Acculés, les légumiers bretons estiment être les victimes d'une crise conjoncturelle, certes, mais subissent aussi de plein fouet la politique de la grande distribution, qui fait pression pour faire baisser les prix. Un cocktail explosif qui apporte un éclairage aux débordements de ce week-end.
L'exaspération des légumiers bretons, qui ont incendié vendredi le centre des impôts et la Mutualité sociale agricole de Morlaix (Finistère), est plus que partagée dans le monde agricole, où le risque de voir éclater d'autres colères est important. En effet, la chute des cours, liée à des productions abondantes et à l'embargo russe sur les fruits et les légumes, ainsi que la surabondance des céréales sur le marché mondial se conjuguent à la révision des aides européennes.
Un cocktail détonnant
La région souffre d'une surproduction d'artichauts, qui "entraîne une nette baisse des cours", de l'ordre de 20% à 40%, observe l'Inter-profession des fruits
et légumes frais (Interfel). Mais "ce n'est pas un problème spécifiquement breton, l'ensemble de la production de fruits et légumes est en difficulté", relève Guy Vasseur, président de l'assemblée permanente des Chambres d'agriculture.
L'embargo russe, qui prive les producteurs de débouchés en une année particulièrement faste en termes de rendements, cause beaucoup de tort aux producteurs européens
et les 125 millions d'euros débloqués en urgence par la Commission européenne à la mi-août sont notoirement insuffisants. "Il faudra d'autres décisions, sinon les gars ne pourront pas tenir", prédit M. Vasseur. Privés jusqu'à cette année des aides directes de la politique agricole commune (PAC), les producteurs de fruits et légumes sont à la merci des importations espagnoles ou d'Europe de l'Est, où la main d'oeuvre est bien moins chère. Mais aussi du "comportement de la grande distribution qui appuie encore plus pour écraser les marges", dénonce le président des Chambres.
Survolez la photo pour comparer les prix auxquels vendent les producteurs avec ceux pratiqués par la grande distribution :
Gwenaël Simon, légumier dans le Finistère nord, en est un bon exemple : ses échalotes lui ont été payées 8 centimes d'euros le kilo la semaine dernière, alors qu'elles lui reviennent à 40 ou 50 centimes et surtout qu'il les voit en vente en supermarché à des prix au minimum dix fois plus élevés. Il vend encore 20 centimes la tête d'artichaut et 30 centimes le choux-fleur. Les distributeurs, l'Etat et ses taxes, la mutualité sociale agricole, les concurrences hollandaises et allemandes, voilà pêle-mèle les causes de sa détresse.
Reportage au pays de Saint-Malo, troisième zone légumière de Bretagne :
Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, recevra mercredi matin les représentants des agriculteurs du Léon (Finistère). Une autre réunion prévue dans le cadre du suivi de l'embargo aura lieu vendredi avec les syndicats de producteurs de fruits et légumes. "Nous sommes dans une crise conjoncturelle à cause des aléas climatiques et de l'embargo russe, nous avons déjà engagé un dialogue depuis plusieurs semaines", a rappelé M. Le Foll.
Parmi les leviers d'action possible côté ministériel, on évoque toujours la possibilité d'un allégement et d'un étalement des charges. Mais l'hypothèse évoquée d'une suppression des exonérations de cotisations pour l'emploi de saisonniers a douché les espoirs la semaine dernière.