Saint-Claude : Pourquoi la fonderie MBF, menacée de disparition, est devenue un enjeu électoral

Depuis plusieurs semaines, l’entreprise MBF a droit à de nombreuses visites de la part de personnalités politiques. L'entreprise du Haut-Jura placée en redressement judiciaire et menacée de disparition avec ses 270 salariés, est devenue bien malgré elle un enjeu de campagne.

Les visites se succèdent à la fonderie MBF de Saint-Claude. C’est devenu le dernier endroit à la mode où il faut être vu !
Si la situation n’était pas si tendue, Nail Yalcin, le délégué CGT, s’en amuserait presque : « C’est la première chose que j’ai dite aux salariés, au tout début de la mobilisation. Les élections régionales et départementales, c’est en juin. La présidentielle l’an prochain, c’est la période propice pour commencer une bataille. »

La bataille a commencé il y a deux mois, le 31 mars dernier. Deux mois de grève pour certains salariés, une grève de la faim pour 4 d’entre eux durant plusieurs jours et cette menace de faire exploser four et machines avec des bonbonnes de gaz entreposées à l’intérieur.

MBF, une usine, un territoire

Ces dernières années, Saint-Claude a vu ses usines réduire drastiquement leurs personnels voire pour certaines fermer. La ville a perdu 2 000 habitants en 10 ans.
A la mairie, ce sont succédés, le communiste Francis Lahaut, puis le droitier, Jean-Louis Millet, puis à nouveau Francis Lahaut, et Jean-Louis Millet, qui a été réélu l’an dernier.
Ni l’un, ni l’autre n’ont pu enrayer ce déclin économique et démographique. L’entreprise MBF a été placée en redressement judiciaire en novembre 2020. Elle emploie encore 270 salariés. Alors, ces trois lettres, c’est davantage qu’une entreprise. C’est devenu un symbole.

Un symbole de l’industrie qui ne veut pas mourir, qui est étranglée par ses donneurs d’ordre, PSA et Renault, qui a bien du mal à se moderniser. Un peu comme ce territoire de montagne qui veut vivre, malgré tout. Eloigné de la ville préfecture, Lons-le-Saunier, ce secteur géographique voit ses services publics se raréfier, notamment son hôpital menacé depuis des années et pour lequel maires communiste et de droite se retrouvent coude à coude.
 

MBF : l’endroit où il faut être vu

En deux mois, de nombreuses personnalités sont montées jusque dans le Haut-Jura, dans cette vallée de Saint-Claude, l’une des plus industrialisées de la région et aujourd’hui l’une des plus sinistrées.
Philippe Martinez, le numéro 1 de la CGT a ouvert le bal en participant à la grande journée de mobilisation le 17 avril.

Denis Thuriot, à la tête de la liste LREM-MoDem pour les élections  régionales, est venu le 27 mai. Fabien Roussel, le patron du PCF, le 31 mai. Des représentants écologistes le 1er juin (mais sans leur tête de liste pour les régionales, Stéphanie Modde, pour le moment blessée suite à une chute à vélo).

Jeudi3 juin, C'est Julien Odoul, la tête de liste Rassemblement National pour les régional, qui fera le déplacement dans la capitale du Haut-Jura.

Jean-Marie Sermier, député du Jura et tête de liste départementales pour la liste de Droite et du centre de Gilles Platret, assure qu’il a prévu de venir à Saint-Claude avec la tête de liste régionale. Décidément, Saint-Claude n’a jamais autant reçu de visites…

MBF, un dossier très politique 

Et la présidente sortante du conseil régional, la socialiste Marie-Guite Dufay ? Elle agit et elle communique beaucoup. Beaucoup trop selon Jean-Marie Sermier qui juge son action « électoraliste ». Elle a alerté le président de la République lors de sa venue à Nevers sur la situation de MBF, elle a fait voter une aide de 500 000 euros pour que les salariés de MBF touchent leurs salaires d’avril, elle propose un partenariat public-privé pour sauver l’entreprise avec la région qui entrerait au capital.

Le conseiller régional socialiste jurassien, Willy Bourgeois, défend  « sa patronne » : « Marie-Guite s’occupe de ce dossier depuis des mois. Elle reste très active, comme pour Jacob-Delafon à Dole, pour aider à la reprise. Il faut vraiment sauver MBF et ce territoire qui en dépend. Entrer dans le capital, c’est rassurer les investisseur et faire levier pour davantage de fonds… ». En revanche, l’élu, présent sur la liste de Marie-Guite Dufay pour une éventuelle réélection, tacle ses opposants politiques : « On n’a pas beaucoup vu ni Marie-Christine Dalloz, députée LR du secteur, ni Jean-Marie Sermier, l’autre député LR du Jura. Et le RN, n’en parlons pas… C’est facile pour les Républicains de donner des leçons de bonne conduite. »

Jean-Marie Sermier affirme qu’une visite san-claudienne est prévue avec sa tête de liste régionale, Gilles Platret. Mais il tient à souligner : « Quand je vois Fabien Roussel, député communiste, à Saint-Claude, je ne trouve pas l’attitude cohérente : à l’Assemblée Nationale, le PCF a voté pour l’environnement contre l’industrie, comme les écologistes. Après, il ne faut pas s’étonner des conséquences… On n’a pas de leçon à recevoir.»

Même incohérence des communistes relevée par  Marie-Christine Dalloz, la députée LR du Haut-Jura, qui dit aussi être intervenue à l’Assemblée Nationale, dès le mois d’octobre, sur la situation de l’industrie. Elle affirme avoir travaillé sur le dossier de la filière automobile et des fonderies sous-traitantes. Elle a écrit, dit-elle, deux fois à Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie. Marie-Christine Dalloz poursuit : « J’ai rencontré à deux reprises les salariés de MBF, dont une entrevue qui a duré une heure et demi, la veille de la mobilisation d’avril. J’avais déjà une obligation au parlement européen, je ne pouvais donc pas assister au rassemblement à Saint-Claude. »

L’Etat a bien donné de l’argent public aux constructeurs automobiles comme PSA et Renault, il faut qu’ils exigent maintenant des contreparties.

Nail Yalcin, délégué syndical MBF

Pour le délégué syndical Nail Yalcin, Marie-Christine Dalloz aurait dû en faire davantage : « Elle n’est venue nous voir qu’une seule fois en deux mois, depuis qu’on est en grève. C’est insuffisant. »

Ne trouve-t-il pas le défilé de personnalités suspect à quelques semaines des élections ? « Non, on ne va pas exclure des aides, de tous bords politiques, excepté le Rassemblement National. Les élections donnent une ampleur médiatique et politique au dossier MBF. »

Lors de la visite d’Emmanuel Macron à Nevers, il a apprécié de pouvoir rencontrer un conseiller du président de la République. Nail Yalcin continue : « Bruno Le Maire, Agnès Panier-Runacher, Jean Castex, Emmanuel Macron, c’est eux qui ont peut-être des solutions. L’Etat a bien donné de l’argent public aux constructeurs automobiles comme PSA et Renault, il faut qu’ils exigent maintenant des contreparties. » Le responsable CGT ajoute : « Denis Thuriot, tête de liste LREM-Modem pour ces régionales, s’est présenté comme « porte-parole » d’Emmanuel Macron. Il nous a apporté le soutien du chef de l’Etat… »

Ne craint-il pas uniquement des positionnements de circonstances, en vue des élections ? « J’espère pas ! Quelqu’un comme Marie-Guite Dufay, ça fait un moment qu’on discute avec elle. C’est son rôle de présidente de la région. Nous, ça nous va, ces politiques qui s’occupent du dossier. De toute façon, on leur rappellera, le moment venu, si besoin… »

Prochainement à MBF, une autre personnalité politique nationale pourrait faire le déplacement, un certain Jean-Luc Mélenchon. Il faut dire que, lui, il a des attaches jurassiennes et sait situer Saint-Claude sur une carte.

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