Témoignage. Procès de l'attentat de Nice : "Qu'ils sachent la souffrance qu'on a eue, qu'on a et qu'on aura jusqu'au bout"

Publié le Écrit par Derome Emma
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Véronique Marchand, rescapée de l'attentat de Nice et habitante de Saône-et-Loire, a perdu son mari le 14 juillet 2016. Elle est appelée à témoigner à la barre, jeudi 29 septembre, lors du procès à Paris.

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Six ans après l'attentat, Véronique Marchand reste fragile. Mais cette habitante de Marcigny, en Saône-et-Loire, attend beaucoup du procès qui s'est ouvert à Paris. Avant d'être appelée à témoigner à la barre, jeudi 29 septembre, cette rescapée est revenue face à nos caméras sur ce funeste soir où sa vie a basculé. Ce soir de juillet où la vie de son mari s'est envolée, en même temps que celle de 85 autres victimes du terroriste.

Le 14 juillet 2016, Véronique se rend à Nice pour assister au feu d'artifice, accompagnée de son mari, sa sœur et une amie. Après un dîner au restaurant, une balade sur la Promenade des Anglais. Puis un camion surgit, et sa vie bascule. "D'un seul coup, ce camion est rentré dans la foule, et je voyais des gens en l'air…C'était affreux comme image", se souvient cette femme, qui pense d'abord que la pédale du véhicule est restée enfoncée, que les freins ont lâché. "Loin de moi l'idée de me dire que c'était volontaire", pense-t-elle alors. Elle raconte avoir senti ses jambes se figer dans le sol, alors que tout le monde autour d'elle courait.

Je voulais arrêter de regarder, arrêter le temps.

Véronique Marchand

L'image qui est restée dans la tête de Véronique depuis six ans, c'est celle du corps de son mari, Robert, couché au sol. Alors qu'elle le cherche des yeux au milieu du chaos, elle n'aperçoit d'abord que les semelles de ses chaussures. "Il s'était acheté des nouvelles baskets, c'est la première fois que je voyais ça, avec des semelles orange, alors ça m'a marqué. Puis j'ai remonté avec mes yeux le long des jambes, et j'ai vu son short noir… Alors je me suis dit 'c'est pas possible'. Je ne pouvais pas. Je voulais arrêter de regarder, arrêter le temps", raconte-t-elle avec beaucoup d'émotions.

Quand elle comprend qu'il s'agit de son époux, inerte devant ses yeux, Véronique explique avoir fait "une crise de folie". "Ça a été l'horreur complète (...) on perd le contrôle de soi". Alors qu'on lui demande de partir, Véronique refuse : "je voulais m'allonger par terre, pour voir s'il respirait". 

J'ai vraiment eu l'impression de l'abandonner.

Véronique Marchand

L'inimaginable s'est produit. Lorsque les secours arrivent enfin, elle se rend compte qu'ils mettent des draps sur les corps. Lorsque vient le tour de son mari, c'est là que Véronique réalise qu'il est mort. "Ils sont passés à la personne à côté, et là, ils n'ont pas mis de drap, alors j'ai dit 'lui il vont l'emmener, et Robert ils vont le laisser sur la route'". Sa sœur et son amie ont dû la forcer à partir. "J'ai vraiment eu l'impression de l'abandonner." Véronique a gardé cette culpabilité, jusqu'à songer à mettre fin à ses jours. Mais elle tient bon pour sa fille et son petit-fils. "Sans eux, je pense que je ne serais pas là aujourd'hui. Quand on est dans le malheur, il y a plein d'idées qui s'ouvrent à vous, des choses auxquelles vous ne pensiez pas avant. Mais on se dit qu'on n'a pas le droit. Ma fille a besoin de moi, et après on ne sait jamais, mon petit-fils aussi, alors on s'accroche." 

Le procès pourra-t-il réparer ses souffrances ? 

Ce procès, qui s'est ouvert début septembre à Paris, elle l'attendait. Véronique pense qu'il peut lui faire du bien. "Je voudrais que tous, la cour, les avocats, les accusés, sachent la souffrance qu'on a eue, la souffrance qu'on a, et la souffrance qu'on aura jusqu'au bout. Parce que même si on arrive à reprendre le fil de sa vie, ça ne sera jamais pareil", souffle-t-elle.  

Tout comme les autres victimes prêtes à témoigner, elle espère que justice sera faite. "J'attends qu'on démontre que certains étaient impliqués, j'attends des peines, et que ces peines soient faites", conclut celle qui se dit encore aujourd'hui traumatisée par les sirènes des camions de pompiers. Parmi les huit personnes jugées, trois accusés comparaissent pour association de malfaiteurs terroristes et encourent jusqu'à 20 ans de prison.

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