Le village de Sermesse, en Saône-et-Loire, est la première commune de France à adhérer à l'application "Je préviens", lancée en octobre 2023 pour renforcer la sécurité entre habitants. Mais les forces de l'ordre sont sceptiques sur cette démarche.
Sermesse, 245 habitants, près de Verdun-sur-le-Doubs (Saône-et-Loire). La municipalité est la première en France à avoir signé un partenariat avec l'application "Je préviens", qui se veut une réponse face aux inquiétudes liées à la criminalité, aux véhicules suspects, aux intrusions et aux alarmes déclenchées.
Comment ça marche ?
"Je préviens" a été lancée par Hervé*, un habitant de la métropole nantaise, après avoir constaté une recrudescence des cambriolages en été. "Et particulièrement en août 2023. La gendarmerie s'était vite retrouvée débordée", se souvient-il.
Afin de lutter contre ce banditisme, de nombreux habitants décident de créer des groupes Facebook pour dénoncer ces chapardeurs en publiant leurs photos. "Mais la méthode reste cependant illégale", explique Hervé. En effet, au regard de l'article 226-1 du Code pénal, afficher le visage d'une personne, même ayant commis un vol, constitue un délit et sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
Pour s'éviter ces ennuis, Hervé a donc eu l'idée de créer "Je préviens" en octobre 2023. L'application est composée de huit rubriques : vol à l'étalage, vol-dégradation, agression, effraction, rôdeur, démarchage à domicile douteux, alarme déclenchée et voiture suspecte. L'utilisateur peut ensuite lancer une alerte avec des commentaires. Le tout géolocalisé. Le commentaire aussi peut être accompagné de photos et de vidéos. "Les visages sont floutés par une intelligence artificielle", notifie Hervé.
Sermesse
Comment "Je préviens" est-elle arrivée en Saône-et-Loire ? Grâce à la rencontre sur un groupe Facebook entre le fondateur de l'application et un élu de la commune, Roméo Roy, également développeur. Ensemble, ils élaborent l'application en quelques mois. "Maintenant, elle compte près de 2000 utilisateurs", se félicite le fondateur.
Selon eux, l'application est nécessaire. "Je me rends compte de ce qu'il se passe autour de chez moi. Par exemple, un riverain de mon village s'est fait voler une marchandise. On a été plus vigilant après. Grâce à '"Je Préviens", peut-être que des gens ont des informations et peuvent les partager sur l'application", raconte Hervé.
Pour améliorer leur projet, les deux développeurs travaillent conjointement avec la gendarmerie de leur commune respective. "Ça nous permet de voir quel point nous devons corriger, voire ajouter", livre Roméo Roy.
"Il peut y avoir tout et n'importe quoi"
Cette nouvelle application peut être un outil intéressant et supplémentaire, estime Cédric Bovrisse, membre du syndicat de police Alliance à Dijon. Mais il émet certaines réserves. "Ce qui m'embête, c'est que l'information n'est pas forcément vérifiée. Il peut y avoir tout et n'importe quoi. Par exemple, un riverain en colère qui dénonce son voisin pour un stationnement gênant. Attention à la délation", souligne-t-il.
Autre point, Cédric Bovrisse explique que le temps que la personne prenne une éventuelle photo et écrive le commentaire "peut nous faire perdre du temps si on doit intervenir". Et il rappelle :
"Le premier réflexe, c'est d'appeler la police ou la gendarmerie"
Cédric Bovrissesyndicat de police Alliance
Roméo Roy, le conseiller municipal de Sermesse, reconnaît lui aussi qu'il existe encore quelques failles. Mais pas de quoi le décourager. "Nous n'avons pas vocation à remplacer les forces de l'ordre, mais certains d'entre eux me disent que ça peut marcher. Tout le monde a besoin de savoir ce qu'il se passe autour de chez lui", insiste le développeur.
*Le fondateur souhaite rester anonyme.