Le muguet de Bresse va se faire rare cette année. Et pourtant il y en a plein les sous-bois. Mais les cueilleurs risquent une verbalisation pour non respect du confinement. Seule une entreprise, à Mervans (71) va pouvoir expédier du muguet en région parisienne.
Pas d'or blanc cette année à Saint-Bonnet
A Saint-Bonnet-en-Bresse, le marché au muguet sauvage aurait dû commencer depuis le 15 Avril. Mais cette année, il est annulé. C'est la première fois depuis qu'il existe.Ce marché très réputé, a fait de Saint-Bonnet-en-Bresse la "capitale du muguet sauvage". Un muguet très odorant, et donc très apprécié, toujours prélevé avec un peu de racines.
Le maire de Saint-Bonnet-en-Bresse, Guy Bouchard est déçu mais résigné : "On ne peut pas faire autrement que d'accepter la situation, dit-il, personne ne peut aller dans les bois, c'est interdit. Les rassemblements aussi. Le marché ne peut pas avoir lieu."
Le muguet, à Saint-Bonnet-en-Bresse, on appelle ça "l'or blanc". Les cueilleurs préparent des bottillons de 10 brins de muguet. En 2019, le botillon se vendait au prix de 60 à 70 centimes d'euros.
Un bon cueilleur peut faire jusqu'à 4000 botillons. Un cueilleur moyen, environ 1500. Les botillons se vendent par cagettes de 50. Les clients sont des grossistes et des particuliers.
Peur du virus et des amendes
Depuis 1969, Jacques Jeannin est fournisseur du marché aux fleurs de Rungis. Il ne l'a manqué que deux fois parce que le muguet était en retard. "Mais ces dernières années le muguet est de plus en plus précoce, et là en 2020, il y en a plein les sous-bois".Jacques Jeannin est dépité. Le marché aux fleurs de Rungis est fermé. Il se fait toujours une joie d'y aller pour retrouver l'ambiance si particulière de Rungis. "C'est, l'occasion de revoir des gens que je ne vois qu'une fois pas an et qui sont devenus des copains".
Mais il se fait une raison. "Les cueilleurs sont en grande majorité des personnes d'un certain âge, des retraités pour beaucoup, et ils ont peur du virus. Ils n'ont pas envie de prendre le risque d'être contaminés et qui plus est d'avoir à payer une amende de 135 euros pour non-respect du confinement. Pourtant c'est l'occasion pour eux, de se faire un bon complément budget".
Jacques Jeannnin constate avec regret que les jeunes ne sont pas très nombreux à prendre la rélève. "Cueillir du muguet, ça ne les intéresse pas. Ils préfèrent d'autres occupations. Les anciens connaissent les sous-bois par coeur. Ils ont leurs coins où ils sont sûrs d'en trouver mais ils ne le disent pas. C'est tout un savoir qui risque de se perdre".
Des attestations professionnelles pour les cueilleurs
A quelques kilomètres de Saint-Bonnet-en-Bresse, dans le village de Mervans, la S.A.R.L. des Petits-Bois possède un local où chaque année il règne une intense activité à l'approche du 1er Mai.
Normalement une cinquantaine de salariés y travaillent pour préparer des botillons de muguet et des compositions florales à destination la région parisienne.
Mais cette année, il n'y a personne. Les botillons sont faits à la maison, chacun chez soi. Confinement oblige.
Avec les services de la sous-préfecture de Louhans, le patron de la S.A.R.L. , David Colin a trouvé un arrangement pour que ses cueilleurs puissent travailler. Il leur fournit des attestations professionnelles. Ils ont commencé mardi 21 avril, ce qui est un peu tard par rapport à d'habitude.
Le chef d'entreprise peut compter sur une cinquantaine de fidèles et même un peu plus. Quelques-uns s'ajoutent selon leur disponibilité.
"Chaque soir, ils demandent les attestations dont ils auront besoin pour le lendemain. Aujourd'hui (vendredi 24 avril) ils étaient 68 personnes, plus une dizaine d'ados, soit environ 28 familles de cueilleurs".
Les cueilleurs mettent les botillons dans un pot ou dans un panier, puis dans une housse, fournis par l'entreprise.
Un quart du volume de l'an dernier
David Colin fait le maximum pour sauver ce qu'il peut de la saison, et approvisionner la capitale dans le contexte très singulier du confinement.
"Les années normales je fournis 2 millions de brins racines qui sont vendus à 90% dans les grandes surfaces de la région parisienne. Cette année ce sera seulement un quart du volume de l'an dernier, soit environ 500 000 brins-racines doit 50 000 botillons".
Il espère écouler 70% de la production dans les grandes surfaces parisiennes, et 30% par l'intermédiaire d'un prestataire qui officie sur le Net, un fleuriste du e-commerce.
Rappelons pour terminer que les particuliers qui voudraient cueillir du muguet pour eux, ne peuvent le faire que dans le cadre d'une sortie pour motif sportif, à 1 kilomètre de chez eux et d'une heure au plus.
La vente sur la voie publique est strictement interdite.