Pratique "barbare" ou "légitime" : faut-il prolonger la chasse au blaireau en Saône-et-Loire ?

Une consultation publique est en cours jusqu'au 24 mars pour prolonger les dates autorisées de déterrage des blaireaux. Les associations environnementales dénoncent une pratique "barbare" et une demande "infondée".

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Jusqu'au 24 mars, les habitants de Saône-et-Loire sont invités à se prononcer sur la prolongation des dates de chasse au blaireau dans le département, du 15 mai au 14 septembre prochains. Une consultation publique lancée par la préfecture, sollicitée par la fédération des chasseurs de Saône-et-Loire. A quelques jours de la clôture de la procédure, les associations environnementales, notamment la LPO (ligue de protection des oiseaux), alertent le public sur ce projet jugé injustifié.

Une pratique jugée "barbare"

Actuellement, la vénerie sous terre, ou déterrage, des blaireaux, est close depuis le 15 janvier. Dans son projet d'arrêté visant à autoriser la chasse de mai à septembre, la préfecture explique que "cette période complémentaire permet de contrôler la population de blaireaux pour qu'elle reste notamment compatible avec les activités humaines". Elle précise que le blaireau "présente un faible risque de disparition de la région", et que sa chasse "n'est pas interdite" malgré le fait qu'il soit "une espèce protégée au titre de la convention de Berne".

Des arguments rejetés par la LPO, la ligue de protection des oiseaux, association environnementale qui s'oppose à cette prolongation. "En mai, les jeunes blaireaux ne sont pas indépendants de leur mère, ils ne sont pas autonomes", explique Simon-Pierre Babski, responsable scientifique et technique à la LPO de Bourgogne-Franche-Comté. En outre, plaide-t-il, "la pratique du déterrage est une pratique barbare."

"Le déterrage consiste à trouver un terrier, à creuser à l'aide de chiens, à sortir le blaireau avec des pinces et le mettre à mort."

Simon-Pierre Babski

responsable scientifique et technique de la LPO BFC

Simon-Pierre Babski rejette aussi l'argument des dégâts causés par le blaireau. "Ces dégâts sont minimes par rapport au sanglier. Le blaireau est omnivore : il mange des vers de terre, des rongeurs, des baies, des champignons, des charognes. Ses dégâts sont estimés à 30-35 000 euros en un an sur le département. Les sangliers, c'est plus d'un million d'euros."

Enfin, la LPO considère qu'il n'y a pas suffisamment de données sur l'évolution de l'espèce dans la région. "En méconnaissance de cause, il faut appliquer le principe de précaution."

Un jugement rendu il y a quelques jours pourrait faire jurisprudence

Ce n'est pas la première fois que ce dossier polémique est mis sur la table. Mais cette fois, les associations environnementales ont bon espoir d'obtenir gain de cause : le 15 mars dernier, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral qui autorisait, en 2020, la prolongation de la chasse au blaireau en Saône-et-Loire. "On a très bon espoir pour cette année car la jurisprudence joue clairement en notre faveur. Cette période complémentaire de chasse n'a pas lieu partout en France. On espère que les habitants de Saône-et-Loire se prononceront contre, et que le préfet sera raisonnable", estime Simon-Pierre Babski.

Mais les chasseurs ne l'entendent pas de cette oreille. Maître Charles Lagier est l'avocat de la fédération de chasse de Saône-et-Loire : "Le blaireau est une espèce qui se porte très bien dans le département, dont le suivi est opéré. On recense à peu près 3000 terriers", argumente-t-il. Selon les données de la préfecture, visibles sur l'avis de consultation publique, 699 spécimens ont été "prélevés" en 2018, 744 en 2019, 471 en 2020 (une baisse liée au confinement) et 694 en 2021.

L'avocat explique que les chasseurs ont demandé une prolongation car la loi le leur permet : "elle autorise à chasser le blaireau à deux périodes, à la fois en automne et au printemps-été". De plus, "il faut savoir que pendant la période hivernale, du 15 septembre au 15 janvier, c'est pratiquement impossible, dans la terre gelée, d'aller déterrer des blaireaux".

Pour maître Lagier, "le débat ne porte pas sur la période de chasse à proprement parler. C'est une bagarre philosophique. Le problème de ces associations, c'est le principe même de la chasse au blaireau. Je pense qu'on est sur des querelles idéologiques, deux mondes aux antipodes."

"On veut faire pleurer dans les chaumières en disant qu'on tue des juvéniles. Mais à la chasse, on tire aussi les marcassins et les faons ! C'est un faux débat."

Maître Charles Lagier

avocat de la fédération de chasse de Saône-et-Loire

Maître Charles Lagier assure que les raisons invoquées par les chasseurs sont légitimes. "Le blaireau cause des dégâts sur les routes, les cultures agricoles. C'est une espèce chassable qui se porte très bien dans le département, et qui n'est pas protégée par l'UE. C'est un problème uniquement d'ordre éthique."

Quid alors du jugement du tribunal administratif, rendu le 15 mars, peut-il effectivement faire jurisprudence et conduire au rejet de la prolongation de la chasse en 2022 ? L'avocat, qui était à la barre lors de l'audience, considère que le tribunal s'est "trompé". "Il dit que la note de présentation était insuffisamment explicite : c'est faux." Surtout, il s'appuie sur une déclaration de la ministre de la Transition écologique, ce jeudi 17 mars, en réponse à la question d'un sénateur. Barbara Pompili explique : "Le début de la vénerie sous terre au plus tôt le 15 mai prend en compte les connaissances sur la période de naissance et d’élevage des tout jeunes blaireautins."

"Les naissances ont en effet lieu dès la mi-janvier et surtout en février. Les blaireautins sont donc sevrés au 15 mai."

Barbara Pompili

questions au gouvernement du 17/03/2022

Charles Lagier n'exclut pas de faire appel. "Nous avons deux mois pour le faire", rappelle-t-il. La consultation publique, elle, est ouverte jusqu'au 24 février. Le préfet n'est pas tenu de se conformer aux avis exprimés par la population.

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