Le pont de Cézy (Yonne) fait l'objet de 18 mois de travaux à partir de ce 20 novembre. Depuis son ouverture en 1846, l'ouvrage n'avait jamais connu des rénovations d'une telle ampleur.
Il fait partie de ces ouvrages dont l'Yonne est fière. Depuis le milieu du 19e siècle, le pont de Cézy trône au-dessus de la rivière qui porte le même nom que le département, entre les communes de Saint-Aubin-sur-Yonne et Cézy. À compter de ce 20 novembre 2023, il est fermé à la circulation en raison d'importants travaux.
En plus de 150 ans d'existence, le pont n'a connu que quelques aménagements et retouches. "Mais jamais il n'a connu de travaux aussi importants", commente Béatrice Kerfa, directrice de l'office de tourisme de Joigny, commune voisine de Cézy.
Avant le pont, les barques
"Avant, à Cézy, c'est bien simple : il n'y avait pas de pont. Pour traverser l'Yonne, il y avait des passeurs qui avaient des barques. Puis au milieu du 19e siècle, le conseil départemental décide de rénover des ponts et d'en construire d'autres", continue celle qui est également guide conférencière.
Cézy fait donc partie des heureuses élues. "Je compare souvent ça aux autoroutes. Une société a gagné le marché, elle a réalisé le pont, a presque tout payé, puis a imposé un droit de péage", explique Béatrice Kerfa.
C'est très drôle de lire le règlement de l'époque. Il y avait des tarifs différents pour les moutons, les poulets, les bœufs... Les personnes qui se promenaient devaient payer plus cher que les commerçants aussi ! Je crois que seul le curé et les militaires pouvaient traverser le pont gratuitement.
Béatrice KerfaDirectrice de l'office de tourisme de Joigny
Pour mener à bien ces opérations, pas de télépéage quand on s'approche de la barrière. Deux gardiens élisent à l'époque domicile des deux côtés de l'Yonne dans des maisons spécialement construites. Celle encore restante en 2023 sera d'ailleurs détruite pendant les travaux.
"Quand il est arrivé, le pont a changé la vie des habitants de Cézy et de Saint-Aubin. Il faut dire que c'est une vraie prouesse technique", commente Béatrice Kerfa. Dans le secteur, d'autres ponts suspendus sont érigés, comme à Bassou, à 20 kilomètres de là. "Celui de Cézy est le seul pont suspendu qui existe encore dans l'Yonne", fait remarquer la directrice de l'office de tourisme.
Sous le pont, la nature remplace les bateaux
Vingt ans après la mise en service du pont, le transport fluvial gagne en importance. Il est alors décidé de construire des canaux de dérivation sur l'Yonne aux endroits où la rivière forme des boucles pour faciliter le passage des bateaux. Trois dérivations voient alors le jour : à Cézy/Joigny, Gurgy et Courlons-sur-Yonne (voir carte ci-dessous).
Résultat, des changements s'opèrent non plus sur le pont, mais en dessous. "Tout change et la rivière redevient sauvage. Les pêcheurs se la réapproprient, c'est un endroit magnifique ! Il y avait une gare ici avant et on se ruait à Cézy pour pêcher", se réjouit Béatrice Kerfa.
"Les photos de mariages, on ne les compte plus"
De nos jours, les dérivations sont toujours utilisées, permettant à la nature de proposer un superbe spectacle sous le tablier du pont. "Dès qu'il y a une exposition de photos dans le coin, il y a forcément le pont de Cézy. Les photos de mariages, on ne les compte plus!"
Toujours au début du 20e siècle, des feux de circulation font leur apparition, et de plus en plus de voitures roulent sur les routes icaunaises. Les camions aussi. "Tout cela est très lourd et on s'est rendu compte que le pont s'abîmait vite. Les autres ponts suspendus du secteur vont être détruits au profit de ponts plus solides."
Cézy plie mais ne rompt pas
Mais pas celui de Cézy. Alors on limite les passages à une voiture (une règle plus ou moins respectée) et la circulation y est interdite dès que le mercure passe sous les 5°C. Malgré tout, l'ouvrage reste fragile et des travaux de grande ampleur deviennent de plus en plus urgents. Pendant un an et demi, jusqu'en mai 2025, le pont sera donc totalement coupé à la circulation.
"Ça va nous plonger dans un autre temps, quand nos aïeux n'avaient pas de pont", sourit Béatrice Kerfa. À la différence près que pour passer de Cézy à Saint-Aubin (ou l'inverse), pas de barque comme à l'époque, mais une déviation d'un dizaine kilomètres.
En 2023, un livre dédié à l'histoire du pont a été publié sous la plume de Brigitte Guyonnot. Le livre est disponible à la vente à l'office de tourisme de Joigny.