Dans l'Yonne, le niveau des rivières est au plus bas. Une page "Alerte Rivières et canaux" a été créée pour montrer l'étendue du sinisitre. En cause, la sécheresse. Mais depuis le début du confinement, la gestion des barrages par Voies Navigables de France (VNF) est également pointée du doigt.
Alerte rivières et canaux : c’est le nom d’une page facebook que vient de créer un icaunais. Sur le site des internautes publient des photos de l’Yonne, parfois presque à sec.VNF reconnait que la situation est problématique, notamment pour la préservation de la biodiversité. L’entreprise chargée de la gestion des cours d’eau se dit ralentie par le confinement dans ses actions pour résoudre le problème.
Le manque de pluie se fait cruellement sentir dans les rivières. C’est encore plus le cas dans celles où la main de l’homme est nécessaire pour maintenir un niveau d’eau suffisant.
L’Yonne est à certains endroits presque à sec depuis plusieurs semaines. Une réelle menace pour la faune et la flore. Un crève-cœur pour les icaunais soucieux de l’environnement. D’autant que certains d’entre eux ont l’impression que les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure du problème et n’agissent pas, ou trop peu.
Une page pour alerter sur les réseaux sociaux
Parmi eux il y a David Rosse. Le milieu des rivières il connait bien, il a travaillé 6 ans dans un magasin de fourniture de pêche à Monéteau. Pour lui « le niveau d’eau actuel est inquiétant voir dramatique sur 130 kilomètres de Clamecy à Sens ».
Une situation qu’il n’accepte pas et qu’il attribue à une mauvaise gestion des cours d’eau. « Juste avant le confinement les rivières étaient assez pleines. Voies Navigables de France avait ouvert les barrages pour éviter les inondations. Depuis le confinement ils ont laissé ouvert et n’interviennent plus. J’ai l’impression que partout où les voies servent aux transports de marchandises on se soucie du niveau de l’eau, et que là où il n’y en a pas on s’en fout » pense-t-il.
Il ajoute : « J’ai essayé d’appeler tout le monde. J’ai contacté VNF, la préfecture et même le ministère de l’environnement. Personne ne m’a répondu ! Alors je me suis dit, si on veut faire bouger les choses on va devoir monter une page facebook »
Et c’est ce qu’il a fait le 20 avril dernier. Sur la page on trouve des photos de la rivière prises par une trentaine de contributeurs. Elles montrent le faible niveau d’eau à différents endroits du département comme à Augy, Dornecy ou encore Coulanges sur Yonne.
En haut de la page un mot est inscrit en lettre rouge majuscule. Le mot « ALERTE » que Davide Rosse estime employer sans exagération. « Si la situation perdure tous les poissons vont mourir et de ce fait les oiseaux aussi. En plus nous sommes en période de reproduction. Il faudra donc ensuite beaucoup de temps pour que certains bras retrouvent un écosystème aquatique ».
Pêcheurs et agriculteurs également inquiets
Parmi les plus préoccupés de la situation on trouve les pêcheurs. « C’est une catastrophe ! Il ne faudrait pas que ça s’aggrave d’avantage. Il faut que VNF remonte les barrages et qu’ils fassent vite » nous indique Didier Barbier, président de l’Union des Pêcheurs auxerrois.« Avec le beau temps l’eau s’évapore et les poissons meurent. On m’a déjà signalé des poissons morts à plusieurs endroits ». Un constat difficile à accepter pour ce responsable associatif déjà privé, du fait du confinement, de l’ouverture de la pêche au brochet prévue le 25 avril.
L’inquiétude grandit aussi dans le monde agricole. Cette baisse de niveau risque d’avoir des répercutions sur l’abreuvage du bétail et sur l’arrosage des champs.
Les actions de VNF ralenties par le confinement
« Si on avait su les conditions météorologiques de ces 5 dernières semaines on aurait agi en amont, mais il y a 5 semaines on ne savait pas » reconnait Thierry Feroux, directeur opérationnel à VNF Centre-Bourgogne.Mais avant tout il tient à rappeler la situation avant le confinement. « Sur la première quinzaine de mars les niveaux des cours d’eau étaient élevés en Bourgogne-Franche-Comté. Les barrages se sont ouverts. Une fois qu’ils sont ouverts on ne peut pas les rehausser lorsqu’il y a trop de débit. De plus c’est vrai qu’à ce moment-là notre priorité était d’éviter les inondations ».
Depuis ce moment les pluies ont boudées la région et le Covid-19 est venu modifier les conditions de travail de VNF. Thierry Feroux nous explique. « A partir du 15 mars nous ne sommes pas intervenu pendant une quinzaine de jours. Toutes les activités de loisirs étant interdites on a réfléchi à deux fois avant de sortir dans les secteurs où il n’y avait pas de fret. »
Depuis début avril les interventions ont repris mais demandent plus de temps qu’avant le Covid. Il ajoute. « Sur l’Yonne nous avons une quarantaine de barrages qui nécessitent beaucoup de personnes. En ce moment c’est compliqué de réunir une dizaine d’agents en respectant les gestes barrières. Notre rythme d’intervention est largement plus lent qu’auparavant. Nous sommes déjà intervenus en amont d’Auxerre mais cela prend du temps. D’autant que lorsque l’on ferme un barrage cela assèche le bief à l’aval. Il faut donc attendre qu’il se remplisse pour fermer le précédent. Et comme en ce moment le débit de l’eau est faible cela prend plus de temps ».
Vincent Chevalier, responsable de l’UTI Nivernais-Yonne à VNF, ajoute que "140 interventions ont été menées depuis le début du confinement ce qui représentent 500 heures de travail". A la critique faite par les créateurs de la page Facebook et les pêcheurs de ne s'occuper que des voies commerciales qui rapportent de l'argent, il répond que c'est effectivement le rôle de VNF : "sur un secteur commercial ouvert à la navigation, il faut que les péniches puissent naviger avec un niveau d'eau suffisant, sinon cela pose un problème".
Les contributeurs de la page facebook « Alerte rivières et canaux » disent rester attentifs à l’efficacité de ces actions.
Le reportage de Muriel Bessard et Gabriel Talon à Auxerre:
Intervenants :
- David Rosse, co-créateur de la page "Alerte rivières et canaux"
- Cyril Rosse, co-créateur de la page "Alerte rivières et canaux"
- Didier Barbier, président de l’Union des Pêcheurs auxerrois