Témoignage. 62 heures aux urgences : "Je suis tombée dans l'enfer", une patiente du Doubs écrit au ministre de la Santé

Publié le Écrit par Vanessa Hirson
partager cet article :

Victime d’hémorragies intestinales sévères, cette femme de 77 ans a passé un week-end entier aux urgences de l’hôpital Nord-Franche-Comté à Trévenans près de Belfort avant d’être admise dans un service. Cette mauvaise expérience, elle la relate au ministre de la Santé à travers une lettre.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Ce week-end, elle aurait aimé le passer ailleurs. Ailleurs que sur un brancard aux urgences de l’hôpital de Trévenans (Territoire de Belfort). Noëlle Grimme, une habitante du pays de Belfort-Montbéliard, âgée de 77 ans, a accueilli chez elle une de nos équipes pour témoigner de « l’enfer » qu’elle a vécu il y a un mois dans l’établissement hospitalier du Nord Franche-Comté.

Dans le salon de la septuagénaire, une horloge avec en fond une inscription : « Le temps du bonheur ». Si cette horloge remontait au dernier week-end de mars, elle afficherait plutôt « le temps de l’espoir ». L’espoir d’avoir une chambre dans le service gastro-entérologie, au bout de 62 heures passées dans les couloirs des urgences.

"Je suis tombée dans l'enfer "

Vendredi 24 mars en début de soirée, Noëlle Grimme est prise de malaises et de vomissements. Les pompiers la conduisent aux urgences de l’hôpital de Trévenans soupçonnant des hémorragies intestinales sévères.

Là-bas, après un premier bilan médical, qui confirme le diagnostic des pompiers, Noëlle Grimme est conduite dans un SAS des urgences le samedi vers 1 h 30 du matin. « J’ai traversé les immenses couloirs où je voyais des patients sur des brancards en file indienne. Certains pleuraient, d’autres criaient. Il y en avait qui vous regardait passer d’une façon extraordinaire. Il y avait des petits SAS bourrés de gens qui attendaient, on ne sait pas quoi. Un examen ? Une chambre ? Une sortie. Moi, je pensais que c’était une gare de triage. Et vous vous dites, mais je suis où ? J’étais affolée. Je suis tombée dans un enfer » confie-t-elle à notre journaliste Mélanie Leblanc.

La nuit de dimanche à lundi a été l’horreur pour Noëlle Grimme. 

Un monsieur ivre ou drogué jetait tout en l’air, insultait les infirmières. La sécurité a dû intervenir. Un autre se déshabillait et embêtait les femmes. Une femme de 87 ans disait « je vais mourir dans la merde ici, ce n’est pas possible et elle m’a dit quelque chose d’épouvantable : vous savez madame, ici, on perd toute humanité. J’ai appris plus tard qu’il y avait 92 personnes qui attendaient avant moi.

Noëlle Grimme

Installée en chambre 62 heures plus tard

Le lundi matin, toujours allongée sur le brancard, toujours « stationné » dans un SAS des urgences, Noëlle Grimme menace de quitter l’hôpital. Sa fille, de son côté arrive à joindre le service juridique et prévient que si rien n’est fait, elle ferait un "sit-in" avec d’autres devant les portes de l’hôpital. À 11 h 00, Noëlle Grimme, était, enfin, admise dans une chambre du service de gastro-entérologie après 62 heures passées aux urgences. Elle y restera un mois.

Cet enfer vu et vécu, Noëlle Grimme a souhaité en faire part au ministre de la Santé, François Braun. Quinze jours après sa sortie de l’hôpital, la septuagénaire a adressé une lettre de quatre pages à l’ancien urgentiste du Territoire de Belfort, devenu ministre. Elle y souligne l’implication et le dévouement du personnel soignant, alors que la fatigue s’inscrit durablement sur leur visage et dénonce l’impuissance des patients et du personnel soignant face à cette dramatique réalité. « C’est toute une organisation qui est complètement paralysée parce qu’il n’y a pas de chambre, pas de lits, pas assez de médecins et c’est tout l’hôpital qui est désorganisé. Ce n’est pas possible de continuer comme ça ». Sa lettre débute ainsi :

« Pour arriver au sujet de ce courrier Monsieur le ministre, c’est une expérience que je viens de vivre dans un hôpital public que je vais vous relater. Il y a un mois, j’ai vécu une expérience dont je sors traumatisée, révoltée des conditions dans lesquelles on entre à l’hôpital pour beaucoup avec des craintes alors qu’on devrait y rentrer avec l’espoir d’y être soigné correctement. C’est parce que Monsieur le ministre, vous êtes le garant de la société en France donc des conditions hospitalières et de son personnel, de leurs conditions de travail que je vous écris ». Cette missive se termine par un conseil de Noëlle Grimme : venir incognito aux urgences de l’hôpital de Trévenans.

Sollicité par France 3, l'hôpital qui a pris en charge Noëlle Grimme n'a pas souhaité s'exprimer.

Noëlle Grimme, connue pour défendre la cause des plus faibles

Ce courrier, Noëlle Grimme l’a également envoyé aux directeurs de l’ARS, l’Agence de Santé de Bourgogne-Franche-Comté et de l’hôpital concerné. Pour l’heure, elle n’a pas reçu de réponse. Sans grand étonnement. 

Noëlle Grimme est une ancienne élue d’Audincourt (Doubs) qui a notamment siégé à PMA, Pays Montbéliard Agglomération. En tant que déléguée syndicale CGT et ouvrière dans l’horlogerie, elle s’est battue aux côtés des ouvrières lors de l’occupation de l’usine L’Epée basée à Sainte-Suzanne dans l’agglomération de Montbéliard. Après des mois de lutte pour conserver leurs emplois, des femmes avaient occupé leur usine avant que les forces de l’ordre ne les délogent de manière brutale le 17 septembre 1996. Noëlle Grimme avait osé s’opposer à eux.

Qu’avez-vous pensé de ce témoignage ?
Cela pourrait vous intéresser :
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information