Ce mercredi 6 janvier 2016, un an après la tuerie, les dessinateurs sortent un numéro exceptionnel avec des dessins des disparus. Mais l’engouement d’il y a un an semble avoir disparu.
Il y a un an suite aux attentats les ventes de Charlie Hebdo explosaient : le 14 janvier 2015, le numéro « des survivants » s’étaient vendus à 8 millions d’exemplaires, là où l’hebdomadaire en coulait habituellement 30.000 par semaine. Depuis, si les ventes continuent d’être meilleures qu’avant le drame, le numéro spécial sorti ce mercredi 6 janvier 2016 pour commémorer le 1er anniversaire de la tuerie ne semble pas créer le même engouement.
Il y a un an, suite aux attentats, les ventes de Charlie Hebdo explosaient, qu’en est-il un an après ? L'élan de solidarité l'engouement n'est plus aussi présent. Reportage de Cécile Claveaux, Christophe Gaillard et Lucile Feuillebois avec des clients et Sabrina Coacci, gérante de la librairie Nikos
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©France 3 Bourgogne
Ce numéro anniversaire doit être tiré à environ 1 million d'exemplaires
Il comprend un cahier de dessins des disparus - Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré-- et des contributeurs extérieurs dont la ministre de la Culture Fleur Pellerin, des comédiennes comme Isabelle Adjani, Charlotte Gainsbourg, Juliette Binoche, des intellectuels comme Élisabeth Badinter, la bangladaise Taslima Nasreen, l'américain Russell Banks, et le musicien Ibrahim Maalouf.
Le dessinateur Riss, patron du journal, grièvement blessé le 7 janvier, y signe un éditorial rageur pour défendre la laïcité et dénoncer les "fanatiques abrutis par le Coran" et "culs-bénits venus d'autres religions" qui avaient souhaité la mort du journal pour "oser rire du religieux". "Les convictions des athées et des laïcs peuvent déplacer encore plus de montagnes que la foi des croyants", dit-il."En 2006, quand Charlie publia les caricatures de Mahomet, personne ne pensait sérieusement qu'un jour tout ça finirait dans la violence. (...) On voyait la France comme un îlot laïc, où il était possible de déconner, de dessiner, de se marrer, sans se préoccuper des dogmes, des illuminés", écrit Riss.
"Dès cette époque, beaucoup espéraient qu'un jour quelqu'un viendrait nous remettre à nos places. Oui, beaucoup ont espéré qu'on se fasse tuer. TU-ER", poursuit-il, en rappelant la fragilité du journal, submergé de procès. "A l'issue de chaque année, nous nous émerveillions d'être toujours en vie", se souvient Riss.
"Un mois avant le 7 janvier, je demandais à Charb si sa protection avait encore un sens. Les histoires de caricatures, tout ça, c'était du passé (...) Mais un croyant, surtout fanatique, n'oublie jamais l'affront fait à sa foi, car il a derrière lui et devant lui l'éternité (...) C'est l'éternité qui nous est tombée dessus ce mercredi 7 janvier".
"Ce matin-là, après le bruit assourdissant d'une soixantaine de coups de feu tirés en trois minutes dans la salle de rédaction, un immense silence envahit la pièce", raconte-t-il. "J'espérais entendre des plaintes, des gémissements. Mais non, pas un son. Ce silence me fit comprendre qu'ils étaient morts".
Et lorsque enfin un pompier m'aida à me relever, et après avoir dû enjamber Charb allongé à mes côtés, je m'interdis de tourner la tête vers la pièce pour ne pas voir les morts de Charlie. Pour ne pas voir la mort de Charlie".
"Comment faire le journal après tout ça ? C'est tout ce qu'on a vécu depuis vingt-trois ans qui nous en donne la rage", affirme-t-il. "Ce ne sont pas deux petits cons encagoulés qui vont foutre en l'air le travail de nos vies". "Ce n'est pas eux qui verront crever Charlie. C'est Charlie qui les verra crever".
Les rotatives tournent à plein régime chez l’imprimeur
Chez l'imprimeur de Charlie Hebdo, en région parisienne -dont l'adresse reste confidentielle pour raisons de sécurité-, les rotatives tournaient à plein lundi pour sortir en 24 heures le numéro anniversaire, tiré à un million d'exemplaires, un an après l'attentat, a constaté l'AFP sur place. CAvant l'attentat, l'imprimeur de Charlie, qui travaille pour le journal satirique depuis 1992 en tirait environ 60.000 exemplaires par semaine, et le journal se vendait à environ 30.000. Depuis, il en sort "300.000 exemplaires chaque semaine", a expliqué son directeur commercial, qui garde l'anonymat.
Pendant les mois qui ont suivi l'attaque, la gendarmerie a surveillé le site. Mais, depuis, les patrouilles se sont raréfiées, a-t-il souligné. Ce dimanche, à la veille de l'impression du numéro anniversaire, une brigade renforcée est venue sécuriser les lieux. Pour l'imprimeur, il s'agit d'un "acte militant", car depuis qu'il travaille pour Charlie Hebdo, "c'était d'abord des connaissances, devenues des amis", dit-il. En revanche, pour la quinzaine d'ouvriers du site, l'hebdomadaire reste presque "un client lambda". "Certes on a été choqués après l'attentat, mais nous n'avons pas d'appréhension particulière pour venir travailler", a témoigné l'un d'eux. "On lit vite fait la première et la der" (la dernière page) mais ce n'est pas trop notre soupe. Mais depuis les attentats, tout le monde me demande si je peux ramener des numéros", a-t-il souri.