants, campe sur cette ligne. "Nous ne reculerons pas", a prévenu le Premier ministre, Jean Castex, fin août.
Selon le dernier bilan de Santé publique France, au 7 septembre, un peu plus de 88% des soignants avaient reçu au moins une dose dans les hôpitaux et les Ehpad, près de 94% parmi les libéraux.
Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a mis en garde contre une possible "catastrophe sanitaire". Son syndicat appelle d'ailleurs à manifester mardi 14 septembre contre l'obligation vaccinale et les sanctions qui s'appliqueront dès le lendemain.
FO-Santé réclame pour sa part au gouvernement "un délai supplémentaire" afin de désamorcer "des situations ingérables" dans certains hôpitaux, où "des fermetures de services et de lits sont envisagées" en raison du nombre insuffisant d'agents vaccinés.