Le syndicat des Jeunes agriculteurs (JA) part en guerre contre "les viandes de nulle part" vendues sans mention d'origine, et a profité du Salon de l'Agriculture pour effectuer des inspections sur les stands de la grande distribution. Ce sont les éleveurs bretons qui ont lancé cette initiative.
Samedi 21 février, jour d'ouverture du Salon de l'Agriculture, les jeunes agriculteurs ont ciblé le rayon charcuterie de Lidl, l'enseigne ex-hard discount en pleine reconversion, qui fait cette année son entrée sur le Salon, et où les paquets de jambons font au mieux mention d'une origine européenne. "Il s'agit d'alerter le public sur les viandes dont on ne connaît pas l'origine", indique le patron des JA, Thomas Diemer, qui a interpellé le président François Hollande le matin même sur cette requête persistante des éleveurs, mais toujours pas entendue au niveau européen.
Une initiative partie de la Bretagne
L'idée d'inspecter les rayons des grandes surfaces est partie des JA du Finistère, où la filière porcine traverse, comme ailleurs, beaucoup de difficultés, avec une forte chute des cours. Ces derniers ont commencé leurs actions début février dans les enseignes du département, étudiant de près les étiquettes du jambon et des lardons, et les signalant en rayons au moyen d'autocollants: jaune et noir pour la "viande de nulle part", rose pour la "viande d'origine connue". "Notre idée est de mener un combat positif en entraînant le consommateur avec nous", explique David Louzaouem, secrétaire général des JA-29. "On veut que la traçabilité impeccable du produit français à la production soit déclinée tout au long de la chaîne, jusqu'à la mise en rayon".Les JA multiplient aussi les contacts avec les responsables des achats de la grande distribution, pour les sensibiliser. "Mais ils nous disent qu'ils ont le plus grand mal à se faire entendre des grands groupes", reprend M. Louzaouem. Même dans le grand Ouest (Bretagne, Pays de Loire) qui produit 14 des 21 millions de porcs français, "on n'est pas à l'abri du porc espagnol" poursuit-il, même s'il assure que les enseignes de ces départements sont plus vigilantes. En moyenne nationale, les JA considèrent que 70% au moins de la viande est vendue sans précision d'origine, malgré la communication incitant au "patriotisme alimentaire" pour soutenir les filières en difficulté. "Et dans le hard-discount, on est près de 0%". Ils brandissent ainsi un paquet de jambon d'une célèbre marque (Madrange) avec un macaron tricolore et la mention "élaboré en France". Mais produit en Espagne ou ailleurs. Seule la viande de boeuf fraîche est actuellement soumise à une obligation d'étiquetage d'origine au sein de l'UE.
Après le scandale des lasagnes au cheval (au lieu de boeuf) en février 2013, la France avait réclamé une mention d'origine sur les plats transformés (dont le jambon) et les viandes, mais n'avait pas été suivie à Bruxelles. Pourtant, les fruits et légumes vendus au détail doivent préciser l'origine en caractères de taille égale à celle du prix, ainsi que pour les produits de la pêche, le miel et l'huile d'olive. Or, avec 34 kilos par an et par habitant, le porc est la première viande consommée en France, devant la volaille, qui n'est pas non plus soumise à l'étiquetage d'origine, rappellent les JA.
En attendant, ils promettent de rafraîchir leurs autocollants au fur et à mesure que les enseignes corrigent les étiquettes: "on le fait deux fois par semaine" affirme David Louzaouem. "On a même des responsables de magasins qui réorganisent leurs rayons en distinguant viandes de France, viandes européennes et viandes sans mention", précise-t-il.