Des appartements airbnb pour loger en urgence les femmes victimes de violence

Pendant le confinement un propriétaire de Dinan joue la solidarité tandis que les associations assurent une veille et un accompagnement permanents.

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Trouver des solutions d'hébergement aux femmes qui fuient leur conjoint violent est un casse-tête en temps normal pour les associations. A fortiori en temps de confinement, la question devient encore plus épineuse. Stéphanie Le Gal-Gorin, coordonnatrice de l'Espace Femmes à Dinan s'inquiétait de situations qui pourraient s'aggraver pendant cette période particulière.

La bonne surprise est venue de l'initiative d'un propriétaire de Dinan. Loïc Briand a proposé gratuitement un T2 et un T4 entièrement équipés durant ces semaines en suspens.

C'était comme une évidence, explique le marin-chef d'entreprise, ma mère m'a mis la puce à l'oreille au début du confinement, en me parlant de ces femmes enfermées avec leur bourreau... J'ai deux locations meublées de courte durée qui, après travaux, étaient inoccupées. Pourquoi les laisser vides quand il y a des besoins ?


Ni une, ni deux, Loïc Briand contacte le réseau d'entraide, une convention est passée avec l'association Steredenn.
Dès début avril, les logements sont mis gracieusement à disposition, les charges réglées par l'association.

Mathilde a été la première à être accueillie dans l’un de ces logements.
Le 16 mars, la veille du confinement, la jeune femme a pris la décision de quitter le domicile conjugal et son mari violent. Avec ses 3 enfants, elle s’est réfugiée chez une amie. Avant d’être logée dans un hôtel social pendant 2 semaines.

Grâce à l'accompagnement d'une conseillère familiale de Steredenn, elle a emménagé dans ce T4 où il n'y avait plus qu'à poser ses valises.

 


« Passer d’une chambre de 9 m2 à un appartement où il y a de l’espace, c’est magnifique ! J’étais soulagée de pouvoir souffler avec mes enfants de 7 ans, 2 ans et demi et 5 mois, raconte Mathilde. Il y avait tout : des jouets pour qu’ils se sentent bien, du linge de lit, une table à langer… Le propriétaire avait même fait les courses ».

" J’étais un peu gênée, poursuit la jeune Maman, il a fait beaucoup pour moi, pour mes enfants. J’ai été très touchée de toutes ses attentions. De voir cette générosité de gens que l’on ne connait pas.   
 Je ne regrette pas d’être partie. Mes enfants ne vivent plus dans les hurlements, les insultes. C’est un bouleversement pour eux évidemment, mais ils sont plus calmes, plus sereins ».


Une solution innovante sur le long terme


Dans cet environnement apaisé, les femmes accueillies prennent le temps de se reconstruire. "Le temps nécessaire", précise Loïc Briand qui estime que d'une façon générale, l'entrepreneuriat doit être social, écologique et économiquement viable.

Après le confinement, cette nouvelle convention s'inscrira dans la durée. Les loyers seront alors adaptés aux charges réelles de la société, à des tarifs inférieurs aux loyers classiques.

« C'est une solution innovante sur le long terme, explique Yann Geindreau, directeur de l'association Steredenn. Certaines femmes arrivent directement de chez elles. Sans rien. Elles peuvent s'installer immédiatement. Le système est souple. En cas de nécessité, on fait une demande, on a la réponse dans les 24 heures.
On ne paye un loyer que lorsque le logement est utilisé. Le reste du temps, le propriétaire peut le louer comme bon lui semble. On a pu ainsi reloger temporairement trois femmes». 

 

Le confinement nous a obligé à improviser


Pendant tout le confinement, le réseau d'aide aux femmes victimes de violences a fonctionné 7 jours sur 7 dans les Côtes d'Armor. De l'avis de tous, une belle chaîne de solidarité s'est mise en place entre la gendarmerie, l'hôpital, les services sociaux du département, la justice, les associations. 

Stéphanie Le Gal-Gorin, qui assure habituellement des permanences à l'Espace Femmes de Dinan, a ouvert une écoute téléphonique chez elle, chaque jour de 8h à 20h. 

 



Au silence inquiétant de la première semaine, ont succédé de nombreux appels de victimes et de proches inquiets. 

"L'enfermement, ça alimente beaucoup les angoisses. Pour certaines femmes, c'était une séquestration légale. Impossible de sortir pour chercher de l'aide ou parler, elles étaient encore plus coincées que d'habitude. Sous surveillance permanente. Pour d'anciennes victimes, confinement a signifié emprisonnement, ça ressemblait à ce qu'elles avaient vécu avec leur ex-compagnon violent. C'était un contexte chargé émotionnellement qui a fait remonter des souvenirs traumatiques, raconte la sociologue. La solitude a aggravé leur état psychologique. J'espère que la liberté retrouvée va apaiser cette détresse".

Aux premières heures du déconfinement, Stéphanie Le Gal-Gorin a rejoint son bureau pour reprendre les rendez-vous en tête à tête. "L'échange téléphonique a ses limites. En face à face, il y a tout un langage non verbal essentiel, certaines expressions délivrent des informations importantes".

" Le regard, l'attitude, les larmes qui montent..." Fabienne Andrieux, intervenante sociale à la compagnie de gendarmerie de Dinan, a elle aussi vécu avec frustration ces semaines passées au téléphone. Sans rencontrer les victimes.

Si les violences en flagrance n'ont pas augmenté, selon elle, les violences psychologiques, économiques, les humiliations habituelles, restent invisibles, des chiffres confinés à huis-clos. "Que mettre sur l'attestation pour sortir se confier ou porter plainte ? Le confinement a été un obstacle de plus pour toutes les femmes victimes".

De cette période si singulière, toutes les deux retiendront néanmoins de beaux élans de générosité. Un gage positif pour l'avenir.


 
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