ENTRETIEN. Le week-end du 11 au 12 mars, les surveillants pénitentiaires de la prison de Varennes-le-Grand ont intercepté un drone qui allait livrer des colis à des détenus. C'est la troisième fois que cela se produit dans ce centre pénitentiaire de Saône-et-Loire.
En 2022, l'administration pénitentiaire a comptabilisé 68 survols des prisons par des drones. Près de la moitié d'entre eux transportait des produits illicites (drogue, armes...) destinés aux prisonniers. Dernier exemple en date cette année : à Varennes-le-Grand, près de Chalon-sur-Saône. Dans la nuit de samedi 11 à dimanche 12 mars, un drone transportant trois téléphones a été intercepté alors qu'il venait de déposer ses colis. Entretien avec Romain Bernier, surveillant-brigadier pénitentiaire à Varennes-le-Grand, et secrétaire local du syndicat UFAP-UNSA Justice.
Que s'est-il passé ce week-end ?
Romain Bernier : "Dans la nuit de samedi à dimanche, vers minuit, des collègues ont été alertés par un bruit d'hélices et ont immédiatement eu le réflexe de regarder la vidéosurveillance. Ils ont identifié un drone. Ils sont intervenus très rapidement et ont réussi à intercepter les colis que ce drone venait de déposer aux abords d'un des bâtiments de détention."
"Le drone avait des colis accrochés à des ficelles, et est venu les déposer aux abords des bâtiments, pour que le détenu, aux abords de sa fenêtre, arrive à faire un grappin avec, par exemple, une fourchette, pour remonter le colis en détention."
Que contenaient ces colis ?
Romain Bernier : "Il y avait trois téléphones portables dans trois colis. Il n'y a pas longtemps, on a trouvé de la drogue, des téléphones portables et une console de jeux portative.
À quoi peuvent servir les téléphones en prison ?
Romain Bernier : "Les téléphones permettent de communiquer avec l'extérieur sans aucun contrôle de l'administration. Quelqu'un qui gère un trafic de drogue peut continuer à le gérer en appelant ses contacts à l'extérieur."
"Une personne détenue qui a interdiction de communiquer avec l'une de ses victimes peut très bien, grâce à un téléphone portable, continuer de harceler la victime."
"C'est pour cela qu'en prison, le téléphone est possible - chaque cellule dispose d'une cabine téléphonique - mais les détenus doivent déclarer des numéros qui sont autorisés par l'administration et les magistrats, par exemple la famille ou les enfants."
Combien vaut un téléphone portable en prison ?
Romain Bernier : "Ça dépend du modèle. Il existe des modèles très basiques et petits en plastique, qui ne sonnent pas sur les portiques des détecteurs métalliques. On trouve aussi de gros smartphones, des iPhones récents, qui permettent d'aller sur internet. Ça peut aller de 100 à 500, 800 euros. Les prix varient en fonction de la disponibilité et du modèle. Mais c'est un marché très lucratif."
Le risque des drones, c'est aussi qu'ils peuvent livrer des armes ?
Romain Bernier : "C'est le gros problème, et c'est pour cela qu'on essaie de se battre pour limiter au maximum ce phénomène de livraison de paquets non contrôlés. Il peut y avoir des armes comme des couteaux en céramique, voire des armes à feu, et c'est un réel danger pour le personnel et pour les autres détenus. Il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres détenus qui sont là pour purger leur peine, qui ont envie de s'en sortir, et qui ont peur de cela."
Les livraisons par drone sont-elles devenues un phénomène courant ?
Romain Bernier : "C'est assez récent. À Varennes-le-Grand, c'est la troisième fois. La première fois, un drone avait été plus ou moins identifié mais sans preuve formelle. La deuxième fois, on avait intercepté les colis mais après coup. Là, c'était la troisième fois, et il y a de fortes probabilités pour que cela continue."
Pour l'administration, cela implique qu'elle s'adapte à ces nouvelles méthodes. Comment faire pour contrer ce phénomène de drones ?
Romain Bernier : "En termes de sécurité, on a saisi notre administration au niveau syndical pour demander des moyens d'endiguer le phénomène. Par contre, on est toujours dans une espèce de course permanente avec les gens qui initient ce trafic."
"Le temps que l'on prenne ce problème, qu'on le traite et que l'on mette les moyens en place pour l'endiguer... On a affaire à des groupuscules qui rebondissent déjà sur d'autres façons de faire."
"Pour les drones, il existe des moyens technologiques de brouillage, mais ils sont très, très onéreux et mettent un certain temps à se mettre en place. Il faut que ce soit financé. En attendant, comme samedi soir, il faut compter sur le professionnalisme des agents, sur leur capacité à analyser, à écouter et intervenir immédiatement avec le concours des forces de l'ordre. Pour l'instant, on en est là."