"L'arrêt de travail est un médicament" : sanctionné parce qu'il a trop prescrit d'arrêts maladie, ce médecin dénonce une logique comptable

durée de la vidéo : 00h01mn40s
Six médecins du Territoire de Belfort ont été ciblés par la CPAM. Ils sont accusés d’avoir prescrit trop d’arrêts maladie. Depuis le 1ᵉʳ janvier, ils doivent désormais rendre des comptes et justifier de chaque arrêt de travail auprès de la caisse d’assurance maladie ©Sarah Francesconi, Pauline Gardet

Six mois après le lancement, à la demande du ministère de l'Économie, d'une campagne contre les "dérives" de prescription des arrêts de travail, six médecins du Territoire de Belfort ont été ciblés par la CPAM. L'un d'entre eux dénonce une logique comptable éloignée des principes de la médecine.

La mauvaise surprise est arrivée par recommandé, le 21 juin 2023. Un courrier pour informer le Dr.Griesmann qu'il est "observation avant une éventuelle mise sous objectif de vos prescriptions d'indemnités journalières" par la CPAM du Territoire de Belfort. Un contrôle de la caisse d'assurance maladie, parce qu'il a trop prescrit d'arrêts de travail. Comme lui, sept médecins du département ont reçu ce courrier.

On nous demande de tenir une comptabilité des jours d'arrêts de travail, de médicaments, de tout ! Mais je ne suis pas fait pour ça moi !

Dr. Griesmann, médecin généraliste à Belfort

Une campagne nationale

Cette campagne de contrôle des prescriptions d'arrêts maladies, ou d'indemnités journalières, s'inscrit dans le mouvement national lancé par le ministère de l'Économie en juin 2023. À la demande du ministre Bruno Le Maire, la caisse nationale d'assurance maladie se penche sur les soignants dont les statistiques s'écartent trop de la moyenne. 

"Votre nombre d'indemnités journalières versées par rapport au nombre de patients a été de 10,74" lit le soignant. Deux fois plus que la moyenne des généralistes exerçants, selon la CPAM, dans des conditions similaires : 5,28. "Il faut savoir que pendant cette enquête, aucun patient n'a été examiné, c'est une étude statistique" s'agace le docteur. 

Moi, je suis un médecin, je soigne les gens, que ça soit avec des médicaments, ou des arrêts de travail

Dr. Griesmann

On lui propose d’abord un quota d’arrêts à ne pas dépasser sous peine d’une amende de 7.300 euros. Il refuse et est placé sous "mise sous accord préalable" : chacune de ses prescriptions d’arrêt peut donc être contrôlée par un médecin-conseil."On juge de l'opportunité de l'arrêt de travail par téléphone, c'est la désincarnation de la médecine" commente-t-il, dépité. 

"L'arrêt de travail, c'est un médicament"

Le généraliste dénonce une logique comptable, éloignée des principes de la médecine : "quelque part, c’est une forme d’honneur, ça veut dire que je ne me plie pas à ces injections financières" revendique le Dr. Griesmann. "Pour moi, déontologiquement, il y a autre chose que l’argent, il y a le fondement de mon engagement dans la médecine, c’est-à-dire de soigner l’autre".

Il défend son recours aux arrêts de travail : "c'est un médicament quelque part, ça fait partie de ma thérapeutique" explique-t-il. "J'arrête quelqu'un parce qu'il s'est explosé l'épaule, je lui mets tant de jours parce qu'il faut tant de jours pour qu'elle guérisse". Le docteur ajoute : "M. Paul, ce n'est pas M. Jacques, et, ce n'est pas dans sa tête, son corps va guérir en 15 jours ou 3 semaines, et l'autre, il mettra 3 mois". Il conclut : "C'est ça que cette société n'arrive pas à accepter. Les gens ne sont pas des ordinateurs, ils ne se gèrent pas en nanosecondes".

Sur les 13 arrêts qu'il a prescrits depuis le début du mois de janvier, une seule patiente a été recontactée par la caisse d’arrêt maladie, qui a confirmé sa décision. Ce contrôle prendra fin au mois d’avril. 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité