Aneirin Karadog et la grande aventure de la poésie galloise, racontés dans un documentaire

Le documentaire "Aneirin Karadog, poète en terre de poètes" raconte le parcours d’un jeune poète gallois. En 2016, il est honoré par la remise d'une chaise pour un poème lors de l’Eisteddfod nationale, la fête du gallois. Découvrez ce film le samedi 4 mai à 10 h 45. 

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Aneirin Karadog est un des poètes gallois contemporains les plus connus. Il écrit de la poésie depuis son plus jeune âge. En 2016, il a gagné le plus grand honneur que puisse obtenir un poète gallois : une chaise remise pour un poème lors de l’Eisteddfod nationale, la fête du gallois. Dans le documentaire ""Aneirin Karadog, poète en terre de poètes", il nous raconte la grande aventure poétique galloise et, dans la langue de sa mère, le breton, il enquête sur ses correspondances en Bretagne. Un film à voir le 4 mai à 10 h 45 dans l'émission Bali Breizh.


L’Eisteddfod nationale, la fête de la langue galloise


L’Eisteddfod est le plus grand festival du Pays de Galles. Chaque année il accueille 170 000 galloisants durant une semaine début août. A chaque fois dans une ville différente, alternativement dans le nord et dans le sud du pays, de façon à encourager partout la population à pratiquer le gallois. Certains viennent à l’Eisteddfod  pour les concerts, d’autres pour les cérémonies de la Gorsedd – assemblée des druides –, d’autres pour les stands d’associations et de livres, pour le théâtre, beaucoup y viennent pour les très nombreux concours : chorales, piano, chant lyrique, harmonies, et surtout poésie !


La poésie à l’Eisteddfod nationale


Dès le début de l’Eisteddfod se tient la finale de Talwrn y Beirdd, un concours de poésie diffusé chaque dimanche soir depuis quarante ans sur BBC Radio Cymru, la radio publique galloise totalement en gallois. Lors de la finale, l’assistance nombreuse témoigne de l’attachement populaire à la poésie. Ici, pas de poètes torturés. Deux équipes s’affrontent et composent sur des thèmes et dans des formes poétiques imposés. Ils versifient dans la joie sur la Ligue des Nations, le Tour de France emporté par le Gallois Geraint Thomas ou encore la vie politique galloise. 

Tout au long de la semaine de l’Eisteddfod se tiendront des one-man-show versifiés devant des centaines de spectateurs, des lectures plus intimistes dans un café, et chaque jour le concours "Ymryson y Beirdd" (le combat des poètes), championnat qui voit s’opposer plusieurs équipes. Aneirin Karadog est de tous ces événements, il remplit sa semaine d’Eisteddfod de poésie. La tradition de joutes poétiques au Pays de Galles est très ancienne. Il se dit que le plus célèbre poète gallois, Dafydd ap Gwilym, du XIVe siècle, avait par ses vers tué un autre poète ! Au Pays de Galles, sa renommée dépasse celles de Chaucer ou Villon.   
 


La "cynghanedd", une versification complexe et un apprentissage long


"Cynghanedd" : ce mot signifie "harmonie". C’est une façon d’organiser les mots et les rimes dans le poème, pour produire une harmonie sonore et par elle mieux se souvenir du poème. Elle se caractérise par des rimes et des allitérations nombreuses dans les vers. Un poème devient un véritable puzzle. Les ouvrages sur les règles de la "cynghanedd" et ses subtilités sont très nombreux. Il faut plusieurs années pour maîtriser ce système de versification. Aneirin Karadog le présente comme une langue au sein même de la langue galloise. Le parcours d’apprentissage est jalonné de concours et de récompenses, notamment des chaises, en souvenir de la place qu’occupaient les poètes de cours auprès de leur seigneur au Moyen-Âge.

Aneirin Karadog a d’abord étudié la cynghanedd à l’école. À quinze ans, Aneirin gagne sa première petite chaise en bois, contre des concurrents un peu plus âgés. Au lycée, il suit des cours du soir de cynghanedd à l’Université de Cardiff. Sa professeur de gallois lui propose de donner quelques cours de cynghanedd à ses camarades de classe. En 2001, il est étudiant au New College d’Oxford et il remporte une belle grande chaise lors d’une Eisteddfod inter-universitaire. A 24 ans, en 2005, il remporte la chaise, encore plus grande, de l’Urdd Gobaith Cymru, un concours réservé aux moins de 25 ans. Lui en avait 24. Depuis, il n’a jamais arrêté d’écrire en cynghanedd : plus on en use, plus belle elle est. 


La cynghanedd, une tradition très ancienne


Les règles de cette versification ont été établies précisément au XIVe siècle, grâce à une longue tradition de poètes de cours qui ainsi se réservaient cet art à l’acquisition difficile et protégeaient leur métier. Mais en vérité cette tradition d’organiser les sons dans le vers et entre les vers est bien plus ancienne. Au VIe siècle, les deux célèbres poètes gallois Taliesin hag Aneirin laissaient déjà entrevoir les prémices de cet art. Le plus célèbre poème d’Aneirin, Y Gododdin, se trouve dans un manuscrit du XIIIe siècle. Il aurait d’abord été transmis oralement avant de se voir copié de manuscrit en manuscrit jusqu'à celui aujourd'hui conservé à la Bibliothèque Nationale du Pays de Galles à Aberystwyth. Il décrit une bataille perdue par les Gallois dans une terre qu’ils habitaient alors, située au sud de l’Ecosse et au nord de l’Angleterre.

Au VIe siècle, les langues des parents d’Aneirin Karadog, le gallois et le breton, devaient être bien plus proches qu’aujourd’hui. Aneirin a été élevé au Pays de Galles, en gallois par son père et en breton par sa mère. Sa mère est bretonne. Enfants, Aneirin et son frère Hefin ont passé tous leurs étés en Bretagne, à Kerlouan, en Pays Pagan, loin de l’Eisteddfod.


Des rimes internes en Bretagne aussi


À la Renaissance, entre 1350 et 1650, un type de rimes internes utilisé en gallois était aussi très utilisé en breton. Plusieurs milliers de vers en témoignent. Quelques-uns sont gravés dans la pierre, sur l’église de La Martyre en Léon, sur le mur du cimetière de Ploubezre, sur une poutre du XVe siècle à Sainte-Tréphine… C’est évidemment essentiellement dans des manuscrits et des livres imprimés qu’ils se trouvent. Ce sont des œuvres écrites par des clercs qui souvent parlent des fins dernières pour encourager les hommes à une vie exemplaire. Ankou, enfer froid, vies de saints veulent instruire le pêcheur et le mener au salut de son âme.

Ces écrits ont été redécouverts, étudiés et réédités à partir du XIXe siècle par Le Gonidec, La Villemarqué, et Emile Ernault. Au XXe siècle, des poètes bretons décident de renouer avec cette versification : Taldir-Jaffrennou, Xavier Langleiz, Roparz Hemon, Gwilherm Berthou Kerverziou, Alan Botrel, Herve Seubil gKernaudour, Paskal Tabuteau…


Le poète, un homme populaire au Pays de Galles


Aneirin Karadog est président de l’association Barddas. Elle publie une revue trimestrielle de poésie depuis quarante ans, des recueils de poésie et des études (huit à dix ouvrages par an) et propose aussi des stages de poésie. Aneirin lui-même a écrit plusieurs ouvrages pour des lecteurs de tous âges. Aneirin Karadog est un des rares poètes à vivre de la poésie. Pour un écrivain gallois, il est plus facile de vivre du théâtre, de la fiction télévisée ou du roman. Malgré cela, la poésie a une grande importance sociale au Pays de Galles encore aujourd’hui. Les poètes sont sollicités à l’occasion des décès, des mariages, des naissances ou de la Saint-Valentin, tous les grands événements de la vie. Aneirin Karadog et son ami Eurig Salisbury ont déjà été sollicités par une banque pour écrire un poème publicitaire.

Environ cinq cents personnes sauraient écrire en cynghanedd au Pays de Galles. Pourtant, ce savoir se perd. Pour le populariser, le gouvernement gallois a créé l’emploi de "Poète des enfants du Pays de Galles" en 2000. Il est occupé par un nouveau poète tous les deux ans. Le poète des enfants se rend dans les écoles, travaille avec les enseignants, crée des outils pédagogiques pour encourager les enfants à jouer avec les mots. Aneirin Karadog a été "poète des enfants du Pays de Galles" de 2013 à 2015 : il se souvient avoir rencontré plus de 5000 enfants de 4 à 19 ans, s’être rendu dans plus de 80 écoles à travers tout le Pays de Galles. Aneirin est pourtant inquiet car si le mot cynghanedd est connu des gallois, ses règles ne sont plus enseignées qu’au bon vouloir des enseignants. Si les oreilles des nouveaux galloisants ne sont plus aussi formées à cette poésie, il craint de perdre un élément essentiel de sa relation de poète à ses lecteurs et auditeurs. Chez lui, pour habituer ses enfants à la cynghanedd, il leur lit le soir des poèmes primés à l’Eisteddfod.


La chaise de l’Eisteddfod nationale


En 2016, Aneirin Karadog a remporté la plus grande récompense pour un poète gallois : la chaise de l’Eisteddfod nationale pour un poème de 250 vers en cynghanedd. Eisteddfod provient du mot "eistedd", "asseoir", en souvenir de la place du poète au Moyen-Âge. Des Eisteddfodau se déroulent tout au long de l’année mais le plus important est l’Eisteddfod nationale. La cérémonie où est récompensé le poète de l’année vient clôturer l’Eisteddfod, des milliers de personnes y assistent et elle est retransmise en direct à la télévision.

Aneirin avait déjà écrit cinq fois pour ce concours précédemment. En 2016, il avait abandonné son métier de journaliste à la télévision galloise pour n'être plus que poète à temps plein, rémunéré notamment pour la rédaction d’une thèse de doctorat en poésie. Pour cela, ses poèmes l'habitaient nuit et jour. En 2016, sur le thème imposé de "frontières", son poème trace le parcours d’un jeune homme déterminé à être soldat contre l’avis de son père. Il évoque les malheurs des guerres et les réfugiés qu’elles entraînent sur les routes.
 
La poésie peut parler à la conscience d’un peuple, affirme Aneirin. Elle peut vivifier une langue. Le gallois est aujourd’hui parlé par 560 000 personnes, soit 19% de la population. Le gouvernement gallois souhaite atteindre un million de locuteurs d'ici 2050. L’Eisteddfod est la fierté des Gallois et des amoureux de la langue galloise et de sa littérature. Aucun pays au monde ne donne ainsi la première place à la poésie lors de son plus grand festival culturel.
 
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