La distribution par la société Bic de 25 000 embouts adaptables aux masques de plongée Décathlon pour protéger les soignants dans leur lutte contre le coronavirus suscite diverses réactions en Franche-Comté. L'UTBM et l'hôpital de Trevenans ayant commencé à les utiliser depuis début avril. 

Tout est parti d'un coup de téléphone reçu le 15 avril par Alexandre Tamé, responsable de l'Unité de Mobile des Premiers Soins du Territoire-de-Belfort. C’est un salarié de la société Bic, dont une des usines est basée à Redon en Bretagne. Cette personne l’informe qu’elle va lui envoyer des embouts pour les masques Décathlon qu’il utilise lors des transports de personnes malades du Covid-19. Réplique cinglante  du Franc-Comtois du style :

« On a déjà tout ce qui nous faut ! On ne vous a pas attendu pour cela ! On est équipé par l’UTBM depuis 15 jours, vous arrivez un peu tard … »

Une histoire que nous vous avions racontée le 30 mars sur notre site internet. En quatre jours, une poignée de chercheurs et d’ingénierus avaient mis au point un embout pour adapter les masques Décathlon. Une mise au point validée par un comité scientifique constitué à l’hôpital de Trévenans.
 
Tout début avril, les plans de ces embouts sont mis en ligne en « open source » sur le site de l’université. Au départ de cette innovation des ingénieurs de l’UTBM, Université Technologique de Belfort Montbéliard, le besoin exprimé par Laurent Faivre, coordonnateur des soins techniques à l’hôpital Nord Franche-Comté. Après avoir vu les images venues d’Italie où l’on apercevait des patients qui portaient des masques Décathlon pour les aider à respirer, il s’était dit que ces masques pourraient bien aussi protéger les soignants. Et c’est ainsi qu’il entre en contact avec les ingénieurs de l’UTBM.


Un travail simultané des deux côtés de l'Atlantique


Sans savoir qu’au même moment, aux Etats-Unis, une équipe de l’université de Stanford mettait aussi en ligne les plans d’un embout qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de l’UTBM. Là aussi, tout est gratuit et libre d’accès. Le professeur Manu Prakash a cette idée d'embout vers le 12 mars.  Les plans indiquent une création datée du 19 mars.
 


Et c’est cette histoire-là que nos confrères de France 3 Bretagne et du Télégramme mettent en avant : « Coronavirus : l’efficacité du masque Décathlon prouvée à Brest ».

Sur le  réseau social Linked In , Laurent Faivre réagit entre les lignes en rappelant le retour d’expérience déjà en place à Trevenans.

"Son efficacité est désormais prouvée même si nous n’en doutions pas sur le terrain" commente-t-il sur Linked In.


Mais au téléphone,  il nous confie qu'il trouve cela "un peu gonflé.. ».  Ce communiqué de presse de Bic repris par les Echos, l’Usine Nouvelle, passe mal. Le cadre hospitalier précise qu’une étude en cours auprès de deux cents soignants pour mieux cerner les améliorations possibles de ce dispositif de protection lors des soins des patients atteints du covid-19


Un Hold-up ? 

 

Vu de l’Est de la France, cette production d’embout à échelle industrielle c’est « l’histoire d’un hold-up » pour reprendre l’expression de Alexandre Tamé sur Facebook. Le bénévole reproche l’absence de « soutien des pouvoirs publics » car l’ANSM, L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, a  délivré une autorisation de mise sur le marché pour les embouts produits par BIC.

C'est comme ça, alors qu'on trouve des solutions dans des temps records grâce à une chaîne de solidarité locale, les industriels de multinationales tirent la couverture à eux, non sans avoir bénéficié des travaux réalisés gratuitement en Franche Comté.


Et d’alerter le député UDI du Territoire-de-Belfort, Michel Zumkeller pour qu’il intervienne auprès du ministère de la Santé afin que l’embout made in Nord Franche-Comté obtienne le précieux cézame. A noter que ni l’UTBM ni l’hôpital ne cherche à obtenir cette homologation.
Le député s’emballe lui aussi sur sa page facebook en reprochant la confiance accordée plutôt à une multinationale qu’à une équipe réduite et réactive.

Et le ministère de la santé a donné l’homologation à une multinationale pour un produit , moins performant..... une honte de plus. Et bien c’est pas gagne pour le monde que nous devrons construire tous ensemble , respectueux des humains et de l’environnement.


Pour l’UTBM, cette polémique naissante n’a pas lieu d’être. Son porte-parole, François Jouffroy, joue la carte de l’apaisement.

Nous sommes hyper fiers d’avoir pu monter en un week-end avec l’hôpital de Trévenans cette innovation. Ce qui nous intéresse c’est d’innover, ce qui est important, c’est la gratuité. Les plans de notre modèle sont libres d’accès »
Avec les soutiens des entreprises régionales Cresilas, Faurecia et Lisi Automotive, plus de soixante-dix hôpitaux ont pu recevoir ces embouts.


Il s’agissait surtout d’aller vite. Même état d’esprit pour l’entreprise d’aéronautique Safran qui a également mis au point un type d’embout.


Un consortium international

C’est aussi la rapidité et le pragmatisme qui a motivé l’équipe de l’Ouest de la France. Une équipe internationale d’une centaine de personnes, précise François Clement-Grandcourt , porte-parole du consortium « Adaptation masque Décathlon », crée le 28 mars pour répondre à l’urgence de protection des soignants. Le 7 avril, Bic tech produisait les premières pièces et une semaine plus tard, la production était lancée. Des délais trés courts pour l'industrie.

Et ce sont des réseaux pré-existants qui se sont mobilisés. Cette « organisation éphémère a permis d’aller vite » pour reprendre l’expression du porte-parole a avancé sur tous les fronts en même temps. Fin mars, les équipes du fabricant du briquet Bic, implanté en Bretagne, commençait à travailler sur le moule. Le moule est l’outil indispensable pour passer à la phase industrielle.

Très attentif aux questions d’hygiène, François Clement-Grandcourt, par ailleurs directeur général de la division briquets du groupe BIC, admet ne pas être au courant de l’existence de l’étude menée auprès sur 200 soignants du Nord Franche-Comté. Les résultats que devraient publier prochainement le cadre hospitalier Laurent Faivre l’intéressent.

François Clement-Grandcourt, souligne que cet embout n’est qu’une « solution dégradée » pour une urgence. « On manque de recul sur son utilisation par rapport aux solutions éprouvées depuis des années ».

Des passerelles entre l’Est et l’Ouest pourraient s’établir prochainement. Vu de l’Ouest, la démarche industrielle et celle de l’innovation par les « makers » ne sont pas à opposer.
Le Franc-Comtois, Laurent Faivre a déjà des améliorations à proposer. Avec l’UTBM, ils ont perfectionné ce fameux petit embout avec un système de double branche pour faciliter la ventilation.
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