Quatre jours après l'agression de son fils, atteint d'un handicap mental, Michel raconte la colère, l'émotion et la douleur que traverse sa famille. Il remercie aussi les réseaux sociaux pour leur aide dans cette affaire.
Les mains posées sur la toile cirée de leur table, dans leur salon d’un village de la banlieue de Belfort, le regard dans le vide, résigné, les parents de Dylan (prénom modifié) veulent raconter leur histoire. Les mots restent parfois coincés, bloqués par la douleur. “On le vit très mal” s’étrangle son père. Il y a trois jours, le ciel leur est tombé sur la tête. “On l’a appris par notre voisine”, se souvient Michel D. La femme vient les alerter. Plusieurs vidéos, dont une en particulier, tournent sur les réseaux sociaux. On y voit leur fils, atteint d’un handicap mental, visiblement perdu, être frappé, insulté, moqué, et même rasé par plusieurs jeunes hommes. Des garçons qui tiennent un téléphone d’une main, et rigolent tout en l’humiliant. Des images insoutenables pour le père de famille. “C’était un gros choc”, avoue-t-il, “pour lui comme pour nous”.
Dylan, âgé de 22 ans, est atteint d’un handicap mental. Il est scolarisé à l’I.M.E de Giromagny, et vit depuis quelques mois dans son propre appartement. Un grand pas vers l’autonomie, brisé par les événements de samedi soir. D’après son père, le jeune homme était invité à une soirée chez une amie. Là-bas, des personnes qu’il ne connaît pas arrivent, et tout bascule. “C’est une honte de faire des choses comme ça” s’indigne Michel. Difficile de savoir exactement comment l’agression a commencé. Le handicap de Dylan ne facilite pas les questionnements. “Est-ce qu’on l’a drogué ? On ne sait pas” s’interroge son père. “Est-ce qu’on lui a fait boire de l’alcool, ou quelque chose ?”. Pour lui, une chose est claire : “Quand on voit la vidéo, on voit qu’il n’est pas bien, qu’il n’est pas dans son état normal”. “Pour moi, c’était un guet-apens”, assène-t-il.
Une affaire qui aurait pu tomber dans l’oubli
Le lendemain, leur fils se tait, et ne leur raconte pas. Par honte ? Ou parce qu’il n’a peut-être pas totalement compris ce qui s’était passé ?. “Dylan n’aurait rien dit du tout si on ne l’avait pas su”, analyse son père “si notre voisine n’était pas venue nous dire ‘attention, il se passe ça avec Dylan, voilà ce que j’ai vu sur le net’, on n'aurait rien su”. D’ailleurs, une deuxième victime, ce soir-là, a gardé le silence pendant plusieurs jours. C’est en posant des questions à Dylan, que son père a compris qu’il n’avait pas été seul. “Si je n’avais pas dénoncé les coups qu’il a pris, il ne se serait pas manifesté” rapporte Michel.
Depuis que les faits ont été révélés, Dylan est suivi de près par sa psychiatre et sa psychologue. Il va les voir, chaque jour, en “transport sécurisé”. Ses parents préfèrent lui éviter des trajets en bus pour le moment. “Quand vous prenez un bus”, explique son père, “les handicapés, on se fout d’eux”. Ils ne veulent pas reproduire le traumatisme du week-end dernier. “C’est maintenant qu’il a le contre-coup”, raconte Michel. Ce mercredi matin, le jeune homme, avec ses mots simples, lui a dit que l’événement était pour lui “comme un attentat”.
La mobilisation des réseaux sociaux
La violence de cette agression, ils sont nombreux à l’avoir ressenti. Très rapidement, après la diffusion de ces vidéos, les internautes, choqués, se sont mobilisés. A l’origine, les images sont postées par les agresseurs présumés sur leur compte Snapchat. Un de leur contact, indigné, choisit de la poster sur Twitter. A partir de là, de nombreux internautes interpellent la police nationale, mais aussi le député du département Ian Boucard, qui transmettra l’affaire à la préfecture, et essayent d’identifier les auteurs.
Les réseaux sociaux je les remercie, tous ces jeunes qui se sont mobilisés pour apporter leur soutien à Dylan et pour dénoncer ces salopards
Ils sont aussi nombreux à écrire leur soutien, à contacter la famille lorsqu’ils la connaissent. “Heureusement qu’on a eu plein de messages”, affirme Michel “ça nous a fait du bien, et ça lui a fait du bien”.
Aujourd’hui, le père de famille s’en remet aux enquêteurs et à la justice. Il espère que les agresseurs de son fils seront punis. “J’espère que la justice fera son boulot” lâche-t-il, avec une crainte : “il y a peut-être eu beaucoup d’autres personnes à qui il est arrivé la même chose, et qui n’ont rien dit.”
L'enquête toujours en cours
Le Procureur de la République de Belfort a ouvert une enquête pour violence aggravée par trois circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, violence commise en réunion sans incapacité, diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne, atteinte à l’intimité de la vie privée par enregistrement de l’image d’une personne. Cinq personnes, dont trois mineurs, ont été placés en garde à vue depuis le 3 février.