Anne de Bretagne, figure mythique de l'histoire bretonne

Dernière souveraine de Bretagne avant son mariage avec le roi de France, la duchesse Anne, morte voilà 500 ans le 9 janvier 1514, reste un mythe vivace dans une région taraudée par son histoire, comme le montre la résurgence de la fronde des "Bonnets rouges".

Messes, expositions, colloques, concerts et même un timbre frappé à son effigie : l'année 2014 est placée en Bretagne sous le signe de la duchesse Anne, qui ne manquait déjà pas de rues, statues, hôtels... jusqu'à des bouteilles de bière et un opéra-rock à son nom.

"Elle a obligatoirement un côté emblématique: c'est la dernière duchesse de Bretagne", relève Patrick Malrieu, président de l'Institut culturel de Bretagne, notant que l'union d'Anne avec Charles VIII "n'était pas un mariage d'amour". "Le roi de France aimait tellement la duchesse de Bretagne qu'il l'a assiégée" pendant cinq mois à Rennes, jusqu'à ce que l'adolescente de 14 ans accepte le mariage, raconte-t-il.

Fabuleux destin que celui d'Anne de Bretagne: duchesse à neuf ans, convoitée d'abord par le futur roi d'Angleterre, elle finit par épouser par procuration Maximilien d'Autriche, suscitant la colère du voisin français qui craint d'être pris à revers.

Forcée par le siège de Charles VIII de renoncer à l'Autrichien, elle l'épouse en 1491. La voilà reine de France, apportant en dot son duché. A la mort de Charles, six ans plus tard, elle doit convoler avec son successeur, Louis XII. Anne est sacrée une deuxième fois, cas unique dans l'Histoire.

Histoire de bien arrimer la Bretagne à la France, sa fille Claude épousera François Ier, qui imposera à la province un édit d'union en 1532. Cinq siècles plus tard, voilà que la duchesse fait un retour en force sur l'échiquier politique local. Les manifestants bretons opposés à l'écotaxe poids lourd, assurent en effet que c'est grâce à Anne que les routes sont toujours gratuites en Bretagne.

"Le contrat de mariage stipulait +pas d'octroi sur mes routes+", assure Jacques-Yves Le Touze, coordonnateur du Comité Anne de Bretagne qui centralise les commémorations du cinq-centenaire. Pour lui, "la Bretagne avait un système d'imposition différent qui a été sauvegardé dans les contrats de mariage et l'édit d'union".


"Un peu comme Jeanne d'Arc"


Mais la révolution de 1789 est passée par là et le rôle d'Anne de Bretagne dans l'absence de péages "est un mythe absolu", tranche l'historien Alain Croix. Si les quatre-voies sont gratuites, les Bretons le doivent au Plan routier breton approuvé par le général de Gaulle en 1969...

La duchesse reste pourtant largement considérée sur ses terres comme "le symbole de la Bretagne écrasée par le royaume de France", estime M. Croix, qui relève qu'Anne ne parlait pas le breton et que l'union à la France à l'époque "n'a posé aucun problème: on n'a pas demandé l'avis du peuple..."

Didier Le Fur, auteur en 2000 d'une biographie de la duchesse, estime qu'avant même le mariage à Charles VIII, la Bretagne faisait déjà partie de la France, même si elle n'entrait pas dans le domaine royal et conservait certaines particularités comme le droit de battre monnaie. "En aucun cas ce n'était une principauté libre", assure-t-il.

"Comme Anne est la dernière duchesse de Bretagne, on lui a construit une image de résistante, un peu comme Jeanne d'Arc", relève-t-il. "C'est un emblème par rapport à une identité bretonne complètement mythifiée: celui d'une Bretagne qui serait toujours au bord de la révolution".

Dans une région "où le sentiment identitaire est beaucoup plus répandu" qu'ailleurs, selon Alain Croix, un symbole historique peut rassembler les foules, comme le fameux bonnet rouge, qui fait écho à une révolte fiscale de 1675.

"Les Bretons n'en ont rien à fiche de l'indépendance", assure Patrick Malrieu, de l'Institut culturel de Bretagne. "Ce qui est vrai, et ça resurgit dans les revendications des Bonnets rouges et autres, c'est qu'il y a une volonté d'autonomie locale", selon lui.
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