L'Américain General Electric a signé l'été dernier un accord avec l'Indien BHEL, qui a désormais le droit de produire lui-même les turbines fabriquées aujourd'hui à Belfort. Dans la cité du Lion, ce transfert de technologies préoccupe les salariés.
L'accord a été signé au début de l'été dernier, le 4 juillet 2023, à New Delhi.
En partenariat depuis 1986, l'Américain General Electric et l'Indien BHEL (Bharat Heavy Electricals Limited) ont signé un nouvel accord qui, selon le communiqué de presse de GE, transfère les licences pour "concevoir et fabriquer des turbines à gaz".
"Dans le cadre de cet accord d'extension, BHEL obtiendra des droits améliorés sur les turbines à gaz existants et les futurs modèles", se réjouit le principal constructeur de centrales électriques indien sur son site.
À 6000 kilomètres de New Delhi, les salariés belfortains craignent de subir les conséquences de cet accord. Philippe Petitcolin, délégué syndical CFE-CGC, nous explique pourquoi.
Cela fait près de 40 ans que General Electric et BHEL collaborent. Pourquoi la récente extension de cet accord vous inquiète-t-elle ?
"Avec le contrat signé entre General Electric Switzerland et BHEL, les Indiens peuvent fabriquer tout ce qu'on fait à Belfort. Nous avons demandé une expertise pour évaluer l'impact sur notre activité, cela nous a été refusé. Nous n'avons aucune information sur le volume d'activités envisagé en Inde.
Cette licence, c'est une propriété belfortaine vendue par les Suisses aux Indiens. On n'en connaît même pas le prix. On sait juste que le profit ne reviendra pas à Belfort."
Quel est le risque pour Belfort ?
"Ce que l'on sait, c'est que l'Inde commande 12 fois plus de pétrole à la Russie qu'avant la guerre en Ukraine. Il va y avoir des besoins importants de turbines pour raffiner le pétrole, et l'Inde veut augmenter la part du gaz dans son mix énergétique.
Jusqu'à présent, BHEL travaillait surtout pour le marché intérieur indien, mais l'accord les autorise à vendre dans le monde entier. Si leur demande intérieure est forte et qu'ils réalisent les investissements nécessaires pour franchir un palier, ça peut devenir une alternative à Belfort."
General Electric scinde ses activités : la branche énergie s'appelle désormais GE Vernova. Cette nouvelle organisation est-elle une source d'inquiétude ?
"La partie énergie sera autonome le 2 avril. Elle est en difficulté, mais le risque de restructuration concerne plutôt l'éolien.
Pour les turbines, les Américains négocient plusieurs dizaines de contrats avec l'Arabie Saoudite, qui veut passer du pétrole au gaz. Ce serait fabriqué aux Etats-Unis, et Belfort récupérerait tout le reste du carnet de commandes. On est tranquille pour 2 ou 3 ans."