Marie-Guite Dufay, 72 ans, actuelle présidente de la région Bourgogne - Franche-Comté repart pour un nouveau scrutin régional. Pourquoi elle ? Et surtout qui d'autre aurait pu se lancer dans cette bataille ? Analyse d'une situation complexe pour le groupe majoritaire et la gauche.
Elle le dit elle-même : quand un obstacle lui résiste, elle ne l'affronte pas de face, mais, elle le "grignote comme une petite souris". Une persévérance qui, jusqu'à maintenant, lui a réussi.
Un groupe majoritaire divisé et une gauche atomisée expliquent la candidature de Marie-Guite Dufay. Elle est élue en 2004 en Franche-Comté sur la liste de Raymond Forni qui la nomme 1ère vice-présidente. Etonnant parcours pour celle qui est entrée au conseil régional en bénéficiant de la loi sur la parité, qui a assumé l'intérim de la présidence après le décès de Raymond Forni en 2008, qui s'est imposée dans le groupe majoritaire de gauche et a su conserver la région en 2010 et qui a conquis la grande région en 2015.
Un groupe majoritaire éparpillé
Si la majorité avait été homogène, peut-être qu'un prétendant aurait pu émerger des 51 conseillers régionaux. Ce n'est pas du tout le cas.
Enlevons déjà les deux PRG intégrés à la liste de départ, en 2015, et qui ne peuvent pas "faire une synthèse" sur leurs noms, il reste donc les 49 autres membres.
En 5 années et demi, depuis leur élection, les membres de la majorité ont pris des directions politiques bien différentes puisque on compte dans ce groupe, des socialistes, des Mélenchonistes, des Hamonistes et même des Marcheurs... Sans oublier des "Divers Gauche". Difficile dans ce cas d'acquérir une reconnaissance de l'entier du groupe. Certains noms ont circulé pour prendre la tête d'une liste pour le scrutin régional qui, malgré l'épidémie, s'annonçait.
On a parlé du socialiste Jérôme Durain, président justement du groupe majoritaire et sénateur PS de Saône-et-Loire... On en a parlé puis on en a plus entendu parlé... Peut-être parce que, à moment donné, ce Montebourgeois historique a préféré ne pas persévérer puisque s'annonçait... Arnaud Montebourg lui-même. Oui, le politique qui produit maintenant du miel, des amandes et des glaces. Arnaud Montebourg était bien intéressé par la présidence mais... de la République Française, pas du conseil régional BFC. Donc, plus d'hypothèse Montebourg. Pas de Durain, pas de Montebourg... La solution Dufay s'impose.
Marie-Guite Dufay a toujours su "donner du temps au temps", vieille maxime miterrandienne. La légitimité, finalement, c'est elle, d'abord et surtout elle... Après les deux années d'intérim suite au décès de Raymond Forni, elle a gagné les élections régionales en 2010 puis en 2015 dans la région Bourgogne - Franche-Comté. Elle a, non seulement, gagné les élections mais aussi sa légitimité. A chaque fois, elle a remporté le scrutin dans une triangulaire gauche, droite et extrême-droite. Et la voilà, en 2021, seul recours. Comme une évidence pour son camp.
Les partis politiques discrédités, la gauche atomisée
Si les partis politiques, et notamment le PS, avaient encore un peu de poids, les choses ne se seraient peut-être pas passées de cette manière. Si le PS avait été en ordre de marche, la relève aurait peut-être été assurée mais les partis sont discrédités, inefficaces, morts. Complètement hors jeu. L'élection d'Emmanuel Macron a rebattu les cartes de l'échiquier français. Sans parti ou presque, sans aucun mandat préalable, il est élu à l'Elysée. Il lamine les deux formations historiques : Les Républicains, à droite, bien aidé malgré lui par François Fillon, et le Parti Socialiste, longtemps hégémonique à gauche, qui a présenté Benoît Hamon qui s'est empressé, l'élection perdue lamentablement, de quitter son parti et de créér le sien...
Preuve que les partis n'existent plus : ils se multiplient. La gauche, les gauches, de gouvernement, radicales, écologistes, sociales, démocratiques... Des sigles apparaissent, se ressemblent, essayent de se faire une place. Constituent des listes pour les élections régionales.
Rendez-vous le dimanche 20 juin
Pour la majorité sortante, Marie-Guite Dufay repart. Est-ce une véritable solution ou un choix par défaut, comme si elle était le plus petit dénominateur pour ceux qui restent autour d'elle.
Ses atouts : sa légitimité et la "prime au sortant". La "prime au sortant", c'est "on sait ce qu'on perd, on ne sait pas ce qu'on gagne" pour le dire familièrement. Au moins, elle est identifiée comme présidente de la Bourgogne - Franche-Comté, elle a sa notoriété. Même si un sondage Opinion Way parut fin janvier de cette année modère ce critère. Marie-Guite Dufay est la présidente d'un conseil régional qui recueille le moins d'opinions favorables sur son action à la tête de la région : 62 %. C'est la dernière de ce sondage sur les 12 régions françaises.
Mais les circonstances plaident pour elle : à cause des mesures sanitaires, pas de campagne ou si peu, certainement peu de participation donc une "prime au sortant" renforcée. Seuls voteront les fans de la politique, ceux qui ont déjà leur idée sur la question publique.
Dans l’interview qu’elle a accordée à France 3, elle le dit clairement : elle veut rassembler la gauche au second tour. Toute la gauche, c’est-à-dire le Pôle Ecologiste mené par Stéphanie Modde et la liste « Le Temps des Cerises » conduite par Bastien Faudot de GRS. Si ces alliances ont lieu, seront-elles suffisantes ? On sait une chose : vu le mandat qui s'achève, c'est la seule qui peut rassembler la gauche la plus large possible. Et gouverner avec des conseillers régionaux qui ne sont pas forcément tous du même avis, elle sait faire !
Elle se montre très critique envers Emmanuel Macron et l’action du gouvernement. Elle ne veut pas gouverner « au centre ». Mais pourra-t-elle se passer des voix de La République en Marche ?
Elle l’a dit et répété : elle veut, une nouvelle fois, empêcher l’extrême droite de conquérir la région.
Cette fois-ci, même sortante, même connue, même avec la prime au sortant, même avec des alliances, le pourra-t-elle ?