Vie perso, vie pro : comment se déconnecter des réseaux sociaux ?

Avez-vous déjà entendu parler de burn-out digital ? Le phénomène existe bien. Dans un contexte d’hyperconnectivité et d’une culture de l’immédiateté, nombreux sont les cadres et salariés à subir l'utilisation des réseaux sociaux.

Vie perso, vie pro, quand tout se mélange… à cause du digital

Les cas d’épuisement professionnel se multiplient de façon considérable depuis l’introduction des outils digitaux dans l’entreprise. Répondre à des mails une fois chez soi, vérifier les réseaux sociaux de son entreprise, ne plus savoir quel est son téléphone personnel et son téléphone professionnel, retrouver ses collègues sous nos publications Instagram ou Facebook… Autant de gestes qui aujourd’hui brouillent les pistes entre vie privée et vie professionnelle. Ce phénomène s’appelle le « blurring ». Avec les réseaux sociaux, le travail se retrouve émietté en une multitude de petites tâches, sur une temporalité in(dé)finie.
 

De plus en plus d’entreprises mettent en place des réseaux sociaux d’entreprise


Ces nouvelles plateformes sont censées faciliter les échanges et les discussions. « Un moyen de ne plus avoir ses collègues en amis sur Facebook » plaisantent certains.
Un moyen aussi de créer un outil dédié au travail et de ne plus laisser ce travail s'immiscer dans la vie personnelle... à l’heure où les réseaux sociaux et les TIC (technologies de l’information et de la communication) ont pris une place majeure, si ce n’est centrale dans nos pratiques professionnelles. 

Anthony Bellanger
, secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), expliquait en 2013 dans un rapport que « l’apparition du numérique et l’hyperconnectivité ont brouillé la notion de temps de travail ».

Eric Dose, Pascale Desrumaux et Mariam Rekik parlent d’un phénomène de « télépression » dans l’ouvrage Le travail humain. Pour les trois chercheurs, l’usage des TIC augmente la perméabilité des frontières entre la vie personnelle et la vie professionnelle. La messagerie électronique professionnelle serait notamment une source de stress. On parle même de "technostress". La télépression et le technostress évoquent une "forte préoccupation par rapport aux messages reçus et une forte envie d'y répondre immédiatement". 
 

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Comment déconnecter quand on rentre chez soi ?


Sophie Pinot et Sylvain Comparot étaient deux des invités d’une table ronde « Réseaux sociaux : vie privée, vie professionnelle, quelles frontières ? » organisée à France 3 Bourgogne en mai 2019.

Elle est consultante en stratégie réseaux sociaux et fondatrice de l'action fédératrice patrimoine  "#MagnifiqueFance". Il est vice-président du cabinet du président de l’université de Bourgogne et fondateur du collectif « Pour Dijon ».
Tous deux ont un contact permanent avec les réseaux sociaux, par leurs activités professionnelles. Ils admettent qu’il est difficile de déconnecter. Sylvain Comparot se dit capable de ne pas toucher à son téléphone des heures durant, ignorant toutes notifications. Sophie Pinot s’oblige, dans un rendez-vous ou une discussion importante, à retourner son écran sur la table, pour ne pas être distraite.
 

 


Alizé Papp est chercheuse et rappelle dans Regards croisés sur l’économie que les Canadiens ont introduit dans la langue française la notion d’ « infobésité » : un sentiment de débordement, de trop-plein d’information.

Dans Le travail humain, les auteurs estiment que la messagerie électronique est l’outil de communication le plus utilisé au sein des entreprises actuelles. Déjà en 2013, la journaliste Caroline Sauvajol-Rialland expliquait que les entreprises ont tout intérêt à ce que « leurs employés utilisent mieux les technologies de l’information de sorte à améliorer, et non à réduire, leur productivité ».
 


 

Mais, quelle limite à une utilisation parfois excessive, presque obsessionnelle, de la messagerie professionnelle ? Les salariés en viennent aujourd’hui à installer leurs boîtes de réception sur leurs téléphones personnels. Et quand ils n’en ont pas, c’est sur un téléphone prêté par l’entreprise que les salariés peuvent consulter leurs messages. Une question se pose : à quel moment un salarié peut-il déconnecter sa boîte mail de son téléphone personnel ou éteindre son téléphone professionnel ?

Selon une récente étude dont les résultats ont été dévoilés par nos confrères de Slate, plus des deux tiers des managers et cadres travaillent le soir et utilisent leurs outils numériques professionnels le week-end. Un tiers d’entre eux culpabilise lorsqu’il se déconnecte sur ces temps.

Se (dé)connecter devient 

 

un enjeu majeur pour les entreprises et pour le salariat, dans une société où il est possible de travailler et d’être contacté depuis de multiplies lieux et à n’importe quelle heure où de nouvelles formes de travail apparaissent (télétravail, à distance, etc.)
 

Les entreprises doivent définir elles-mêmes leurs modalités


La loi travail, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, introduisait pour la première fois un « droit à la déconnexion », visant à mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique.

Ces mesures viseront à assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale. 



Cependant, le mardi 14 mai 2019, lors de l’examen du projet de loi de réforme de la fonction publique, les députés ont refusé d’y inscrire un droit à la déconnexion. Pour quelle raison ? Le secteur public est contraint par des enjeux intrinsèques à son service et à sa continuité.

 

 

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Axa France recommande à ses collaborateurs de ne pas envoyer de mails en dehors des heures de bureaux. Des informations sur la maîtrise des outils digitaux ont également été mises en place.

En Allemagne, le groupe Volkgswagen coupe ses serveurs le soir et le week-end. Aucun mail ne peut arriver… Mais seuls les salariés sont concernés. Les cadres, eux, continuent à recevoir des messages.
Daimler, un autre constructeur allemand de véhicules, va plus loin et efface les mails de ses salariés durant leurs vacances. Un moyen notamment d’éviter le pic de stress de la rentrée.

Edouard Mongrand est fondateur de la startup française ED2. La société est en train de développer une application qui permet aux managers de bloquer des applications sur les téléphones de leurs employés, sur un temps donné.

Pour d’autres, la solution se trouverait plutôt dans la sensibilisation et l’exemplarité. Un responsable ne devrait pas envoyer de mail à ses salariés passé 23h.
 

Un changement de mentalité doit aussi s’opérer dans les comportements des salariés


La (dé)connexion s’apparente même pour certains spécialistes, à une cyberaddiction. Il y a là aussi un problème d’ordre générationnel et de statut. Un salarié et un jeune startuper ou freelance n’auront pas le même rapport à cette déconnexion.

Un journaliste de Les Echos Start raconte sa « cure de déconnexion ». A l’heure où le nombre de travailleurs indépendants croît de manière considérable, l’idée d’une déconnexion totale semble désuète. Il raconte notamment qu’il lui était difficile de laisser son téléphone dans une petite boîte prévue à cet effet et censée permettre une totale déconnexion. Indépendant, et travaillant sur missions, et non pas vendant son temps de travail comme le ferait un salarié, il lui paraissait trop difficile de ne pas avoir les yeux sur sa boîte mail… de peur de rater des demandes urgentes.

 

 

 



Cette difficulté à déconnecter s'appelle le « fomo » (fear of missing out), la peur de manquer une information. Un syndrome qui se vérifie aussi dans une addiction aux réseaux sociaux… Toujours connectés et envoyant toujours plus d’informations à ses utilisateurs. Plusieurs solutions existent. Aujourd’hui, tous les smartphones proposent aux consommateurs de (dés)activer les notifications. Une manière de n’avoir l’information qu’en se connectant de façon intentionnelle.
 

 

 

Combien de temps vous passez sur votre écran ?

Aujourd'hui, les smartphones, peu importe le système d'exploitation, proposent à leurs utilisateurs de consulter leurs "temps d'écran". De façon détaillée, vous pouvez voir :

  • Le nombre de fois par jour où vous déverouillez votre écran.
  • Les applications que vous utilisez le plus, ainsi que le temps que vous passez sur chacune d'entre elles.
  • La moyenne de votre temps d'écran sur 7 jours.

 

 



L’utilisation des réseaux sociaux, ce n’est pas seulement la consultation d’information. C’est aussi la publication.

Sophie Pinot, consultante en algorithmes de visibilité sur les réseaux sociaux, conseille à ses clients de ne pas céder à l’ « immédiateté ». Un phénomène décrit comme « une réaction trop brutale, peu voire non réfléchie ». Les réseaux sociaux poussent à cette immédiateté, mais il est important de « garder la main sur eux ».

Avant la publication d’un post, qu’importe sa nature, il est important de réfléchir. Sophie Pinot et Sylvain Comparot se rejoignent sur un conseil : il est nécessaire de se demander à quoi répond notre présence sur les réseaux sociaux. Que veut-on y faire ? Qu’est-ce qu’on en attend ? Qu’est-ce qu’on y apporte ?
 

A l’heure des vacances estivales, un seul conseil…


Laissez votre messagerie au bureau, votre téléphone dans le fond de votre sac et reposez-vous. Se déconnecter n’est pas une option.

 

 

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