Près de 6% des élèves seraient victimes de harcèlement à l’école. Le phénomène n’est pas récent mais il est davantage surveillé. Alors que des mesures de lutte sont attendues à l’échelle nationale, des collèges de l’Yonne expérimentent déjà de nouvelles techniques et renforcent la prévention.
Son calvaire a débuté à l’école primaire. "Un groupe de personnes a commencé à me suivre, à chaque fois, ils venaient à six ou huit vers moi. Ça commençait par des claques derrière la tête. Ils venaient me titiller, jusqu’à carrément me frapper", raconte un jeune homme qui préfère rester anonyme.
Il s’est d’abord confié à ses parents : "Il m’ont dit d’éviter de les fréquenter mais quand je suis arrivé au collège, ils sont encore venus me chercher. Je me sentais mal. J’en ai parlé à la prof principale, c’était plus simple de lui parler, et ça s’est tout de suite arrangé."
Des insultes, des menaces, des violences physiques ou des messages insultants à répétition : le harcèlement scolaire touche près de 6% des élèves en France, selon le gouvernement. Dans 53% des cas, ces violences se déroulent au collège puis à l’école primaire et enfin au lycée.
"L’objectif c’est de générer un dialogue, une prise de conscience"
"Quand on se moque, quand on rabaisse, c’est quoi comme type de violence ?", demande l’adjudant Arnaud Georges aux élèves d’une classe de 6ème, d’un collège de Joigny, dans l’Yonne. Depuis plusieurs années, une unité de la gendarmerie, "Maison de protection des familles", vient y animer des cours contre le harcèlement scolaire. "On arrive à libérer la parole. Il y a des élèves qui vont dire qu’ils en ont effectivement constaté et en parler aux gendarmes", assure le gendarme.
"L’objectif c’est de générer un dialogue, une prise de conscience qu’elle soit individuelle ou collective." Dans la classe, l’intervention des gendarmes est bien accueillie par les élèves : "C’était bien parce qu’il y a des gens à qui il faut expliquer jusqu’où peuvent aller les conséquences du harcèlement, ça peut empirer jusqu’à quelque chose de grave", relate l’une d’elles.
Créer de l’empathie pour la victime
Le dialogue peut aussi se créer dans l’intimité. C’est la méthode de préoccupation partagée : au lieu de stigmatiser les élèves harceleurs, on les inclut dans la démarche pour régler les problèmes. Elle est appliquée depuis trois ans au collège Paul Bert à Auxerre et aurait déjà fait ses preuves.
"On reçoit l’élève désigné comme intimidateur et on lui demande si il a remarqué que son camarade n’allait pas bien. Ce qu’il pourrait faire pour qu’il se sente mieux. On ne le met pas en accusation, on veut créer de l’empathie", explique Marie Boutron, assistante sociale. Selon le chef d’établissement, dans 80% des cas, la situation se termine favorablement.
"Le nombre de nos interventions harcèlement a explosé depuis quatre ans"
Pour les gendarmes, il faut adapter la prévention au type de harcèlement car il ne se manifeste pas uniquement au sein de l’école. "Il y a les réseaux sociaux utilisés de plus en plus tôt et souvent sans contrôle des adultes", soutient le Christophe Gabriot, commandant de la "Maison de protection des familles". "Est-ce qu’il y en a de plus en plus ? Je ne pense pas par contre on en parle de plus en plus. Le nombre de nos interventions harcèlement a explosé depuis quatre ans."
Lorsque les méthodes pour lutter contre le harcèlement ne suffisent pas, un numéro d’écoute, le 3020 a été créé en 2012 pour aider les familles. En neuf ans, le nombre d’appel a été multiplié par sept sur l’ensemble de la France. "Ce sont des familles quelques fois très énervées par rapport au système. Il faut les accompagner pour permettre un dialogue constructif. Certains parents veulent une exclusion totale des intimidateurs. Donc il faut du temps pour expliquer qu’on ne renvoie pas les élèves comme ça", explique Nicole Paris, référente harcèlement dans l’Yonne.
Selon le ministère de l’Éducation nationale, les harceleurs risquent un conseil de discipline voire une exclusion temporaire ou définitive. Pour ceux de plus de 13 ans, ils encourent une amende et 18 mois d’emprisonnement.