Après un hiver doux et humide, la drosophile « suzukii » a fait son apparition. Cet insecte est très nuisible pour les vergers. Mais les producteurs de cerises français n’ont plus le droit d’utiliser le diméthoate, interdit depuis le 1er février. Ils sont inquiets.
Le diméthoate est en effet le traitement le plus efficace pour lutter contre cette mouche. Les autres traitements sont également plus chers. Or, les producteurs des autres pays européens ont le droit d’utiliser ce diméthoate. La France a donc saisi le 29 mars dernier, la commission européenne pour demander l'interdiction généralisée de ce pesticide sur les fruits et légumes. En cas de retour négatif de Bruxelles, la France pourrait interdire la commercialisation de cerises traitées au dimothéate qu'elles soient produites sur le territoire ou ailleurs dans le monde.#diméthoate: demande interdiction UE. Assurer la sécurité du conso, éviter les risques de distorsion de concurrence pic.twitter.com/ZuaOKkkbRI
— Stéphane Le Foll (@SLeFoll) 29 mars 2016
Qu’est-ce que la drosophile suzukii?
La suzukii est une petite mouche observée pour la 1ère fois au Japon dans les années 30. Elle pond ses œufs dans des fruits lorsqu’ils sont murs. Les larves se développent en mangeant la pulpe des fruits. Les ravages sont donc particulièrement importants, d’autant plus que cette mouche se nourrit de beaucoup de fruits différents, qu’elle se multiplie très vite et qu’elle s’adapte facilement aux conditions climatiques. Elle est arrivée en Europe du sud en 2008. Depuis sa progression a été très rapide, elle est aujourd’hui présente dans une bonne partie de l’Europe.Comment lutter contre la suzukii?
Jusqu’à présent le seul traitement efficace était le diméthoate, un insecticide très puissant. Mais il est aussi très nocif pour la santé, au point que l’an dernier déjà des producteurs eux-mêmes se sont inquiétés des conséquences sur la santé des fruits traités au diméthoate.En France, l'ANSS (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) a décidé d’interdire ce pesticide à partir du 1er février.
L’INRA tente aujourd’hui de trouver d’autres parades. Les pistes de recherche s’orientent vers la découverte d’un prédateur, le lâcher de mâmes stériles ou l’utilisation de produits moins nocifs. Mais ceux qui existent déjà coûtent très cher.
=> pour en savoir plus, un article de Reporterre

Les producteurs de cerises s'inquiètent : un insecticide est interdit depuis le 1er février. or, c'était le seul produit efficace et pas trop cher pour lutter contre un insecte ravageur. Reportage à Coulanges-la-Vineuse (Yonne) de Stéphane Robert, Yoann Etienne et Cécile Frèrebeau avec Yves Lemoule, producteur
•
©France 3 Bourgogne
Les producteurs de cerises inquiets pour leur récolte, après l'interdiction d'un insecticide dangereux (AFP)
Les cerises françaises peuvent-elles résister aux attaques dévastatrices d'un moucheron sans diméthoate, un insecticide récemment interdit? Les agriculteurs s'inquiètent de l'absence de traitement alternatif, alors que les fruits presque mûrs seront particulièrement vulnérables dans quelques semaines.Protection de la santé publique contre survie économique des producteurs
Pour la Confédération paysanne, 3e syndicat agricole, le problème du diméthoate est un "cas d'école". "Dans cette affaire, l'Etat est face à un double impératif: celui de la protection de la santé publique, et celui de la survie des producteurs de cerises", écrivait récemment le syndicat dans un communiqué.
Le diméthoate, un insecticide organophosphoré, déjà interdit pour la plupart des productions mais encore autorisé pour les cerises, a été retiré du marché le 1er février par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). L'Anses pointe des "risques inacceptables" pour le consommateur, les cultivateurs ainsi que pour les oiseaux et les mammifères. Mais les producteurs de cerises français se disent du coup démunis face à la drosophile suzukii, un moucheron invasif arrivé en France vers 2010, qui a pour particularité de s'attaquer aux fruits en train d'arriver à maturité.
Ce moucheron de 2mm, qui se reproduit à une vitesse fulgurante, s'attaque surtout aux fruits rouges, aux tomates, et peut détruire la totalité de la production d'un verger. "Nous risquons de faire faillite. L'Etat a accordé à mon fils le droit de s'installer mais ne lui donne pas les moyens pour lutter contre la drosophile suzukii", déplore François Soubeyran de la FDSEA Ardèche. Ses 20 hectares de cerisiers représentent 96% de son revenu.
Les alternatives sont coûteuses
D'autres molécules chimiques peuvent être utilisées, comme les spinosines ou le cyantraniliprole, mais "elles sont 8 à 10 fois plus chères que le diméthoate et peu efficaces étant donné la rapidité de reproduction du moucheron", explique Emmanuel Aze de la Confédération paysanne. Les filets anti-insectes qui pourraient servir de parade coûtent bien trop cher: 20 à 30.000 euros/hectare. "Je me pose la question de régler le problème à la tronçonneuse, comme beaucoup", et de se concentrer sur d'autres fruits moins problématiques, regrette M. Aze, pourtant très concerné par l'environnement, qui a renoncé à utiliser le diméthoate au vu de sa toxicité élevée.
"Le diméthoate reflète de manière très explicite que pour sortir des pesticides, il y a un problème de coût", regrette-t-il. "Si on ne fait rien, on aura plus de cerises en France dans trois ans", estime carrément Luc Barbier, président de la section fruits de la FNSEA, syndicat majoritaire. Non seulement parce que les arboriculteurs risquent d'abandonner les cerises. Mais aussi parce que les importations, qui représentent déjà la moitié de la consommation française de cerises, pourraient grimper en flèche depuis les pays où le diméthoate est encore autorisé, comme en Espagne ou en Turquie.
Le gouvernement demande à l'Union Européenne d'agir
La FNSEA, syndicat agricole majoritaire, a donc demandé au ministère de l'Agriculture une dérogation de 120 jours, le temps de pouvoir traiter les cerisiers au diméthoate fin avril-début mai, avant que les cerises ne commencent à rougir et à attirer les moucherons gourmands de sucre.
Stéphane Le Foll a choisi cette semaine une stratégie différente, assurant qu'il s'agit de préserver les intérêts économiques des producteurs tout en protégeant le consommateur. Le ministre a demandé à la Commission européenne d'interdire en urgence le diméthoate dans toute l'UE, ainsi que la mise sur le marché de cerises provenant de pays ou d'Etats membres dans lesquels l'insecticide est autorisé. Sans réponse de Bruxelles d'ici mardi prochain, la France déclenchera une clause de sauvegarde nationale pour interdire la commercialisation dans l'Hexagone de cerises traitées au diméthoate, une mesure très rarement déclenchée.
La Confédération paysanne demande une prise en charge partielle des pertes et un plan national d'aide pour financer l'installation des filets.